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educ - Re: [EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

Archives de la liste

Re: [EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND


Chronologique Discussions 
  • From: Louis-Maurice De Sousa <louis.de-sousa AT pi-et-ro.net>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND
  • Date: Tue, 29 Jul 2014 12:31:21 +0200

Bonjour,

Le 27/07/2014 19:10, Martin Quinson a écrit :
Hello,

On Sun, Jul 27, 2014 at 03:37:46AM +0200, cnestel AT free.fr wrote:

Bienvenue sur le liste educ de l'April.

Merci de l'accueil. Content de pouvoir continuer la discussion avec
toi, et les autres aussi j'espère. Ok, je me suis planté et tu n'est
pas corporatiste. J'en prend bonne note, d'accord. Tant mieux.

[…]

Ca me paraîtrait plus raisonnable que le calcul simpliste qui se
profile de "60 euros par gamin = une tablette chacun" qui ne ferait
que reproduire les erreurs de l'informatique pour tous d'il y a 30 ans.

Refuser de réfléchir à comment former les profs au prétexte que c'est
dur ou que c'est cher, c'est comme dire qu'il ne sert à rien de
chercher à sortir du nucléaire puisqu'on arrivera pas à en sortir en
moins de 10 ans. Le parallèle est très discutable, je sais.

Personne ne refuse de réfléchir. Preuve les nombreuses contributions sur cette liste. Mais personnellement, je pense que « l'apprentissage du code » sans autre précision, est le cheval de Troie de Microsoft®, Facebook®, Google® et consorts.

Un autre point à régler est ton lancinant «Quid des profs de techno ?»

Mais punaise, mais j'en sais rien, moi, de ce qu'on fait des profs de
techno. Je ne comprend même pas pourquoi tu me poses la question à moi
qui ne suis ni aux manettes de l'éducation nationale, ni prof de
techno.

Peut-être parce qu'on a l'impression que tu veux leur enlever le pain de la bouche. :-)

Est ce que je te parles des profs d'allemand qui ont du mal à
trouver leurs heures avec la désaffection de leur matière, ou des
galères des profs d'info du supérieur qui collectivement peinent à
faire face à leur charge d'enseignement ?

Je ne sais même pas quel est le problème des profs de techno, au fond.
D'ailleurs, je veux bien que tu éclaires ma lanterne, s'il te plait.
Quel est le problème, avec les profs de techno? Pourquoi est-il
important de parler d'eux ici et maintenant sans que ce soit du
corporatisme ? Perso, ça ne me gènerait pas que les cours de
technologie perdurent en l'état du moment qu'on enseigne *aussi*
l'informatique aux jeunes. Le rapport n'est pas si immédiat pour moi.

C'est pourtant simple.
La technologie en collège, c'est 10853 enseignants (dans le public).
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/48/1/DEPP-RERS-2013-personnels_266481.pdf
(page 308)

Les horaires d'un élève en collège sont de
29h30 en 6ième
26h30 en 5ième + 2h facultatives de latin
28h30 en 4ième + 3h facultatives de latin ou de langue régionale
28h30 en 3ième + 3h facultatives de latin ou de langue régionale

http://www.education.gouv.fr/cid80/les-horaires-par-cycle-au-college.html#le-cycle-d-adaptation-classe-de-6e-
Le tout sur 32h hebdomadaire possibles. Je ne suis pas certain que blinder les horaires élèves soit une bonne idée.

Donc, où case-t-on ces heures ?
Il me parait évident que ce sera au détriment d'autres enseignements. Car, cet enseignement « en plus » de la technologie, ce n'est tout simplement pas possible.

Si la technologie disparaît au profit de ce nouvel enseignement, que fais-tu de ces 10853 personnes ? Et pour te donner une idée de la problématique que représente une reconversion, à la fin des années 90, alors que sauf erreur de ma part, la technologie existe depuis 1985, j'ai croisé des collègues qui faisaient de la cuisine ou travaillaient le bois, avec leurs élèves. Qui donc faisaient des « Travaux manuels ». Pas même de l'« EMT ». Et je me rappelle d'un ministre de l'Éducation fustigeant, dans les années 90, les cours sur le porte-mines, alors que ce n'était en aucun cas au programme de la technologie.

Si tu créés un nouveau CAPES, tu ne procèdes pas seulement à la création d'un nouveau concours, mais aussi à un budget pour les traitements puis les pensions. Compte-tenu du climat budgétaire actuel, où, pour ce qui concerne l'Éducation Nationale, on en est à attaquer l'os, cela me parait complètement illusoire.

S'il y a un problème de RH (c'est ca?), il faut bien entendu
accompagner les individus, c'est un devoir impérieux de l'employeur.
Celà étant, il me semble que la fonction de l'école n'est pas
d'employer ses enseignants, mais bien de former les citoyens.

C'est vrai, mais il y a quand même des individus à gérer. Des individus qui ont des vies et que l'on ne peut pas traiter à la lègère. Ce ne sont pas quatre tondus dans un coin, mais 10853 personnels répartis dans tous les collèges de France.

Mais allons plus loin, et dis moi ce que toi tu penses qu'il faut
faire des profs de techno. Qu'avais-tu envie de dire sur le point 2 de
l'interview de Hamon, au fait ?

Je pense qu'il faut élargir l'enseignement de l'informatique, bien au-delà du simple apprentissage du code ou de cette mythique « Science Informatique ». Comme si au faisait de la philosophie, des mathématiques ou des sciences-physiques à l'école…
On ne fera pas plus de « Science Informatique »
Cet apprentissage concerne donc l'instuction-civique, les mathématiques, les sciences, les lettres *et* la technologie.
Je suis tombé par hasard sur cette page :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_disciplines_scientifiques#Informatique.2C_Informatique_th.C3.A9orique.2C_Math.C3.A9matiques_discr.C3.A8tes
C'est marrant de voir que tous les articles qui ne concernent pas les aspects mathématiques de l'informatique, soient inexistants. Que ce soit classé dans « Sciences formelles ».
:-)
Et pour être clair, ce qui est décrit sur cette page, n'a tout simplement pas sa place dans le second degré.

Intégrer une partie de cet enseignement à la technologie, et l'étendre au lycée a pour moi deux avantages. D'abord c'est faisable à moyens constants, ensuite cela permettrait de revaloriser une discipline qui en a bien besoin, en créant une agrégation et des postes au lycée. Avec comme effet connexe, de fluidifier la liaison collège-lycée.

C'est une proposition raisonnable et rester sur la création d'un CAPES supplémentaire, si l'objectif est de « former les citoyens », ne peut être perçu que comme du corporatisme.

b) le relais par les profs de math et de techno

Si tu veux dire qu'il faut trouver les moyens de donner un an de
formation à tous les individus qui le souhaient pour leur permettre
d'enseigner l'informatique, et que c'est une solution plus facile que
d'autres qui auraient besoin de 2 ou 3 ans de formation (comme les
profs d'allemand ou les entrants), je suis entièrement d'accord.

C'est un défi pédagogique intéressant, d'ailleurs. Je commence à avoir
une idée de comment transformer de jeunes gens gavés de maths en prépa
pour en faire des ingénieurs informaticiens. Rien n'est parfait, mais
j'ai des idées à ce sujet. On a commencé à en discuter en stage LIESSE
avec les collègues de prépa. En revanche, c'est un chantier assez
excitant que de travailler avec des enseignants de techno pour leur
donner les 3/4 de la discipline qui leur manque (en plus de la
technologie) pour en faire des informaticiens accomplis. 700M€, c'est
beaucoup trop pour atteindre cet objectif.

Si tu veux dire que "informatique" n'est que la façon moderne de dire
"technologie" et qu'il suffit de maintenir la discipline technologique
en l'état en changeant l'intitulé dans l'emploi du temps pour résoudre
le problème de l'informatique, je suis tout de suite plus dubitatif.

Je n'ai pas compris cela. Au contaire, il s'agirait d'inclure une partie de cet enseignement dans la discipline technologie, dont il est malheureusement terriblement absent.
Il faut comprendre que :
- il n'y a pas d'IPR de technologie à proprement parler. Car il n'y a pas de technologie au lycée. Les IPR de technologie sont donc tous issus de disciplines de lycée technique. Aucun de ces IPR n'a donc enseigner en collège. Et ma petite expérience me laisse penser que l'IPR a tendance à prendre le collégien pour un crétin.
- les programmes sont complètement tournés vers le plus pur consumérisme. On aime ce qui fait pouet-pouet. Le grand truc à la mode, c'est la réalité augmentée avec des iTrucs. C'est comme quand le prof devait faire le montage complet de la machine outil, et que l'élève ne devait qu'appuyer sur le bouton marche pour voir la machine usiner.
Super intéressant et éducatif…
Passer aux logiciels libres, et instituer un enseignement de l'informatique dans la discipline technologie, c'est un sacré virage à 180°. Pas juste un changement de nom.

Un troisième point à éclaircir est plus méta, mais il est au cœur de
ce dont on parle. Il s'agit de se pencher sur ce qu'est la discipline
informatique, d'un point de vue épistémologique.

Là, mon jeune âge est un avantage, puisque je suis de la première
génération d'informaticiens formés par des informaticiens de formation
et non par des gens reconvertis qui avaient dû se bricoler une
philosophie d'après ce qu'ils savaient de leur discipline d'origine.

Désolé de te contredire, mais l'informatique existe depuis suffisamment longtemps pour que tu ne sois pas la première génération. J'ai eu des profs à la fin des années 80 qui n'étaient pas des reconvertis.

Tu parles de dichotomie science/technique et je pense que le compte
n'y est pas. Je t'invite à lire les pages 22 à 25 de ce document :
http://www.loria.fr/~quinson/hdr_mquinson.pdf Un jour je rédigerais
cela proprement.

Notre différend profond tient au fait que je considère votre
point de vue comme idéologique et déconnecté du réel de l'école.

Étant comme Charlie, les pieds bien ancrés dans l'enseignement secondaire, j'ai du mal à entendre que des universitaires soient plus connectés au réel de l'école. :-)

Idéologique en ce sens où vous ne partez pas d'une réalité de terrain
mais d'une idée : la science informatique comme discipline autonome.

C'est marrant, parce que j'ai l'analyse complètement inverse. :-)

[…]

Reste un quatrième axe de discussion qui me semble important. C'est
probablement le plus urgent. Le rapport entre la culture du libre et
l'informatique pérenne à l'école. Je connais les points de vue que tu
cites, et il se trouve même que je suis assez d'accord avec Benjamin
Bayart. Apprendre à coder en javascript n'est pas une émancipation
très forte. C'est un coup à formater des ouvriers obéissants.

On est d'accord.

Bon, ok. D'accord. Mais une fois qu'on a dit ça, on a dit quoi ? On on
en discute 2 ans de plus ? Le syntec discute-t-il ? On se prépare en
rédigeant la nécrologie du libre à l'école ? De la sorte, quand le
café pédagogique aura passé ses idées (et ses produits), nous serons
prêts avec un communiqué saignant «nous savions que cette réforme
était mal engagée !»

Ou mieux encore. On rejoue nos vieux démons. On se fout sur la gueule
une bonne fois de plus. Je joue le POUM et tu joues les stal
aujourd'hui, ou on fait le contraire ?

C'est parfois salutaire. :-)
Dans cette conférence :
http://www.framablog.org/index.php/post/2014/06/28/stallman-tedx-slides

La *première phrase* de rms c'est :
« Le logiciel libre est la première bataille pour la libération de nos vies numériques »

Et je suis complètement d'accord.
Toutes les personnes que j'ai amené à utiliser des logiciels libres ont vu leur vision de l'informatique changer radicalement. Cela change la vision qu'ont les élèves. C'est *la première bataille*.
Mais cela n'empêche pas d'engager les autres. :-)

Ma proposition, c'est plutôt de profiter de l'opportunité qui s'offre
à nous. Je rêve d'un scénario britanique : introduction de bouts de
ficelles en périscolaire maintenant, et un vrai plan dans deux ans.
C'est alors maintenant que se décide ce qui se fera dans deux ans.

Punaise, April Éduc, tu le vois pas qu'on a devant nous une
opportunité comme il s'en présente tous les 30 ans ?? Tu le vois pas
que si on ne fait rien de constructif très très vite, les 700M€ vont
finir dilapidés en tablettes à la con ? Super, elles seront
fabriquées en France avec du logiciel "libre" genre android dessus.
Elles finiront dans les armoires comme les MO5 et TO7 quand même.

Unowhy? ne fait pas dans le libre. Ce sont des parasites.
Ils n'ont jamais donné suite à un travail avec l'Énuma Logiciels Libres de l'académie de Versailles.
La solution serait pourtant simple. Travailler avec la communauté de Plasma-Active
http://www.plasma-active.org/
Un vrai travail novateur sur ce type de matériel.
Mais non, ils préfèrent pomper du Ubuntu, ou, de l'Android, alors qu'il y a deux ans ils en disaient le plus grand mal…
D'autant, qu'il y a Cyanogen ou Replicant pour une solution plus àcceptable.

Aller, c'est le moment, il faut y aller. Trouvez des gamins (y'en a
plein les écoles si vous en avez pas -- les maires vous feront un pont
d'or), testez vos idées de contenu et de pédagogie sur eux, et
documentez vos démarches et résultats.

Tu omets un point important. Il n'est pas possible de faire n'importe quoi, n'importe comment. Car dans ce cas, ce n'est pas les mairies qui feront des ponts d'or, mais Microsoft® qui en fera aux mairies. Je suis certains qu'ils sont capables d'*offrir* des tablettes avec leur bouse de 8®, à pas mal de municipalités. Sur ce terrain, on ne fait pas le poids. Il faut donc rester clair sur les enjeux.
Passer au libre sans concession.
Apprendre l'informatique à travers les programmes des disciplines existantes. L'apprentissage du code n'étant qu'un tout petit aspect.

Il faut se battre pour passer la culture du libre dans l'éducation à
l'informatique, c'est le moment. Soyons vigilants sur les contenus et
licences des ressources produites dans ce cadre. Proposons des
ressources mieux que les autres pour être sûrs que ce sont nos
éléments de langage qui passent.

Cette vigilance, nous l'avons. Pas l'EPI malheureusement. Le libre n'est présenté que comme une alternative possible dans l'option informatique au lycée…
Le lobbying autour de l'apprentissage du code me parait dangereusement réducteur et même contre-productif.

Un exemple parmi d'autre. Ca me démange de faire pour l'informatique
ce que sésamath a réussi à faire en maths. C'est une belle vitrine de
la culture du libre que j'espère promouvoir.

Sauf que Sésamaths n'est pas vraiment aidé par le ministère ou les corps d'inspection. Et c'est bien dommage.

[…]

Expérimentons, occupons le pavé. On s'engueulera après, au moment du
bilan. Si ça chie, on aura même 30 ans de plus pour discuter calmement
de ce qu'il aurait fallu faire. Mais là, ca se passe ici et maintenant.

Nous avons certainement beaucoup plus de points de convergence que de points de divergence. :-)

--

Cordialement,
Louis-Maurice De Sousa





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