Re: [Transcriptions] [April - Atelier] [April] Défi hebdomadaire >Transcription de l'émission libre à vous du 4 juin

[Basile Starynkevitch <basile AT starynkevitch.net>]

On 6/7/19 11:53 AM, Laurent Bertaud wrote:

Question peut-être idiote: existe-t-il des logiciels (libres) de transcription automatique?

Pas encore à ma connaissance (en tout cas, pas au niveau TRL des applications Google équivalente). Dans ma tête, il serait dans la mission de l'APRIL (et de l'AFUL aussi) de contribuer à faire pression pour que ce que ça soit financé (en France, Pôles de compétitivité, ou en Europe, par exemple Horizon Europe).

Alors OK, on me crie sur cette liste: mais Basile, t'as qu'à faire du lobbying aussi, en faveur du logiciel libre. Mais ça j'en ai fait aussi, et trop à mon goût, du lobbying pour le logiciel libre. Depuis 2003. Professionnellement. Juste que la plupart des membres de l'APRIL ne m'ont pas vu faire (mais ceux de Systematic GTLL, ils ont trop vu ma tête et ils m'ont fort justement charrié à ce sujet). Et j'en ai marre.

J'ai la culture scientifique pour comprendre ce que serait un logiciel libre de transcription automatique. Je me sentirais d'en être l'architecte logiciel (même si à l'AFUL comme à l'APRIL il y a des gens bien plus compétents pour ça que moi). Mais pas plus envie que ça (je suis à la retraite dans 3 ou 4 ans). C'est très innovant, mais en 2020 à la limite supérieure du faisable: Voir l'image https://xkcd.com/1425/

Le "five years" est exagérément optimiste. Il faut plutôt lire 5 à 10 ans (cf Mythical Man Month). Et le team, c'est au moins 5 docteurs (mais pas 10) en informatique à temps plein. J'en connais plusieurs qui seraient ravis d'en être (à condition d'être payé dignement pour leur qualification et ça je le revendique hautement : je refuse avec vigueur une certaine idéologie gauchiste - et pendant 50 ans, soviétique - selon laquelle quand on a fait des études, on devrait être content, fermer sa gueule, et accepter un salaire faible (je trouve que nos chercheurs actuels à l'INRIA comme au CNRS ou à l'Université et même, dans une moindre mesure au CEA, à l'INSERM, à l'IFP, sont scandaleusement sous-payés); j'ai eu un oncle académicien soviétique -l’équivalent de notre CNRS, niveau DR en archéologie- qui était payé au niveau presque d'un ouvrier à la chaîne parce que l'idéologie soviétique de son époque, c'est que l'intellectuel est socialement moins valable que l'ouvrier ou le chauffeur de taxi; aujourd'hui lire à ce sujet l'excellent livre Bullshit Jobs, c'est aussi passionnant qu'un roman policier. Moi, mes "titres académiques" (ancien de l'ENS Cachan, Docteur en Informatique), je ne les ai pas usurpés, je n'ai corrompu personne pour les avoir, je n'ai jamais triché à un examen ou concours -sauf en 1984 environ le dessin industriel aux concours MinesPonts où j'ai un peu pompé sur mon voisin de table, mais le coefficient était faible, et mon dessin comme ma note dégueulasse-, je revendique encore à 60 ans, avec probité et honneur de les avoir gagnées à la sueur de mon front.

Au doigt mouillé, comptez au moins 5 à 6 ans de R&D et 20M€ de budget de développement. Ou, selon une mesure très imparfaite qui m'est plus familière, plusieurs millions de ligne de code source (cf sloccount de D.Wheeler). Et plusieurs labos académiques (dont des collègues proches du CEA, LIST, notamment Gaël de Chalendar, lui-aussi membre à titre personnel de l'APRIL; le labo où il travaille a plusieurs briques de base en logiciel libre afférent à la thématique de transcription automatique) sont en France techniquement capables, et probablement volontaires, pour y contribuer activement. Il y aurait un appel à projets de R&D innovante, on se lancerait avidement dessus. Et même mon Bismon pourrait aussi être -parmi d'autres- une brique logicielle pour ça.

Ce que je veux crier ici, c'est que les compétences techniques existent, en France comme en Europe, au moins dans un monde plus ou moins académique proche du mien, pour faire un logiciel libre de transcription automatique. C'est le financement qui manque.

Et j'ai plein d'autres idées de logiciel libre innovant que l'APRIL pourrait suggérer, y compris en rapport direct avec l'écologie et le réchauffement climatique, la production des lois (Cf Montesquieu, il faut rédiger les lois d'une main tremblante). Mais je suis un geek, un peu autiste comme tous les développeurs (être à la limite de l'autisme est une qualité nécessaire pour faire des maths ou de l'informatique ou devenir champion d'échecs) de logiciel libre, le relationnel (comme plus généralement l'intelligence émotionnelle), c'est mon point faible. Même à 60 ans. Et honnêtement et peut-être orgueilleusement, le logiciel libre dont l'architecture date des années 1990, je m'en fous un peu. Mais mon impression croissante, c'est que l'APRIL s'en fout du logiciel libre futur. L'APRIL ne regarde que le logiciel libre passé (mais souvenez vous donc de la Femme de Loth, l'histoire se termine très mal pour elle). Celui là, je l'utilise quotidiennement. Et il ne m'intéresse plus.

Mon opinion, c'est que l'APRIL devrait suggérer le développement d'un logiciel libre de transcription semi-automatiques aux instances de financements (je songe particulièrement aux financements publics de R&D pré-compétitive). Ça servirait dans plein de domaines régaliens (assistance à un greffier de justice: aujourd’hui, il -ou le président d'une Cour d'Assises, paie probablement la ramette de papier d'une cour d'Assises; ça je l'ai vu de mes propres yeux comme juré d'Assises). Ça, le lobbying pour développer le logiciel libre futur, moi Basile, je ne sais pas bien faire. Mon trip, c'est coder du logiciel libre. Pas faire du lobbying pour favoriser son développement (pour l'utilisation, il n'y a plus tellement besoin, le logiciel est partout, sauf sur les ordinateurs Windows, et même ça est en train de changer avec WSL).

Mais si on leur dit, ou même si "ils" nous "entendent" le penser, que Tirole est un fumier de la pire espèce, nous membres de l'APRIL n'avons aucune chance. Absolument aucune. C'est le type même de discours qui nous discréditerait totalement et tout de suite.

Il faut rentrer dans leur jeu, leur mode de pensée: économie du logiciel libre, compétitivité économique hors coût, souveraineté européenne, etc... Tirole (et Systematic GTLL, hélàs devenu en pratique un lieu d'optimisation fiscale pour les entreprises françaises du logiciel libre) sait très bien faire.

Je retourne à mon clavier pour coder un logiciel libre (perso, car je suis, en ce moment même, en arrêt maladie RPS).

Librement

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Basile STARYNKEVITCH   == http://starynkevitch.net/Basile
opinions are mine only - les opinions sont seulement miennes
Bourg La Reine, France