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communique - Reaction d'APRIL a la proposition de loi Le Deaut

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Reaction d'APRIL a la proposition de loi Le Deaut


Chronologique Discussions 
  • From: Olivier Berger <oberger AT april.org>
  • To: communique AT april.org
  • Subject: Reaction d'APRIL a la proposition de loi Le Deaut
  • Date: Thu, 04 May 2000 00:39:24 +0200


Une proposition de loi insuffisante pour promouvoir une véritable
politique citoyenne de la « société de l'information »

Olivier Berger <oberger AT april.org> pour APRIL


[Communiqué de presse, pour diffusion immédiate]

Saint-Denis, le 3 mai 2000.

L'Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre
accueille de façon mitigée une nouvelle proposition de loi concernant
les standards ouverts et l'accès au code source des logiciels pour les
services publics. Cette proposition va dans le bon sens, mais ne
s'écarte que marginalement du droit positif actuel, et oublie en
chemin la protection des libertés du public, en se concentrant
essentiellement sur le secteur public.

Néanmoins, cette proposition de loi a le mérite de questionner
l'action des pouvoirs publics sur de vrais enjeux de société.

Trois députés viennent de rédiger une nouvelle proposition de loi [1]
pour rendre obligatoire l'utilisation par les services de l'Etat de
standards de communication ouverts (article 1), l'utilisation de
logiciels dont les codes sources leurs sont accessibles (article 2),
et le droit pour tous à la compatibilité logicielle (article 3). Comme
l'explique l'exposé des motifs de cette proposition, elle reprend de
fait des principes républicains essentiels comme le libre accès du
citoyen à l'information publique, et la nécessaire pérennité des
données publiques.

L'APRIL est bien entendu favorable à l'obligation pour les services de
l'Etat d'utiliser des standards de communications et de données
ouverts pour leurs échanges électroniques, ceci assurant la pérennité
du patrimoine public numérisé et le droit fondamental de libre accès à
l'information publique. De plus, ceci ne peut qu'être favorable à
l'adoption la plus large des Logiciels Libres, qui est au coeur de
notre action.

Cependant, on peut émettre des doutes sur la capacité de l'Etat et du
gouvernement à mettre en pratique ses propres propositions, à faire
respecter dans ses services le droit existant, ou à adopter des
mesures progressistes lorsqu'elles sont proposées. L'article 1 de la
proposition socialiste, qui a pour fondement la déclaration des droits
de l'homme de 1789, sera-t'il appliqué efficacement ? D'autres
propositions similaires ont été faites par le passé, notamment dans le
rapport Baquiast de 1998 [2]. Or l'Etat utilise toujours massivement
des standards de communication propriétaires, y compris dans sa
communication avec les citoyens. L'article 2 correspond à une version
amoindrie de la proposition de loi des sénateurs
Laffitte/Trégouët/Cabanel [3]. Cet article, tout comme la proposition
des trois sénateurs, pourrait être mise en pratique immédiatement pour
peu que les responsables de collectivités locales et l'Etat prennent
une attitude responsable en matière d'équipement informatique. Or, on
sait que son examen au parlement a été rejeté par le Garde des Sceaux
récemment. Il nous semble également que l'article 2 de la proposition
socialiste s'apparente à l'article 12 du Code des Marchés Publics [4],
puisque la section technique de la Commission centrale des marchés a
le pouvoir, voire le devoir, d'imposer l'utilisation de standards lors
de la définition du cahier des charges d'un marché public.


Concernant l'article 2 et l'accès au code source des logiciels pour
les services de l'Etat, nous nous étonnons qu'il ne soit pas fait
mention des aspects pratiques (notamment concernant la nécessité d'un
droit à la modification par les service de l'Etat des sources des
logiciels qu'ils utilisent, au-delà d'une simple accessibilité en
consultation).

Il nous semble également que le Code des Marchés permet de faire
bénéficier l'administration cliente d'un droit à la maintenance des
programmes, qui s'apparente à un droit de modification du code source.
Ces dispositions ne sont pourtant que très rarement appliquées. Une
responsabilisation des acteurs plus importante, et une simple
directive gouvernementale suffiraient donc pour obtenir le même
résultat dans ce domaine.

L'article 3, instaurant le droit à la compatibilité logicielle, ne
fait apparemment que reprendre exactement ce que dit déjà la loi. En
effet, l'intéropérabilité est garantie par la directive européenne de
1991, retranscrite dans le droit français par la modification du Code
de la Propriété Intellectuelle [5]. Cet article n'apporte donc rien
de vraiment nouveau, mais a sans doute le mérite de mettre en lumière
le fait que les règlements en matière de droit à l'interopérabilité ne
sont pas appliqués par les gouvernements, et les offices de propriétés
intellectuelle, l'Office Européen des Brevets notamment.

Actuellement, en Europe, les brevets sur les programmes d'ordinateurs
en tant que tels sont interdits. Le cas des brevets est exemplaire,
tant la brevetabilité des logiciels met en danger le droit à réaliser
des systèmes logiciels compatibles.

Ainsi, une directive européenne, préparée dans le but d'éliminer toute
ambiguïté quand à la brevetabilité des inventions impliquant des
logiciels, propose malheureusement une révision de l'article 52.2c de
la Convention de Munich qui exclut précisément les programmes
d'ordinateurs de la liste des inventions non brevetable (voir [6] à ce
sujet). Or lors de la Conférence Intergouvernementale des Etats
membres de la Convention de Munich en juin 1999, le Secrétaire d'Etat
à l'Industrie Christian Pierret déclarait: « ... Il convient cependant
d'aborder ce dossier avec la plus grande prudence sur le fond, et
d'estimer précisément l'impact économique qu'aurait sur l'industrie du
logiciel une modification, notamment en ce qui concerne les logiciels
libre.» Cependant, des pressions puissantes poussent à changer cette
position en Europe, sans réelle étude sur les impacts économiques, et
les dangers concernant l'innovation. Plus grave, l'office chargé de
faire appliquer la loi, l'Office Européen des Brevets, viole
régulièrement la loi en acceptant des brevets sur des programmes
d'ordinateurs en tant que tel. Qu'en est-il aujourd'hui des
déclarations d'intentions du secrétaire d'Etat ? L'article 3 de la
présente proposition garantirait en tout cas explicitement l'un des
droits essentiels mis en péril par la brevetabilité des logiciels.

Pour rappel, Le Premier Ministre, dans un discours fondateur prononcé
à Hourtin le 25 août 1997 [7], fit connaître à tous que le
gouvernement faisait du passage de la France dans la société de
l'information l'une de ses priorités politiques. L'action
gouvernementale s'articulant autour de priorités dont notamment la
réforme des services publics et de l'administration. Un ensemble de
mesures techniques ont déjà été prises. Il reste à présent à donner un
véritable aspect citoyen à cette action.

Quelles sont les chances de voir cette proposition mise aux votes ? On
peut s'étonner de la prudence du gouvernement à appliquer des lois
déjà existantes, à ne pas mettre à l'ordre du jour des propositions de
lois minimalistes. Et le député Le Déaut explique lui-même dans
Libération du 26/04/2000 « Par cette initiative, nous cherchons
surtout à attirer l'attention des pouvoirs publics sur un vrai
problème. » [8]. Or puisque cette proposition reprend justement des
règlements qui existent déjà par ailleurs, nous considérons qu'elle
devrait donc être votable sans aucun obstacle de taille. Espérons
qu'un débat parlementaire pourra avoir lieu dans les meilleurs délais,
et remercions ces députés de tenter à nouveau d'attirer l'attention
des pouvoirs publics.

Quelle protection des libertés du public apporte cette nouvelle
proposition de loi ?

En effet, l'article 2 ne semble s'appliquer qu'au secteur public,
alors que, selon l'intitulé de la loi présenté dans le rappel des
motifs, l'objectif est d'établir une loi « tendant à renforcer les
libertés et la sécurité du consommateur et à améliorer la concurrence
dans la société de l'information ». Dans sa rédaction actuelle,
quelles garanties réelles cette proposition de loi s'efforce-t-elle de
mettre en oeuvre en la matière pour les citoyens ou les entreprises
privées (si ce n'est par effet de "contagion" lié à l'effet
prescripteur des services de l'état) ?

Nous regrettons ainsi que l'obligation de fourniture des codes sources
(et un droit de modification associé) ne soit pas élargie à l'ensemble
du marché du logiciel commercial, tout en conservant les prérogatives
des auteurs ou éditeurs définies par le Code de la Propriété
Intellectuelle.

Au moment où la classe politique fait des propositions allant dans le
sens d'une société de l'information plus citoyenne, et à quelques
semaines du vote du PAGSI, quel est le choix de société qui nous
attend ?

En ce qui nous concerne, nous tenons à rappeler notre attachement à
l'adoption la plus large par le secteur public, mais aussi par les
acteurs privés, de solutions basées sur des Logiciels Libres, qui nous
semblent les mieux à même de garantir les libertés essentielles
réclamées par nos députés et sénateurs. Les logiciels libres
garantissent par nature l'ouverture des protocoles et la conformité
des objectifs aux besoins. On peut douter qu'il en soit réellement de
même de logiciels propriétaires, mais à sources ouverts, qui
chercheraient à contourner la présente proposition de loi par un
recours à des standards pseudo-ouverts, ou une publication des sources
limitée à certaines entités seulement, sans que le public ait
réellement des garanties en la matière.

Nous appelons les trois députés socialistes à renforcer leur
proposition de loi, en imposant l'usage des logiciels libres dans
l'administration, en imposant la divulgation des codes sources de tous
les logiciels, en imposant la publication des formats et standards de
communication de tous les logiciels et en intégrant à leur proposition
une agence des logiciels libres chargée du financement de la recherche
en informatique libre dans les universités et dans les établissements
publics.

Vivement une mobilisation républicaine afin de replacer au centre des
préoccupations l'intérêt du public et le caractère universel du savoir
et de l'information. Le rôle de l'Etat reste indispensable pour le
développement d'une société de l'information citoyenne, mais les
Français doivent rester vigilantes et se mobiliser pour traduire dans
les faits un discours ambitieux.



1. Références



[1] http://www.osslaw.org
[2] http://www.admiroutes.asso.fr
[3] http://www.senat.fr/grp/rdse/page/forum/texteloi.html
[4] http://www.finances.gouv.fr/reglementation/CMP/
[5] http://www.legifrance.gouv.fr/
[6] http://www.legifrance.gouv.fr/
[7] http://www.premier-ministre.gouv.fr/PM/D250897.HTM
[8] http://www.liberation.fr/microsoft/actu/20000426merx.html




2. APRIL


L'APRIL, Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique
Libre, créée en 1996, est composée de professionnels de différentes
sociétés ou administrations, de chercheurs et d'étudiants. Elle a pour
objectif de sensibiliser les entreprises, les administrations et les
particuliers sur les risques des solutions propriétaires et fermées,
et de les informer des potentialités offertes par les logiciels libres
et les solutions basées sur des standards ouverts.

Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à
l'adresse suivante : www.april.org/


Contacts Presse :

Olivier Berger, administrateur. E-mail : oberger AT april.org.

Frédéric Couchet, Président. E-mail : fcouchet AT april.org.
Tél : 06.60.68.89.31

--
Olivier BERGER - Membre du C.A. de l'association APRIL
APRIL (http://www.april.org) - Vive python (http://www.python.org)
Libre Software Meeting - Bordeaux 5-9/07/2000 (http://lsm.abul.org)




  • Reaction d'APRIL a la proposition de loi Le Deaut, Olivier Berger, 04/05/2000

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