Re: [EDUC] Manuels numériques interopérables et éditeurs (échange de courriels)

[Étienne ANDRÉ <etienne AT intendancezone.net>]

Bonsoir,

Nicolas parle de son intendant, alors je participe ;-)

----- Mail original -----
> De: "Nicolas George" <ngeorge AT april.org>

> Une licence NC n'est pas libre, précisément parce qu'elle interdit
> les transactions.

> Ce n'est pas juste une question arbitraire de dogme, ça correspond à
> des
> exigences pratiques très concrètes. Je prends un exemple : je suis
> prof, je veux utiliser un livre libre avec mes classes.

> Premier essai : j'ouvre le PDF du bouquin, impression, recto-verso,
> agrafer
> à la fin, quatre-vingts exemplaires, go. Après une douzaine de
> bourrages
> papier, et en supposant que l'imprimante n'arrive pas à court de
> tonner ou
> de papier entre temps, j'aurai mes quatre-vingts exemplaires. Et
> après, je
> vais passer un sale quart d'heure dans le bureau de l'intendant. Et
> les
> élèves auront un livre qui partira en loques avant la fin du premier
> trimestre.

Je confirme, fausse bonne idée.

> Deuxième essai : je demande à l'intendant un budget, je contacte un
> imprimeur local. Je pourrai avoir une reliure. Mais le tarif, c'est
> un gros
> fixe, et dégressif à l'exemplaire à partir de cent exemplaires. Pas
> très rentable.

C'est imparfaitement vrai : si justement l'imprimeur utilise des moyens 
numériques, cela peut se défendre. Mais, technologiquement et dans l'impact 
environnemental, on se retrouve peu ou prou dans la même situation que si 
l'on faisait le travail sur le copieur de l'établissement, pas glop. 
L'imprimeur mandaté pourrait sortir une couverture et une reliure plus 
propres, pour un prix équivalent à l'auto-fabrication je présume.

> Troisième essai : je trouve d'autres collègues intéressés, on se
> cotise, on
> bénéficie d'un tarif nettement plus intéressant. Problème :
> l'intendant, les
> magouilles financières comme ça, il n'aime pas du tout.

C'est là que c'est le plus intéressant que j'intervienne. Ce n'est pas du 
tout une "magouille" de faire collaborer des établissements entre eux. C'est 
de l'ingéniérie juridique des marchés et des contrats, et l'on fait cela très 
couramment dans le cadre de ce qu'on appelle les groupements de marchés 
publics. Une proportion significative (mais on pourrait et devrait faire 
mieux) des achats de denrées des cantines est achetée ainsi, par exemple.

Une minorité de gestionnaires d'EPLE sont à même de faire un tel travail, et 
moi-même j'y pense en me rasant le matin, mais c'est un sacré travail et les 
journées se terminent déjà trop rarement à 18 h comme cela. Quand je finirai 
par m'y mettre, je me ferai la main sur des choses plus classiques ; mais là 
comme ça, a priori, je ne pense pas aberrant de faire conventionner des 
établissements pour commander une pure fabrication d'après une ressource 
intellectuelle (imparfaitement) libre. On peut d'ailleurs même aller jusqu'à 
prévoir dans la convention de groupement un petit pourcentage à reverser 
volontairement aux auteurs identifiés, ou à la FSF, Framasoft ou que sais-je, 
en tout cas cela serait parfaitement logique et défendable.

> Quatrième essai : on monte une association qui fait imprimer les
> livres et les revend à prix coûtant aux lycées. Parfait.

> Et... NC. Pas le droit.

Justement, j'estime qu'une association d'EPLE entre eux doit avoir le droit 
de le faire. Il ne s'agit pas de commerce, mais d'une simple convention ad 
hoc et pour une seule opération (ou plusieurs, à voir...) entre 
établissements publics, pour leur propre usage, sans qu'à aucun moment 
quiconque ne puisse dire qu'il y ait un commerce.

Le groupement ferait appel, via un marché, à un éditeur, qui serait 
techniquement à même d'assurer la pré-presse, la mise en fabrication puis la 
distribution aux EPLE adhérents.

SI l'on voit cela en mettant tout enthousiasme à part, en revanche cela me 
semble impossible dans la vraie vie, car les délais entre le choix de manuels 
opéré par les équipes enseignantes et le moment où les manuels sont attendus 
ne me semble pas compatible avec toutes les opérations de com' entre les 
établissements, le vote en CA de chacun d'entre eux, la prise de commande par 
l'intendance, puis la publication d'un marché pour choisir le prestataire qui 
après assurerait la fabrication. Ou alors il faudrait une structure 
collaborative permanente, à laquelle l'étabissement adhérerait à l'avance, et 
passerait commande dans des délais plus classiques, le marché de fabrication 
ayant été fait à l'avance avec une fourchette de quantités à livrer. Donc 
plus lourd, quelques risques. Donc pas tout à fait impossible, mais quand 
même bien compliqué.

Bref bref, je clavarde, mais c'est vrai, les licences NC ne sont pas libres, 
et c'est fâcheux.

Cordialement,

-- 
Étienne ANDRÉ
http://www.intendancezone.net
Tél direct 01 48 99 99 22