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educ - Re: [EDUC] Manuels scolaires libres

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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Re: [EDUC] Manuels scolaires libres


Chronologique Discussions 
  • From: cnestel AT free.fr
  • To: sophonie vital <sophoniev AT gmail.com>
  • Cc: nicolas AT pettiaux.be, William <wgambazza AT yahoo.fr>, educ AT april.org, Sébastien Hache <sebastien.hache AT sesamath.net>, Benjamin Clerc <benjamin.clerc AT sesamath.net>, Emmanuel Thiran <emmanuel.thiran AT mera.be>, Vincent Guyot <vincent AT cvgg.org>, Georges Khaznadar <georges.khaznadar AT free.fr>, Daniel Caillibaud <daniel AT edulibre.org>
  • Subject: Re: [EDUC] Manuels scolaires libres
  • Date: Tue, 2 Aug 2011 14:28:33 +0200 (CEST)


----- "sophonie vital" <sophoniev AT gmail.com> a écrit :

> Bonjour,
> Merci Daniel pour votre réponse. Je comptais contacter weblettres. Le
> manuel qu'ils ont lancé n'est pas libre mais très original et très riche en
> supports complets.
> Je trouve aussi que faire un manuel libre en français est assez
> difficile. Cependant, je pense que c'est une belle bataille à mener. Y a
> matière
> à réflexion...

Salut,

Si tu compares le discours de Sauver les lettres à celui de weblettres
on n'est pas du tout dans le même registre.

Il serait intéressant de faire un sondage parmi les professeurs
de Lettres. On se rendrait vite compte que si la plupart
d'entre eux n'adhérerent pas à la totalité au discours
de Sauver les lettres (parfois dogmatique et sectaire), ils
n'en partageraient pas moins l'essentiel. A savoir :

- Ce collectif refuse la disparition de l'éveil à la pensée critique,
et en particulier celle de l'étude des lettres comme discipline
à part entière ;

- Enfin, à l'opposé des politiques qui s'inscrivent depuis le ministère
Allègre dans un même projet de commercialisation de l'Éducation (projet
conforme aux directives de la Commission de Bruxelles et donc aux
préconisations de l'OCDE), Sauver Les Lettres lutte pour l'organisation
d'un enseignement public et laïque de qualité sur l'ensemble du territoire.

etc.
http://www.sauv.net/qui1.php

Voir en particulier leur projet de programme pour le collège :
http://www.sauv.net/projetprogcollege.ph

Pas la peine de chercher celui de weblettres surmédiatisé
par Microsoft et le Café pédagogique soutenu par Microsoft ;
nous n'en trouverons pas.
Weblettres accepte toutes les réformes en cours depuis
Claude Allègre et amplifiées depuis qui consistent principalement
à considérer le Français comme un outil de communication qui
peut être enseigné par n'importe quelle discipline puisque
toutes le parlent.

Weblettres adhère complètement à l'approche par compétences
du socle commun et donc a B2i.

Partisane d'une approche par compétences et par l'outil
que celui-ci soit informatique ou pas, Weblettres ne propose
aucune analyse critique sur les enjeux de la révolution numérique
dans la discipline qu'elle est censée représenter.

Autant Sésamath est réflexive des pratiques enseignantes
des professeurs de mathématiques, autant weblettres ne l'est
pas.

Dans le projet de programme pour le collège de Sauver
les Lettres, on peut entre autre lire ceci :

"II. Lexique.

Principes :
Mise en place d’un vocabulaire riche, précis, nuancé, privilégiant
les champs notionnels.
Eviter de mettre l’accent sur le formalisme et la technicité
du vocabulaire : donner le goût des mots."

1. Pourquoi cette approche est-elle partagée par la plupart
des professeurs de Lettres ?

Un grand nombre de professeurs de Lettres ne considèrent pas
simplement leur discipline comme une discipline technique,
où les connaissances peuvent se morceler en compétences,
mais également comme une discipline artistique.
Le notion de goût est pour elles/eux fondamentale.
Leur intention sous-jacente est pour presque tous de donner
le goût des mots, le goût de la littérature.
Avant d'être un technicien de la langue, une/un professeur(e)
de lettres a souvent pour ambition de susciter l'amour,
l'amour de la langue, l'amour du Français, l'amour de
la littérature.

Quels liens avec le logiciel libre ?
Quels liens avec l'informatique ?

Précisément, ils sont là.

En premier lieu je réfère aux textes de Bernard Stiegler
sur "l'amateur de". L'amteur c'est celui qui aime. Sans
culture de l'amateur de, nous dit Bernard Stiegler, il n'a
plus d'art, plus de culture, plus d'histoire de l'art.

Culture à prendre également dans le sens Freudien de
sublimation des pulsions, de la libido. Voir le texte
de Freud, malaise dans la civilisation.

Or, nous dit Stigler, c'est dans les communautés du logiciel
libre que l'on rencontre le plus aujourd'hui d'amateurs.

Se battre pour l'introduction d'un enseignement de l'informatique
implique d'aimer l'informatique. On aura beau décomposer
tous les savoirs et savoir-faire en une somme morcelée de
compétences qui certes, sur le plan didactique et pédagogique,
peuvent s'avérer utiles, cette décomposition s'avérera plus
que nuisible, contre-productive, si l'élève et non pas comme
le dit le verbiage pédagogiste "l'apprenant", a le sentiment
que ce qu'il apprend c'est pour s'élever lui-même.

On retrouve la même réticence avec l'imposition de
l'histoire des arts obligatoire au brevet des collèges,
dans le socle commun. Bien souvent, ça vire aux commentaires
de documents, ce que certains professeurs d'Education musicale
d'arts plastiques vivent comme un viol et le déni de leurs
discipline. Car ce qu'ils cherchent à faire passer avant
tout n'est pas de l'ordre de la compétence mais du goût,
de l'ouvetture d'esprit, et susciter là aussi une culture
d'amateur de.

Alors quels liens avec le logiciel libre ?
Quels liens avec l'informatique ?

Pourquoi préfère-je mille fois un prof de Lettres qui ne
touche jamais un ordinateur en classe mais qui transmet
à ses élèves l'amour des mots que celui qui ira (rarissime
heureusement) emmener une fois par an les élèves dans
une salle multimedia pour valider un item du B2i ?

Tout simplement en ce que la fracture numérique n'est
pas tant conditionnée par l'environnement consumériste numérique
(consoles Nitendo, télephones portables, envoyer une image sur Facebook,
etc ) que par la richesse lexicale que l'enfant entendra à
la maison et à laquelle il pourrait accéder grâce à l'école.

Cette "capacité" est la condition sine qua non au bon
usage des moteurs de recherche basés sur des indexeurs
plein texte.
Contrairement à l'obscurantisme de l'idéologie des TICE
répandu dans l'Education, faire une requête sur un moteur
full text ce n'est surtout pas taper des mots clés.

Les mots clés renvoient à une logique sémantique
de catégorisation, les indexeurs plein texte ne catégorisent
rien. Ils se contentent d'indexer tous les mots contenus
dans les documents. Faire une requête implique une approche
par champs lexicaux.

Plus l'enfant aura à sa disposition des champs lexicaux
étendus, plus il sera en situation de trouver l'information
qu'il recherche dans un corpus qui tend vers l'infini.

En ce sens, les professeurs de Lettres qui se concentrent
sur leur discipline permettent de réduire la fracture
numérique et contribuent à lutter contre l'illettrisme
informatique.

L'enseignement secondaire est issu du lycée Napoléonien
où toutes les disciplines, tous les savoirs reproduisaient
le schéma de la segmentation arborescente de la démarche
Cartésienne qui consiste à décomposer chaque difficulté
jusqu'au plus simple élément.

L'ordinateur en réseau a permis l'émergence des hypertextes,
des moteurs de recherche basés sur de l'indexation
plein texte.

Les élèves se retrouvent donc dans l'obligation de
maîtriser les deux démarches :

- l'approche sémantique
- l'approche lexicale

Les nvlles technologies n'ont pas, bien au contraire,
rendu caduque l'approche par segmentation arborescente.
Plus le flux d'informations est grand, plus elle devient
plus que jamais nécessaire.

On la retrouve, pour ce qui concerne les "outils" numériques
tout aussi bien dans l'approche structurée du traitement
de textes, l'usage d'un Wiki, dans la localisation des
documents dans une URL, dans tous les descripteurs de texte
comme LaTeX.

Dans un monde où l'enfant est sollicité de toutes parts
par de multiples informations, où le zapping est devenu
un usage social ; lui apprendre à classer, catégoriser,
décomposer quelles que soient les disciplines devient
fondamental. Mais on doit lui apprendre en même temps
que lorsque le corpus de données est trop grand, lorsqu'il
n'est pas maîtrisable par un être humain, il faut
recourir à d'autres méthodes.

L'approche lexicale lui est également nécessaire.

Si l'enfant apprend, en cours de Français, que traditionnellement
on change de paragraphe lorsqu'on change d'idée. Alors il
se rendra vite compte que chaque paragraphe est un champ
lexical qui renvoie à un contexte local.

C'est la même approche qu'il doit développer sur un indexeur
plein texte.

Voilà pourquoi le recentrage sur les disciplines est bien
plus efficient pour permettre à l'enfant d'être en posture
d'opérer des transferts, de réelle interdiciplinarité
que de valider des compétences d'usages d'interfaces
et d'outils qui ne puevent être que déqualifiantes à chaque
changement de technologie.

Nous devons considérer l'école comme le lieu où une
génération transmet à la suivante ce qui fait perdurer
et non pas celui de réformes incessantes qui se succèdent
à un rythme plus rapide que le curriculum.

Le meilleur service que puissent rendre les professeurs
de Lettres au déploiement d'une authentique culture
informatique pour tous c'est d'abord et en premier lieu
d'enseigner leur discipline.

Et rien n'interdit, dans ce cadre là de s'intéresser
à la relation entre les technologies et le formes de
l'écriture.

Si l'enfant apprend que les scènes du théâtre classique
qui est abordé dans le cursus sont conditionnées par
la durée de combustion d'une bougie, il comprendra mieux
le rythme et la dramaturgie de la pièce qu'il étudie.

Si l'enfant découvre, à l'occasion d'un voyage scolaire
en Angleterre que le théâtre élisabéthain est différent
de celui à la Française inspiré du Quattrocento il comprendra
mieux pourquoi le théâtre shakespearien n'est pas soumis
aux règles de l'unité de temps et de lieu.

Le numérique assurément modifie notre rapport à la langue,
à l'écriture et à la littérature, comme tout notre environnement
technique.

Mais pour en comprendre les enjeux et entrer de plein pied
dans la modernité Baudelairienne il faut rompre avec le B2i,
rompre avec la seule approche par compétences, rompre avec
le modernisme qui n'est pas la modernité.

Charlie






Quelques pistes de réflexion à la volée pour intégrer le
paradigme numérique dans un enseignement disciplinaire
de Français :

1. En premier l'approche lexicale des connaissances.





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