Re: [EDUC] Contact avec des professeurs pour organiser une journée à la villette.

[cnestel AT free.fr]

----- "Bookynette" <mgarnero AT april.org> a écrit :

> Nous sommes en train de concocter un programme avec plusieurs mini
> conférences de présentation et d'initiation , avec des ateliers pour
> valider quelques items du B2I ou C2I et bien sur il y aura des postes en
> libre accès.
> Nous avons commencé à écrire une lettre qui sera adressée à des
> directeurs/documentalistes/profs :
> http://todo.ubuntu-party.org/documents/9
> Qu'en pensez-vous ?
> Cela vous encouragerait à nous amener votre classe si vous étiez sur
> Paris ?
> 
> De plus, je suis en train de lister les collèges et lycées autour de
> la
> Villette...
> adresse, mail, site et nom de quelques responsables.
> Je le mets sur le wiki du groupe éducation ? j'attends de voir ceux
> qui me répondent ou cela n'a aucun intérêt ?
> 
> A bientôt.
> et bises à ceux que je connais.
> Bookynette

Bonjour,

C'est grâce à mon fils, Jérémie Nestel, qui était médiateur
scientifique à la Cité des sciences et de l'industrie qu'April
qui sortait à peine de l'université Paris 8 a gagné ses galons
pour devenir une association d'envergure nationale, en ayant
convaincu ses supérieurs hiérarchiques, notamment Gérard Théry  
qui dirigeait la Cité des sciences de thématiser la manifestation
sciences en fêtes sur les logiciels libres.

Et l'on put voir sur le fronton de cet édifice :
"sciences en fêtes : logiciels libres".

Il y eut à la fois des conférences, un immense atelier,
et même sans doute l'une des plus grosses install party
de toute l'histoire des installs parties.

Le matin des membres de l'April venaient à mon collège
pour m'aider à accompagner une classe de troisième à
la Villette. Ils recevaient avant l'arrivée du public une
formation (par exemple par Benji, Sébastien Blondeel, Dominique 
Quatravaux, etc) à des applicatifs libres comme The Gimp et autres. 
Ensuite, c'étaient aux jeunes d'accueillir le public. L'un d'eux
faisait des démos au micro et vidéoprojecteur tandis que ses
camarades entouraient sur chaque poste les visiteurs
(jeunes, public, institutionnels) qui manipulaient
et suivaient la formation du démonstrateur au vidéoprojecteur.

On avait alors fait la démonstration que si des jeunes
élèves de banlieue étaient capables d'accueillir le public,
de l'assister dans ses manipulations, de faire des démonstrations
(ce qui implique un talent d'orateur), alors les logiciels
libres, tout du moins dans leur usage étaient à la portée
de tous.

Je suis donc pour à 100% pour l'accueil et la mise en avant
des jeunes générations. Sur le plan communicationnel,
et promotion : il n'y a pas mieux.

Mais pourquoi éprouves-tu le besoin de mêler la merde
du B2i à ça ?

Le B2i c'est la négation de l'enseignement de l'informatique
en collège, et de ce fait : c'est la négation du logiciel
libre.

Le B2i, je suis le seul qui le pratique réellement dans mon
collège, par effet de double bind, de skizophrénie interne,
parce que c'est le seul moyen pour moi d'essayer, en le
détournant un peu, d'essayer de faire passer des notions
d'informatique dans mon enseignement.

Mais je ne confonds nullement "obligation de service" dans
l'exercice de mon travail, avec promotion hors de cet exercice,
surtout si c'est l'April qui en fait la promotion, ce que
j'estime comme une trahison.

Quelques points de repères.

L'idée du B2i a germé lors de la suppression de l'option
informatique des lycées, au prétexte qu'il n'y avait pas
besoin d'enseignement spécifique puisque tout le monde
utilisait les TICE.
C'est un peu comme si l'on supprimait l'enseignement du
français au prétexte que tout le monde le parle ; l'essentiel
étant la langue en tant qu'outil de communication.

Pour autant, dans le projet de Jack Lang (qui était ministre
de l'éducation) pour mettre en place ce dispositif dans les
collèges, il était prévu de s'appuyer sur les professeurs
de Technologie.
33% du temps consacré à l'enseignement de la Technologie devait 
être dédié à l'apprentissage de notions informatiques, même si
l'informatique pouvait être utilisée dans le reste du temps,
en tant qu'outil. Et si toutes les disciplines pouvaient contribuer
à la validation des items du B2i, celui-ci devait être coordonné
par le professeur de technologie.
Le B2I dans sa première version maintenait donc encore un fragile
équilibre entre "connaissances" et "compétences".

Puis vint le socle commun de la réforme Fillon (application
d'une Directive Européenne, néo-libérale, décidée lors
du Traité de Lisbonne. C'est un peu, pour ce qui concerne
l'Education, le pendant de Conférence diplomatique de l'OMPI
qui imposa les DRMs, le DMCA aux USA, l'EUCD en Europe,
DADVSI en France, puis Hadopi...

Les TICE, sous la pression de lobbies, comme la société 
Microsoft, devinrent le "quatrième pilier du socle commun".
Tous les programmes de technologie furent modifiés et tout
ce qui concernait l'apprentissage de notions informatiques
fut supprimé au seul profit de l'usage de l'outil
informatique. On décida "transversales" les "compétences" 
du B2I.
Il ne s'agissait plus par exemple d'apprendre aux élèves
un paradigme, par exemple l'arborescence - que l'on retrouve
tout aussi bien dans la traditionnelle démarche cartésienne
enseignée au lycée classique "décomposer chaque difficulté
jusqu'au plus simple élément", dans un système de fichiers
accessible sur un disque dur, dans une table des matières,
dans l'usage structuré du traitement de textes ou d'un
MediaWiki - mais d'apprendre à utiliser un outil.

Même si cet outil est un logiciel libre comme Libre Office,
si l'enfant apprend une checklist de type hiérarchiser
les titres avec l'outil "styles et formatages", numéroter
les chapitres, faire un pied de page, aller dans insertion
->Champs ->numéros de pages, générer automatiquement une
table des matières, etc, il sera complètement paumé si 
à la maison il se retrouve avec Word, parce qu'il aura
acquis des compétences d'usage, pas le principe.

On la place alors dans un processus de déqualification
permanente dès qu'il sera confronté à une nouvelle
interface, une autre technologie.

Seules les connaissances permettent en réalité une adaptabilité
permettant d'affronter l'inconnu.

Tu dois savoir qu'au Canada les enseignants ont obtenu
que cesse l'évaluation par compétences pour un retour à
un enseignement basé sur des connaissances.

Réf : 
http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2011/01/20110119-061106.html

Et aux Etats-Unis, c'est Microsoft qui est en première ligne
pour développer une propagande basée sur des évaluations
par compétences, en prétextant "les systèmes éducatifs inadaptés au 
marché du travail" :

"Depuis peu, le programme Microsoft Partners in Learning a 
créé un nouvel outil permettant aux écoles de mesurer leurs 
réussites quant à l’enseignement des compétences requises. 
L’objectif de l’étude est d’aider les administrateurs et 
les politiques à mieux cerner les relations entre techniques 
pédagogiques et résultats des étudiants.

(...)

En cause, l’impossibilité pour les systèmes éducatifs étudiés 
de définir clairement un socle de compétences de bases adaptées 
                     ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ 
au marché du travail du XXIe siècle, ni même une méthode pour guider 
les enseignants à pour exercer leur métier.

etc."
http://www.lepost.fr/article/2011/01/11/2367233_les-systemes-educatifs-inadaptes-au-marche-du-travail.html

De plus, nous ne pouvons pas à l'April constituer un groupe
de travail sur l'informatique déloyale et dans le même temps
ignorer les campagnes de la Ligue des droits de l'Homme
qui dénoncent ces livrets de compétences comme étant du fichage
scolaire et un retour au livret ouvrier du XIXème siècle :

http://www.lepost.fr/article/2011/01/11/2367233_les-systemes-educatifs-inadaptes-au-marche-du-travail.html

http://wiki.april.org/w/News_education_decembre_2010#.C3.89missions_de_radio.2C_qui_font_le_point_sur_Base_.C3.A9l.C3.A8ves.2C_le_livret_personnel_de_comp.C3.A9tences_et_les_autres_fichages_scolaires

ni la position du principal syndicat enseignant - le SNES :
http://wiki.april.org/w/News_education_decembre_2010#Prises_de_positions_du_SNES_sur_le_socle_commun_et_le_livret_de_comp.C3.A9tences

etc.

Alors que faire ?

Présenter des logiciels libres : oui !
Apprendre aux élèves à réaliser un journal scolaire avec
des documentalistes et logiciel Scribus : oui !

Présenter Wikipédia et faire manipuler des élèves
sur un MédiaWiki : Oui !

Mieux encore, les rendre acteurs ! En leur demandant
de réaliser des mini-reportages sur des thèmes présentés
à la Cité des sciences, de prendre des photos, de réaliser
de petits textes et puis constituer des ateliers : oui !

Tout ce que tu voudras. Mais de grâce, ne mêle pas
le B2i à ça.

Merci.

Bisous,
Charlie