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educ - [EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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[EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND


Chronologique Discussions 
  • From: Martin Quinson <martin.quinson AT loria.fr>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: [EDUC] Enseignement pérenne de l'informatique : quoi, qui, et QUAND
  • Date: Sun, 27 Jul 2014 19:10:38 +0200

Hello,

On Sun, Jul 27, 2014 at 03:37:46AM +0200, cnestel AT free.fr wrote:
>
> Bienvenue sur le liste educ de l'April.

Merci de l'accueil. Content de pouvoir continuer la discussion avec
toi, et les autres aussi j'espère. Ok, je me suis planté et tu n'est
pas corporatiste. J'en prend bonne note, d'accord. Tant mieux.

Je persiste à penser que CdlH ne pensait pas une seconde que
l'enseignement de l'informatique sans formation des enseignants est
possible, à l'école comme ailleurs. Je comprend ton raisonnement sur
le A et le non-A, mais j'y vois plutot une figure de réthorique de
CdlH un peu ratée ou mal rapportée à l'écrit. Peu importe, nous avons
d'autres choses à discuter.

On reviendra sur les belles choses que Jacquotot et Rancière ont à
nous raconter un autre jour, je suis d'accord. Gardons en pour après.



Parmi les points restants à établir, il y a celui des moyens à engager
pour la mise en place d'un enseignement pérenne de l'informatique en
France. Et bien 700 millions d'euros sont un bon début, non? C'est pas
énorme, ca fait à peine 60 euros par enfant de l'éducation nationale,
mais j'imagine que ca laisse de quoi lancer des expérimentations un
peu sérieuses dans les IREM et autres lieux équivalents qu'on trouvera,
financer des formations de qualité aux profs des écoles ET financer
encore la formation d'une promo ou deux de CAPES et agreg.

Ca serait plus sérieux que ce qui a été fait pour l'introduction de
l'ISN au lycée, où l'écrasante majorité des collègues se sont
retrouvés envoyés au front après 3 jours de «formation» en
rassemblement académique (c'est à ca que je faisais référence).
Le niveau licence en 3 jours, c'est un beau record :)

Ca me paraîtrait plus raisonnable que le calcul simpliste qui se
profile de "60 euros par gamin = une tablette chacun" qui ne ferait
que reproduire les erreurs de l'informatique pour tous d'il y a 30 ans.

Refuser de réfléchir à comment former les profs au prétexte que c'est
dur ou que c'est cher, c'est comme dire qu'il ne sert à rien de
chercher à sortir du nucléaire puisqu'on arrivera pas à en sortir en
moins de 10 ans. Le parallèle est très discutable, je sais.



Un autre point à régler est ton lancinant «Quid des profs de techno ?»

Mais punaise, mais j'en sais rien, moi, de ce qu'on fait des profs de
techno. Je ne comprend même pas pourquoi tu me poses la question à moi
qui ne suis ni aux manettes de l'éducation nationale, ni prof de
techno. Est ce que je te parles des profs d'allemand qui ont du mal à
trouver leurs heures avec la désaffection de leur matière, ou des
galères des profs d'info du supérieur qui collectivement peinent à
faire face à leur charge d'enseignement ?

Je ne sais même pas quel est le problème des profs de techno, au fond.
D'ailleurs, je veux bien que tu éclaires ma lanterne, s'il te plait.
Quel est le problème, avec les profs de techno? Pourquoi est-il
important de parler d'eux ici et maintenant sans que ce soit du
corporatisme ? Perso, ça ne me gènerait pas que les cours de
technologie perdurent en l'état du moment qu'on enseigne *aussi*
l'informatique aux jeunes. Le rapport n'est pas si immédiat pour moi.

S'il y a un problème de RH (c'est ca?), il faut bien entendu
accompagner les individus, c'est un devoir impérieux de l'employeur.
Celà étant, il me semble que la fonction de l'école n'est pas
d'employer ses enseignants, mais bien de former les citoyens.

Mais allons plus loin, et dis moi ce que toi tu penses qu'il faut
faire des profs de techno. Qu'avais-tu envie de dire sur le point 2 de
l'interview de Hamon, au fait ?

> b) le relais par les profs de math et de techno

Si tu veux dire qu'il faut trouver les moyens de donner un an de
formation à tous les individus qui le souhaient pour leur permettre
d'enseigner l'informatique, et que c'est une solution plus facile que
d'autres qui auraient besoin de 2 ou 3 ans de formation (comme les
profs d'allemand ou les entrants), je suis entièrement d'accord.

C'est un défi pédagogique intéressant, d'ailleurs. Je commence à avoir
une idée de comment transformer de jeunes gens gavés de maths en prépa
pour en faire des ingénieurs informaticiens. Rien n'est parfait, mais
j'ai des idées à ce sujet. On a commencé à en discuter en stage LIESSE
avec les collègues de prépa. En revanche, c'est un chantier assez
excitant que de travailler avec des enseignants de techno pour leur
donner les 3/4 de la discipline qui leur manque (en plus de la
technologie) pour en faire des informaticiens accomplis. 700M€, c'est
beaucoup trop pour atteindre cet objectif.

Si tu veux dire que "informatique" n'est que la façon moderne de dire
"technologie" et qu'il suffit de maintenir la discipline technologique
en l'état en changeant l'intitulé dans l'emploi du temps pour résoudre
le problème de l'informatique, je suis tout de suite plus dubitatif.



Un troisième point à éclaircir est plus méta, mais il est au cœur de
ce dont on parle. Il s'agit de se pencher sur ce qu'est la discipline
informatique, d'un point de vue épistémologique.

Là, mon jeune âge est un avantage, puisque je suis de la première
génération d'informaticiens formés par des informaticiens de formation
et non par des gens reconvertis qui avaient dû se bricoler une
philosophie d'après ce qu'ils savaient de leur discipline d'origine.

Tu parles de dichotomie science/technique et je pense que le compte
n'y est pas. Je t'invite à lire les pages 22 à 25 de ce document :
http://www.loria.fr/~quinson/hdr_mquinson.pdf Un jour je rédigerais
cela proprement.

> Notre différend profond tient au fait que je considère votre
> point de vue comme idéologique et déconnecté du réel de l'école.
>
> Idéologique en ce sens où vous ne partez pas d'une réalité de terrain
> mais d'une idée : la science informatique comme discipline autonome.

Et bien moi qui enseigne l'informatique à part entière depuis 1999,
j'avais l'impression de n'avoir certes aucune idée de ce que sont les
jeunes gens, mais de vagues notions sur l'école et l'enseignement.

Quant à cette prétendue idée abstraite, le premier laboratoire
d'informatique à part entière datant de 1967, on commence à avoir un
corpus un peu délimité, je crois. J'ai beaucoup aimé la lecture de
Varenne, avec ses idées d'empilements symboliques comme cœur de la
discipline. Il manque des bouts dans la pensée de Varenne (qui semble
oublier que les ordinateurs sont interconnectés et facilitent les
collaborations), et Denning a une vision un peu plus complète je trouve.

La sociologie a mis un siècle à réduire les critiques fondamentales
sur sa légitimité disciplinaire, un demi-siècle ne saurait être
suffisant pour nous, bien sûr. D'autant que peu de collègues
informaticiens ont une idée très claire de ce qu'est notre discipline,
au fond...



Reste un quatrième axe de discussion qui me semble important. C'est
probablement le plus urgent. Le rapport entre la culture du libre et
l'informatique pérenne à l'école. Je connais les points de vue que tu
cites, et il se trouve même que je suis assez d'accord avec Benjamin
Bayart. Apprendre à coder en javascript n'est pas une émancipation
très forte. C'est un coup à formater des ouvriers obéissants.

Bon, ok. D'accord. Mais une fois qu'on a dit ça, on a dit quoi ? On on
en discute 2 ans de plus ? Le syntec discute-t-il ? On se prépare en
rédigeant la nécrologie du libre à l'école ? De la sorte, quand le
café pédagogique aura passé ses idées (et ses produits), nous serons
prêts avec un communiqué saignant «nous savions que cette réforme
était mal engagée !»

Ou mieux encore. On rejoue nos vieux démons. On se fout sur la gueule
une bonne fois de plus. Je joue le POUM et tu joues les stal
aujourd'hui, ou on fait le contraire ?


Ma proposition, c'est plutôt de profiter de l'opportunité qui s'offre
à nous. Je rêve d'un scénario britanique : introduction de bouts de
ficelles en périscolaire maintenant, et un vrai plan dans deux ans.
C'est alors maintenant que se décide ce qui se fera dans deux ans.

Punaise, April Éduc, tu le vois pas qu'on a devant nous une
opportunité comme il s'en présente tous les 30 ans ?? Tu le vois pas
que si on ne fait rien de constructif très très vite, les 700M€ vont
finir dilapidés en tablettes à la con ? Super, elles seront
fabriquées en France avec du logiciel "libre" genre android dessus.
Elles finiront dans les armoires comme les MO5 et TO7 quand même.

Aller, c'est le moment, il faut y aller. Trouvez des gamins (y'en a
plein les écoles si vous en avez pas -- les maires vous feront un pont
d'or), testez vos idées de contenu et de pédagogie sur eux, et
documentez vos démarches et résultats.

Il faut se battre pour passer la culture du libre dans l'éducation à
l'informatique, c'est le moment. Soyons vigilants sur les contenus et
licences des ressources produites dans ce cadre. Proposons des
ressources mieux que les autres pour être sûrs que ce sont nos
éléments de langage qui passent.

Un exemple parmi d'autre. Ca me démange de faire pour l'informatique
ce que sésamath a réussi à faire en maths. C'est une belle vitrine de
la culture du libre que j'espère promouvoir.

> En revanche, et c'est le cas dans mon collège où nous bâtissons un projet
> pluridisciplinaire maths/techno/informatique sur la modélisation, la
> programmation
> en tant que moyen pour apprendre à modéliser peut permettre d'offrir une
> remédiation
> pour apprendre les maths et non pas l'informatique en tant que telle.

Ca m'intéresse. J'imagine que tu as documenté l'approche, les
résultats attendu/observés et tout. Tu peux me donner un lien, stp ?


Expérimentons, occupons le pavé. On s'engueulera après, au moment du
bilan. Si ça chie, on aura même 30 ans de plus pour discuter calmement
de ce qu'il aurait fallu faire. Mais là, ca se passe ici et maintenant.

Voilà, désolé de ce trop long message. Mais 4 gros points importants à
résoudre et une proposition concrète, ca prend de la place.

A vous lire,
Mt.

PS: ma réponse à moi à toutes ces idées se trouve dans le mail d'à
coté, en réponse à Didier.


--
Huh, I found out today that one of the 9-years old girls in my coding
class appears to be somewhat ahead of the rest of the class, and of me.
-- Anonymous volunteer of the http://codeclub.org.uk/ initiative.

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