Objet : Informatique déloyale (liste à inscription publique)
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- Subject: Vie privée : les citoyens en liberté surveillée
- Date: Wed, 12 Sep 2007 15:25:24 +0200
http://www.lefigaro.fr/magazine/20070907.MAG000000515_les_citoyens_en_liberte_surveillee.html
Vie privée : les citoyens en liberté surveillée
PAR FRANÇOIS DELÉTRAZ, MARTINE MOREAU ET PASCAL GRANDMAISON.
Publié le 07 septembre 2007
Actualisé le 08 septembre 2007 : 18h23
" Face à la montée inexorable des moyens de pistage des individus, la Cnil
s'avoue désarmée pour faire respecter les droits des Français.
Un client d'une banque parisienne s'est vu refuser une demande de crédit sous
prétexte que celui-ci apparaissait dans un fichier d'interdits bancaires...
par erreur. Seule solution pour lui : contacter la Cnil (Commission nationale
de l'informatique et des libertés) pour opérer une vérification de ce
fichier. De son côté, un demandeur d'emploi dans le domaine de la sécurité
devait obligatoirement fournir une preuve de non-inscription dans les
fichiers Stic (Système de traitement des infractions constatées) de la police
pour pouvoir être engagé. Là encore, un motif erroné ou une homonymie l'a
privé du poste convoité. De toute manière, la réponse de la Cnil aurait pu
nécessiter plusieurs mois d'attente.
Biométrie, vidéosurveillance, traçage sur internet, fichiers informatiques,
dossier médical personnel, géolocalisation, puces RFID (Radio Frequency
Identification)... De tous côtés, le citoyen s'avère fiché, tracé,
comptabilisé. Le plus souvent à son insu ! Cette montée en puissance des
moyens de surveillance introduits par les nouvelles technologies inquiète. La
Cnil est alors d'un secours essentiel pour préserver les libertés
individuelles. Apparue en 1978, l'autorité française de contrôle en matière
de protection des données personnelles est née à la suite des révélations,
dans les années 70, d'un projet du gouvernement d'identifier chaque citoyen
par un numéro et d'interconnecter tous les fichiers de l'administration sur
la base de cet identifiant. En réponse à la crainte d'un fichage général de
la population, l'Etat a alors institué une commission pour garantir que le
développement de l'informatique se réaliserait dans le respect de la vie
privée, des libertés individuelles et des libertés publiques.
L'argument de la sécurité
Prenons l'exemple de la vidéosurveillance. Chez la plupart des sujets non
informés, elle provoque un sentiment d'indifférence, tout au plus une vague
gêne. «Cela ne me pose aucun problème car je n'ai rien à me reprocher»,
entend-on régulièrement. «C'est une erreur de raisonnement, répond Alex Türk,
président de la Cnil. Le problème n'est pas d'avoir ou non quelque chose à se
reprocher, mais de savoir si l'usage d'une technologie peut aboutir à une
réduction de nos libertés.» Personne ne souhaite être filmé en compagnie de
sa maîtresse ou de son amant, ni même que son patron apprenne que l'on
fréquente un client de son entreprise. De même, un Etat policier aurait tout
loisir de recenser nos moindres faits et gestes. On pourrait également
effectuer un parallèle avec l'actualité pas si éloignée des écoutes
téléphoniques de l'Elysée.
Notre vie privée ne regarde personne. Ne donnons pas le bâton pour nous faire
battre. Grâce à l'action de la Cnil, l'utilisation d'un tel système dans une
entreprise est aujourd'hui assortie d'une obligation d'avertissement des
employés. «La vidéosurveillance bénéficie d'une légitimité probable dans les
secteurs de la sécurité ou du terrorisme, ajoute Alex Türk. Il convient
pourtant de modérer son usage pour que sa finalité ne dépasse pas le cadre
pour lequel elle a été mise en place. La Cnil assure un contrepoids
nécessaire pour la préservation des droits fondamentaux.»
Parmi les grands dossiers auxquels s'attèle la Cnil, la biométrie représente
un péril concret. Déjà mis en place de manière expérimentale dans les
aéroports français, ce système autorise une reconnaissance des personnes par
leurs empreintes digitales. Il permet d'éviter l'attente à la douane mais
implique de se retrouver répertorié dans le fichier Parafes (passage
automatisé rapide aux frontières extérieures Schengen), lui-même
interconnecté avec le fichier des personnes recherchées (FPR) et le système
d'information Schengen (SIS). Là encore, un individu au-dessus de tout
soupçon pourra n'y percevoir qu'un gain de temps pour lui-même et une
amélioration de la sécurité. Ce phénomène illustre pourtant de façon parfaite
la grande crainte de la Cnil : l'interconnexion des fichiers et la création
de profils dont les finalités nous échapperont peut-être un jour. il faut
savoir qu'un Français normalement intégré dans la vie sociale apparaît
aujourd'hui dans 400 à 600 fichiers...
Et que dire du Stic, qui s'est souvent distingué pour ses erreurs et qui
recense les agresseurs comme les victimes ou les témoins (5 millions de mis
en cause et 18 millions de victimes recensées). N'oublions pas non plus le
BDE1 (base de données des élèves du premier degré), qui fera l'objet d'une
réunion avec le Premier ministre François Fillon le 18 septembre afin de
s'assurer d'une sécurité totale des informations et d'éviter les dérives
possibles, ou encore du Fijais (fichier judiciaire automatisé des auteurs
d'infractions sexuelles) dont la définition première a été étendue petit à
petit de manière inquiétante.
C'est par ce mécanisme d'élargissement progressif que des excès apparaissent,
comme l'explique Alex Türk : «On nous demande notre autorisation pour un
cadre précis, puis pour un cadre plus large, puis encore plus large et
lorsque nous disons stop, on nous répond que nous étions d'accord sur le
principe...» Car la Cnil possède un pouvoir réel mais limité. Elle ne peut
émettre qu'un avis consultatif sur les projets de loi du gouvernement. A
celui-ci d'assumer ses prises de position devant l'opinion publique.
Débordée par l'ampleur de la tâche
Depuis 2004, la commission dispose d'un pouvoir de contrôle des organismes
privés ainsi que d'un régime de sanctions financières graduées. Le
non-respect de la loi (fichage sauvage sur le net, prospection sans
autorisation...) peut entraîner une amende allant jusqu'à 300 000 euros et la
transmission de l'affaire au parquet pour des poursuites pénales. Les
premières sanctions sont tombées pendant l'été 2006 dans le secteur bancaire.
Le Crédit lyonnais en a notamment fait les frais (45 000 euros) pour ne pas
avoir suivi les règles d'inscription dans les grands fichiers de la Banque de
France. Deux entreprises de vente de fenêtres n'ayant pas respecté le droit
des personnes à s'opposer au démarchage téléphonique ont dû payer 60 000
euros. On note également la présence d'un opérateur téléphonique et d'un
parti politique dont l'identité reste secrète.
Face à ses nouvelles attributions, la Cnil commence à peiner. Son activité de
contrôle a été multipliée par six en trois ans (70 000 fichiers informatiques
déclarés chaque année) sans augmentation de son budget. Sa mission apparaît
aujourd'hui pratiquement impossible à remplir. Les délais d'attente pour la
vérification des fichiers Stic dépassent une année. L'autorité française ne
dispose que de 90 collaborateurs, là où les organismes allemand et anglais en
affichent respectivement 400 et 250. Elle attend donc une décision des
pouvoirs publics afin de disposer des moyens de ses ambitions. D'autant que
les tâches futures s'annoncent ardues. Début octobre, elle entamera un
contrôle total des fichiers des Renseignements généraux. Un travail qui
devrait durer de longs mois.
La Cnil reste disponible pour le particulier, qui ne doit pas hésiter à la
contacter si sa demande de rectification d'un fichier informatisé lui était
refusée par exemple. Le site www.cnil.fr regorge d'informations précieuses
sur les droits de chacun. Un dossier consacré aux méthodes employées pour
nous tracer sur le net développe les solutions à appliquer pour se défendre.
On y découvre les dernières victoires de la commission, notamment la création
d'un passe Navigo anonyme à la RATP, et l'on apprend la destination des
données personnelles enregistrées lors de l'utilisation d'un Vélib': pour un
abonnement de moins d'une semaine, aucune information personnelle n'est
collectée ; au-delà, elles sont conservées cinq jours pour laisser la
possibilité de contester la facture. Il est heureusement encore possible
d'aller et venir anonymement en France. Mais jusqu'à quand ?"
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- Vie privée : les citoyens en liberté surveillée, Patrick, 12/09/2007
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