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educ - [EDUC] Prop de loi sur "codage", analyse des motifs et et stratégie

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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[EDUC] Prop de loi sur "codage", analyse des motifs et et stratégie


Chronologique Discussions 
  • From: Jérôme Martin <jeromemartin AT samizdat.net>
  • To: April Education <educ AT april.org>
  • Subject: [EDUC] Prop de loi sur "codage", analyse des motifs et et stratégie
  • Date: Thu, 19 Jun 2014 15:27:04 +0200

Bonjour

Je suis nouvel adhérent  [1].

Je souhaite revenir sur l'exposé des motifs de la proposition de loi déposée par des députés UMP rendant obligatoire l'enseignement du « codage informatique » à l'école.

* La proposition de loi vise, en toute simplicité, à « poser les objectifs d’acquisition des savoirs devant être maîtrisés à l’issue du cycle de l’école primaire ». En quelques lignes, et sans passer par une concertation auprès des acteurRICEs de l'Education nationale, avec pour seul fondement théorique un rapport de l'Académie des sciences d'une trentaine de pages, une quinzaine de députéEs se proposent donc de fixer les objectifs fondamentaux qui doivent être assignés à l'école. Ils et elles n'ont pas de fenêtre parlementaire pour cela, savent que cela ne passera pas, ne proposent pas de débat citoyen préalable : la question se pose donc de savoir ce qu'ils et elles veulent. Des éléments de réponse ont déjà été donnés sur cette liste.

* Leur réflexion commence avec l'annonce des résultats de l'enquête PISA et des mauvais résultats de la France sur l'impact des inégalités sociales sur l'échec scolaire. Je passe ici sur les critiques qu'on peut faire sur PISA ou sur ses interprétations, même si cela vaudrait vraiment le détour. L'exposé des motifs n'explique pas en quoi l'introduction du « codage informatique » permettrait d'améliorer les résultats français présentés par PISA, c'est-à-dire d'amoindrir l'impact des inégalités sociales sur les résultats scolaires. On sait que la référence à PISA est devenu depuis 6 mois le passage obligé de tout responsable amené à se prononcer sur le système scolaire français, mais ici, cela s'apparente à un véritable alibi, qui renforce les soupçons à l'égard des intentions des parlementaires.

* Selon les députéEs, la réaffirmation d'objectifs fondamentaux, insuffisante dans le code de l'éducation (que la droite a tout de même eu l'occasion de changer en 10 ans de pouvoir), doit permettre de former des « individus autonomes ». Quelques lignes plus loin, on nous parle « d'opportunités professionnelles », chiffres à l'appui. On n'explique pas en quoi le « codage informatique » formera des individus autonomes, en dehors du même rapport de l'Académie des sciences. Mais les « opportunités professionnelles » sont, elles, expliquées.

* Le rapport de l'Académie, pourtant, ne défend pas l'enseignement du « codage » informatique, mais bien de la « science informatique ». Notons au passage qu'il ne mentionne qu'une fois, sans développer, les logiciels libres, ce qui ne rend pas son contenu foncièrement scandaleux. Il ne s'occupe évidemment pas de PISA, ayant été rendu public avant les résultats internationaux. Bref, sa mention dans l'exposé des motifs n'explique en rien pourquoi les députéEs passent d'un nécessaire enseignement de l'informatique à l'enseignement du "codage informatique" dans le sens non explicite des députéEs.

* Ni l'exposé des motifs, ni la proposition de loi n'évoquent les conditions d'application mêmes d'une telle mesure (formation des personnels par exemple). La proposition de loi évoque un financement par le biais d'une augmentation de la taxe sur le tabac. Or cette taxe est censée financée l'assurance maladie.

Avec un tel exposé des motifs, flou, contradictoire, lacunaire, il est légitime de s'interroger sur les motivation de députéEs qui font une telle proposition. Dès lors, ce qu'écrit Charlie Nestel me paraît très important : « Derrière le projet de loi des députés UMP, en embuscade, Apple avec son jeu Hopscotch (qui doit apprendre aux enfants à programmer) sur Ibad, Lightbot pour smartphones pour tablettes et smartphones (Androïd et iOS), le projet YouthSpark de Microsoft, etc. » Nous n'avons évidemment pas de preuves que la loi soit directement dictée par des lobbys propriétaires (et encore, peut-être que des recherches sur les rendez-vous publics et d'éventuels intérêts privés permettraient d'aller plus loin dans ce type de critique), mais on est en droit de se poser la question.

Surtout si, dans le cadre du contexte dans lequel est faite cette proposition, qui concerne l'école primaire, on rajoute la réforme des rythmes, qui laissent de nombreuses municipalités / écoles / profs des écoles désemparéEs face à la question de savoir comment occuper les enfants pendant le temps libéré. On sait déjà que des entreprises privées se sont emparées de la question. Faire apprendre "le code" aux élèves dans ce cadre là est aussi une aubaine.

Cela dit, il me semble difficile de communiquer publiquement sur ce qu'on peut légitimement extrapoler des intentions de ces députéEs : on rentre facilement dans l'accusation de procès d'intention, le manque de lisibilité du discours et des revendications ; on risque aussi de leur faire de la pub à peu de frais,  etc. Par contre, si on se pose des questions sur les motivations de ces députéEs, le plus simple est de leur écrire pour les leur demander de façon très ferme, demande appuyée sur une lecture critique de leur exposé des motifs. Et on peut ensuite rendre publique leur réponse agrémentée de commentaires si on estime que c'est pertinent.

Qu'en pensez-vous ?

See you / sunshine


Jérôme

[1] Professeur de français en collège à Saint-Denis, « référent numérique » de mon établissement. Je milite contre les brevets et pour les médicaments génériques dans le cadre de la lutte contre le sida, à Act Up-Paris (association de personnes vivant avec le VIH). Cette association et l'April ont bossé ensemble sur des sujets communs, par exemple ACTA.




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