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educ - Re: [EDUC] [pedagogie-solidaire] L’article du Figaro sur l’école

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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Re: [EDUC] [pedagogie-solidaire] L’article du Figaro sur l’école


Chronologique Discussions 
  • From: Julien Cristofoli <bateausurleau AT lilo.org>
  • To: destinataires inconnus: ;
  • Subject: Re: [EDUC] [pedagogie-solidaire] L’article du Figaro sur l’école
  • Date: Sun, 14 Nov 2021 23:42:49 +0100

Bonjour,

Je vous propose une réflexion sur la situation actuelle (Polémique du Figaro Magazine). Je l'ai publié dans le club de Mediapart. En espérant contribuer à la réflexion commune sur les enjeux que recouvre cette polémique et ses ressorts.

@+,

Julien

blogs.mediapart.fr

Figaro Magazine : derrière la polémique infâme, des GAFAM au service des réac

Il faut prendre la mesure de l'attaque contenue dans le dossier du Figaro Magazine, comme de sa gravité : un néo-MacCarthysme 2.0. Il est tout aussi indispensable de comprendre comment ce nouveau type fléau fonctionne via les GAFAM et ce qu'il est nécessaire de faire pour s'en affranchir. Analyse et perspectives pour s'en sortir, collectivement.

Figaro Magazine © Figaro Magazine

Le "dossier" du Figaro Magazine est une philippique d'une rare violence contre l'École publique, gratuite et laïque tout autant que contre ses personnels. C'est également une attaque en règle contre l'indépendance de la Recherche publique ainsi qu'un considérable coup de pression des réactionnaires qui n'en auront jamais assez.

C'est aussi et surtout une nouvelle démonstration de la nocivité des réseaux prétendus sociaux et de la "logique politique et médiatique" qu'ils imposent à toute la société... Celle d'une viralité délétère, fondée sur l'anathème, le clash, la polémique et l'invective... Et engendrant, de plus en plus, un refus catégorique de tout débat.

Or, sans un double mouvement concernant :

  • la défense des communs (Éducation, Santé, Justice, Culture, Information, Environnement, ...) par les agent·es et les usager·ères, ensemble,
  • et la rupture totale avec les GAFAM et leur logique intenable tant socialement qu'au niveau environnemental,

cette nouvelle attaque contre un service public, risque fort de se solder, comme les précédentes, par un cuisant échec pour celles et ceux qui aspirent à une société de justice sociale et écologique, une société de l'émancipation par la culture et les savoirs.

On ne défendra pas nos écoles et nos métiers par des likes et des posts, mais par le recours à des collectifs d'humain·es organisés et via des outils  libres et respectueux de nos droits et de nos libertés.

Analyse de la situation et des perspectives pour une prise de conscience... Urgente.

Campagne présidentielle et obsessions réactionnaires

La campagne présidentielle est maintenant pleinement démarrée bien que 3 "candidat·es" ne soient pas encore officiellement en lice...

  • Le Président de la République a officiellement officieuse démarré sa campagne lors du discours du mardi 9 novembre dans un parfait discours de 1er de la classe qui a tout bien fait et qui ne se trompe jamais...,
  • Les "LR" ont commencé débutés "leurs débats" avec comme objectif de doubler le RN par sa droite,
  • Et l'omniprésent de la bande (le Voldemort de la politique française), qui quant à lui, est sur tous les plateaux et toutes les ondes (De TPMP à France Inter), à longueur de temps, tout en prétendant à la censure et au complot islamo-gauchiste médiatique contre lui.

C'est dans un tel contexte que les réactionnaires (on n'oubliera pas le RN !) imposent leurs valeurs, les obsessions sur l'ensemble du champ médiatique, politique et social. Elles et ils ont pour ce faire des points d'appui avec les médias-marchands

qui appartiennent aux milliardaires et autres champion·nes de l'évasion fiscale (voir la carte du Monde Diplomatique).

Le "dossier" du Figaro Magazine s'inscrit dans cette séquence politique et médiatique. Le propos est clairement au service d'un candidat (Zemmour) tout en servant plus largement l'ensemble du spectre de la droite réactionnaire et libérale.

Extraits du contenu du "dossier" du Figaro Magazine qui permettent de prendre la mesure des accusassions portées :

« Le communautarisme, la radicalité voire la violence sont des difficultés avec lesquelles il a appris à composer pour continuer à faire son métier, « pour les élèves qui s’accrochent ». Son intransigeance, il la réserve à ceux de ses collègues qu’il qualifie « d’idéologues du bien », « en général syndiqués et affiliés à l’extrême gauche » : « Ils sont majoritaires en salle de profs et c’est une plaie. Ils contribuent à faire de ce lycée un établissement poubelle. Ce sont des militants indigénistes, woke ou communautaristes. Ils font de l’entrisme pour détruire de l’intérieur le système scolaire. Ça me rend malade, peste-t-il.  »

[...]

« L’école est gangrenée par des idéologues. Ils avancent masqués, en utilisant leurs cours et leur autorité de professeurs pour faire de la
propagande politique sous couvert de générosité et de respect de la diversité. »

[...]

« L’islam politique profite de ce terrain pour avancer ses pions. »

[...]

« Mon attachement viscéral aux valeurs républicaines m’oblige à raser les murs à l’école. »

Source : dossier Figaro Magazine

Ainsi, dans des rapprochements surréalistes, les prof et CPE seraient par exemple de mèches avec... Les Inspecteur d'Académie !

  • Pour qui connaît un tant soit peu la réalité de la situation au sein de l'Éducation Nationale, elle ou il sait parfaitement que l'immense majorité de la hiérarchie est totalement inféodée à un ministre autoritaire, ultra-libéral, obsédé par le pilotage par l'évaluation et par la mise en concurrence de tous·tes contre tous et qui depuis bientôt 5 ans, ne cesse de donner des gages à l'extrême-droite (Blanquer : un républicain sans valeur(s) ? - Claude Lelièvre).

On peut également y "découvrir" que les éditeurs de manuels scolaires, mais aussi la FCPE, la ligue de l'enseignement ou encore le planning familial et France Culture seraient toutes et tous en train d’ourdir un grand plan machiavélique et islamo-gauchisto-terroriste à base "d'écriture inclusive", de "théorie du genre",  d'éducation à la lutte contre les stéréotypes, de cours d'histoire-géographie manipulateurs ou encore de "wokisme"...

Un "dossier" rempli contre-vérités en tous genres, de théories scabreuses et infondées, comme de propos et témoignages invérifiables...

Le Figaro : caisse de résonnance de Zemmour et de ses soutiens

Ce "dossier" est en fait un réel soutien à la campagne d'Éric Zemmour. En effet, en reprenant "la tribune" des "profs avec Zemmour", on ne peut qu'être frappé·e par les obsessions communes et surtout, la volonté farouche de dénoncer le "wokisme", la "cancel culture" et la théorie du genre.

Profs avec Zemmour © Profs avec Zemmour

Extraits :

« L'essor des établissements privés – à qui l'on ne reprochera pas d'avoir voulu préserver une forme d'excellence au milieu du marasme général – dit bien en revanche que cette nouvelle école est avant tout une école de la relégation sociale, du renoncement à la transmission et de l'idéologie post-républicaine, mélange de catéchisme victimaire et de propagande progressiste. En attendant que la vague woke et sa cancel culture, venue d'outre-atlantique avec ses bâillons et ses autodafés virtuels, emporte ce qui reste... »

[...]

« Nous portons le projet d'une école de l'excellence pour tous, en fonction des capacités et de la singularité de chacun. Le rétablissement de l'exigence et de l'autorité, dans les filières générales comme dans les filières professionnelles, en est la première condition : aucun élève doué ou méritant ne doit plus craindre de s'engager dans la voie qui lui convient. »

Source : https://www.lesprofsaveczemmour.fr/

L'importation des stratégies de l'extrême droite États-Unienne

Avec ce " dossier " du Figaro Magazine, nous assistons, quasi en direct, à l'importation des toutes dernières stratégies "victorieuses" des Républicains/Trumpistes, des médias aux mains de réactionnaires et via les réseaux antisociaux propriété des GAFAM.

L'angle d'attaque du "dossier" du Figaro Magazine est un décalque de celui mis en œuvre aux USA et victorieux dans l'État de Virginie (que les Démocrates viennent de perdre justement sur une question liée à l'Éducation) est donc, dès à présent, importé en France par la droite extrême/extrême droite.

Extraits :

Glenn Youngkin

"Durant la campagne, le candidat républicain s'est attaqué frontalement à la "théorie critique de la race", un courant de pensée analysant le racisme aux États-Unis comme un système perpétué par la majorité blanche pour conserver ses privilèges en matière d'éducation, logement, ou droits de vote, plutôt qu'un préjugé individuel contre les minorités.

Glenn Youngkin n'a cessé de dénoncer son enseignement dans les écoles publiques de Virginie, un État dont le passé esclavagiste fait régulièrement l'objet de débats brûlants, même si les démocrates et les experts assurent qu'elle ne fait pas partie du programme scolaire."

C'est un "populisme des familles de banlieues résidentielles", explique Leonard Steinhorn. Il porte "un message de prise du pouvoir" face aux "élites de gauche qui ne veulent pas vous écouter"."

Cyril JULIEN

Source : dépêche AFP : https://lstu.fr/KbcE8t62

Quelques constats ici :

1 - mise en avant d'un système scolaire ségrégatif basé sur les pseudothéories du don et du mérite scolaire pourtant largement déconstruites notamment par la Recherche et de nombreuses études (DEPP, INSEE, CNESCO, etc.)]. L'actuel ministre, dont nous devrions toutes et tous exiger la démission depuis bien longtemps, porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle, car il a profondément discrédité l'institution dont il a la charge, et la profession tout en pérorant à la mise en place d'une école de la confiance et de la bienveillance (On sait ici qu'il a fait tout le contraire depuis 5 ans).

En cela, on peut affirmer que le dossier du Figaro Magazine est tout autant le résultat des obsessions zemmouriennes que du fiasco Blanquer. D'ailleurs, il est légitime d'exiger de lui, en tant que ministre de tutelle, un soutien aux personnels (sans être dupe de quoi que ce soit), mais en le prenant à son propre jeu...

2 - mise sur le devant de la scène des obsessions réactionnaires sur le niveau qui baisse, sur l'autorité à "restauré", sur un prétendu "ensauvagement" des élèves issu·es de milieux populaires qu'il faudrait mater et remettre à leur place et collusion avec l'islamisme voire avec le terrorisme des profs et des pédagogues... Il s'agit là d'une chasse aux sorcières·ers qui devraient toutes et tous nous alerter, à commencer par les enseignantes et les enseignants !

3 - des milliers d'agentes et d'agents du service public ainsi que des associations reconnues d'utilité publique jetée en pâture à la vindicte réactionnaire et violente dans un silence assourdissant du Ministre de l'Éducation Nationale et du gouvernement pourtant si souvent prompt à réagir et/ou à communiquer sur tout sujet touchant de prêt ou de loin la "politique éducative" actuellement mise en œuvre.

4 - polémique incontrôlable qui va probablement saturer (un temps au moins) l'espace médiatique tout en masquant d'autres enjeux ("Les profs avec Zemmour", soit des enseignant·es qui soutiennent ouvertement une personnalité condamnée notamment pour incitation à la haine raciale)

Éric Zemmour

Rappel des propos qui ont conduit à la condamnation d'Éric Zemmour :

« Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait. »  - Éric Zemmour, 6 mars 2010

La 17e chambre du tribunal correctionnel, le 19 février 2011, estime que, si ses propos sur le contrôle au faciès ne relèvent pas de la diffamation, ils s’apparentent bien à de la provocation à la discrimination raciale. E. Zemmour est également poursuivi «provocation à la haine religieuse»...

Source : Libération

 Or, des personnels de l'Éducation Nationale le soutiennent ouvertement. Il y a là un problème manifeste de déontologie ! Les parents d'élèves de ces professeur·es comme les salles des profs et des maîtres·esses, de ces collègues sans foi ni loi, devraient, sur le plan de l'éthique, leur demander des explications. Peut-on faire cours à des élèves tout en soutenant une personne affirmant que "la plupart des noirs et des arabes sont des trafiquants" ? Et le Ministre, que fait-il pour protéger les élèves de ces personnes ?

Et les GAFAM dans tout ça ?

Il y a une autre dimension dans cette bataille concernant ici l'École publique qui n'en est très probablement qu'à ses débuts : la tyrannie des réseaux antisociaux et le recours sans discernement aux GAFAM.

Cette dimension est beaucoup trop souvent mise de côté, voire niée, alors que les GAFAM sont les catalyseurs et les amplificateurs de ces polémiques incontrôlables.

Les Facebook Files, mais aussi nombres de révélations précédentes mettent en lumière cette réalité que trop d'entre-nous toutes et tous ne veulent pas voir, ne veulent pas affronter.

En effet, la polémique engendrée par le Figaro Magazine est à replacer dans la stratégie du polémiste xénophobe, raciste et masculiniste qu'est E. Zemmour. La fonction de ce dossier est de créer une polémique sur un front idéologique puissant (l'École) et d'alimenter la controverse... Le journal qui soutient le multicondamné pour incitation à la haine raciale est le support déclencheur. Ensuite, c'est le fonctionnement des réseaux antisociaux qui fait le reste, puisque la polémique va prospérer et s'étendre via des groupes de connivences qui vont s'autoalimenter et faire monter "la sauce" médiatique et concourir à un déferlement de haine, à travers la prolifération de rumeurs, de pseudotémoignages...

Or, répondre à la polémique, via les mêmes canaux (GAFAM et notamment les plateformes de Meta) ne va faire qu'amplifier la polémique avec un clivage croissant et une incapacité à dialoguer, à faire entendre des arguments étayés, des éléments factuels. Voilà ce que décrit Frances Haugen* sur cela :

M. Zukerberg © Wall Street Journal

« Si vous étiez uniquement confrontés aux contenus de vos amis, vous resteriez moins sur Facebook […]. La meilleure manière de vous encourager à rester plus longtemps, c’est de rejoindre des groupes. Facebook choisit deux, trois ou cinq contenus parmi les 5 000 publiés sur les groupes. Or, la colère engendre plus de réactions ; ils sont privilégiés dans ce choix. »

*Frances Haugen est l'ingénieure en informatique et la lanceuse d'alerte à l'origine des Facebook Files

source : https://www.lemonde.fr/pixels/live/2021/11/10/frances-haugen-lanceuse-d-alerte-a-l-origine-des-facebook-files-auditionnee-a-l-assemblee-nationale-suivez-notre-direct_6101590_4408996.html

Aussi, s'il nous faut lutter contre les contre-vérités que véhiculent Zemmour et ses allié·es objectifs, il est indispensable de le faire avec d'autres outils, d'autres plateformes. Sans quoi, il est impossible d'en sortir par le haut.

Le philosophe des medias Marshall McLuhan développe l'idée que « le message est le medium », ce qui signifie que la nature d'un média compte plus que le sens ou le contenu du média. Aussi, défendre l'École publique, les communs, les libertés, l'égalité ou le féminisme au sein d'un écosystème technique privateur, raciste, patriarcal et capitaliste est par essence contradictoire et voue toute lutte et tout combat à des impasses indépassables dans cet écosystème.

Comprendre ce que sont réellement les GAFAM et agir en conséquence !

Il est aujourd'hui parfaitement documenté que les réseaux antisociaux et les médias-marchands s'alimentent mutuellement dans une obsession du clic, de l'audience et de l'attention... Parfaitement résumé par F. Matonti (7:47) dans "À l'air libre" : https://youtu.be/1m04qRuD0bM?t=467

En effet, le véritable objectif poursuivi par les réseaux sociaux n'est pas de mettre à disposition de l'information, mais de vendre du temps de cerveau disponible à des annonceurs. Par les données qu'ils récoltent sur leurs utilisateur·trices, les GAFAM peuvent ensuite vendre des profils ultra-précis.

Rappelons-le, Facebook, Instagram, Tiktok ou encore Google, sont avant tout d'immenses régies publicitaires qui fonctionnent au détriment des libertés de leurs utilisateur·trices...

L'âge du capitalisme de Surveillance © Shoshana Zuboff

"Cette nouvelle forme de marché part du principe que servir les besoins réels des individus est moins lucratif, donc moins important, que vendre des prédictions de leur comportement. Google a découvert que nous avions moins de valeur que les pronostics que d’autres font de nos agissements. [...] Les nouveaux instruments internationaux de modification comportementale inaugurent une ère réactionnaire où le capital est autonome et les individus hétéronomes ; la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain exigerait le contraire. Ce sinistre paradoxe est au cœur du capitalisme de surveillance : une économie d’un nouveau genre qui nous réinvente au prisme de son propre pouvoir. Quel est ce nouveau pouvoir et comment transforme-t-il la nature humaine au nom de ses certitudes lucratives ?"

Shoshana Zuboff, Un capitalisme de surveillance, Le Monde Diplomatique

Or, par leur caractère de plus en plus massif (3,5 milliards de personnes pour les sites du Groupe Meta de M. Zuckerberg), ces plateformes ont bouleversé le fonctionnement de nombre de journaux qui leur sont assujettis.

Quitter les GAFAM pour recouvrer nos libertés individuelles et collectives

C'est donc à un mouvement coordonné et global, appelant à rompre avec cette "logique" du clic et de l'audience obsessionnelle, à se protéger collectivement de cette tyrannie devenue incontrôlable qu'il faut aussi œuvrer conjointement.

Quitter les réseaux antisociaux (Facebook, Whatsapp, Instagram, Tiktok et Twitter) et refuser d'utiliser les GAFAM est une autre part (importante) d'une sortie de crise face aux problèmes qui accablent nos sociétés et particulièrement des sociétés fracturées comme le sont, les sociétés françaises ou états-uniennes.

(Un autre moyen serait que la puissance publique légifère... Mais pour cela, il faudrait soit du courage politique, soit et c'est malheureusement le plus probable, attendre que d'autres catastrophes surviennent... Elles sont pourtant en germe sous nos yeux !)

Aussi, toute "bataille" à venir qui se situerait sur les réseaux antisociaux (en leur sein donc) est déjà perdue. Elle est en échec par le fonctionnement même de ce qu'ils sont, et par les stratégies de captation des utilisateur·trices employées via leurs algorithmes, qui sont précisément construits pour cela.

Mécanisme que décrit et dénonce notamment Frances Haugen, comme beaucoup d'autres.

Y recourir, c'est mécaniquement les renforcer et donc renforcer l'influence des GAFAM sur les médias comme sur le monde politique donc et ce faisant, c'est affaiblir nos luttes.

Nous devrions collectivement nous préoccuper de créer et d'organiser des espaces d'échanges, de résistance(s) et donc de lutte(s), qui justement, ne tombent pas dans ces travers.

Nous avons les ressources et les compétences entre nous, et si nous ne les avons pas, nous aurons de l'aide. Il suffit de demander autour de soi. Le monde du Libre répondra à ces appels.

Les partis politiques et les organisations syndicales comme le tissu associatif et militant consituent les espaces d'échanges et de sociabilité ou se font et défont les débats. Elles et ils ont historiquement organisé la cité au moins tout autant que les Assemblées d'élu·es qui normalement, construisent les lois.

Aujourd'hui, ce qui les affaiblit toutes et tous (ce qui affaiblit l'ensemble du corps social par conséquence), c'est précisément le basculement de tous ces collectifs sur ces espaces ou "plateformes" hors de tout contrôle démocratique, d'abord par leurs utilisatrices·teurs, mais aussi de façon de plus en plus coupable, par le législateur.

Or, on observe chaque jour les désastres sociaux et sociétaux que produisent les GAFAM... Tant sur les plus jeunes, que sur l'ensemble de la société. Jusqu'à quand ? (Pour le désastre écologique, voir Guillaume Pitron - La guerre de métaux rares et L'enfer du numérique)

Les luttes progressistes, émancipatrices, solidaires, si elles se situent sur et via les GAFAM, sont de facto vouées à l'échec. Inféodées à un système qui, par essence, travaille contre ses utilisatrice·teurs, le condamne au mieux à des victoires partielles, mais nullement à des changements systémiques.

« Si l’on dit à Facebook ce qu’il doit faire, ça ne va pas fonctionner, parce qu’on ne connaît pas les données et qu’on ne saura donc pas leur imposer les bonnes choses. C’est comme les étiquettes sur les aliments : le gouvernement ne vous dit pas ce que vous devez manger, mais oblige les producteurs à donner des informations nutritionnelles sur ce que vous achetez. S’ils étaient davantage observés, ce serait une forte mesure incitative pour qu’ils agissent dans le bon sens. Il ne suffit pas de changer l’algorithme, il faut aussi changer d’autres parties du produit. »

Frances Haugen

source : Le Monde

Bandeau du Monde sur le refus des cookies © LeMonde.fr

Or, la chose s’accélère sous nos yeux, car les médias (et conséquemment les représentant·es politiques) sont de plus en plus dépendant·es de cette mesure de l'attention ("du clic" et autres indicateurs du même genre) et des boucles de connivences. Ainsi, le "journal" Le Monde, indique-t-il, lorsqu'on refuse ses cookies pourtant très intrusifs :

" Le contenu de ce site est le fruit du travail de 500 journalistes qui vous apportent chaque jour une information de qualité, fiable, complète, et des services en ligne innovants. Ce travail s’appuie sur les revenus complémentaires de la publicité et de l’abonnement. "

Le "premier" quotidien indique donc sans ambage que ses revenus sont en partie liés au GAFAM, et par à n'importe lequel. Pour vérifier cela, il suffit de voire ce que propose Le Monde au moment de s'abonner : " S'abonner avec Google : En choisissant ce parcours d’abonnement promotionnel, vous acceptez le dépôt d’un cookie d’analyse par Google".

Voilà donc précisément où le bât blesse ! L'une des principales rédactions françaises voit son travail détourné et inféodé pour au profit de... Google. Assurément, c'est là de la preuve d'une grande indépendance éditoriale !

Le Figaro lui (dont dépend le Figaro Magazine), lorsqu'on souhaite s'y abonne, propose à ses lecteur·trices de d'accepter ses cookies qui renseignent pas moins de 727 "partenaires" allant de ": Tappx" à "Zoomd ltd" en passant par "Amazon Advertising". Partenaires qui exploitent "des études de marché afin de générer des données d'audience", qui permettent "de diffuser techniquement les publicités ou le contenu..." et/ou qui "crée[nt] un profil personnalisé de publicités".

On voit avec ces 2 exemples, emblématiques, le pouvoir des GAFAM sur la presse est considérable et inquiétant, partant du principe que celui qui paye est celui qui décide.

Assaut du capitole, USA, 6 janvier 2021

Rappel : le monde entier a assisté, début janvier 2021, à l'assaut du capitole par les partisans de l'ancien Président Trump (galvanisés par ce dernier notamment via les réseaux antisociaux, Facebook en tête) suite de l'élection de Joe Biden... Là encore, les GAFAM étaient "de la partie".

" Cette communication, si elle est efficace, pose néanmoins des problèmes. Très segmentée, la communication devient polarisante, propice aux fake news. Alors que plus de la moitié des Indiens utilisent les médias sociaux comme source d’information, plus d’un tiers (35 %) d’entre-eux estiment que chaque fake news comporte un fond de vérité. Les messages qui circulent dans les groupes sont incontrôlables par les autorités, les fact checkers ou la plate-forme elle-même, donnant lieu à des débordements parfois tragiques."

La revue des médias, INA - Source : https://lstu.fr/z3S4tW6Y

Pour mémoire : Trump, Bolsonaro et Modi ont été élus notamment grâce à ces outils - Facebook, WhatsApp... Voir l'excellent documentaire d'Arte sur le sujet : Propagande, les nouveaux manipulateurs

Or, le discours d'Éric Zemmour comme celui Figaro Magazine, et plus largement le discours des LR comme celui du Ministre de l'Éducation Nationale tendent à engendrer pareille situation. Car, leur "discours" commun laisse entendre que les enseignantes et enseignants seraient des quasi criminel·les, des manipulateur·trices "distillant leur idéologie". De tels propos, par les "rebondissements" qu'ils peuvent avoir au sein des réseaux antisociaux, devraient être unanimement condamnés pour ce qu'ils sont : du néo-MacCarthysme 2.0 amplifiés par des réseaux antisociaux devenus incontrôlables et dangereux.

Les accusations sans fondement et répétées du Ministre J.M. Blanquer au sujet du prétendu enseignement de la méthode globale, sur la "théorie du genre" ou le "wokisme" au sein de l'Éducation Nationale et de la Recherche contribuent largement à alimenter ce climat délétère et nauséabond. (dernier exemple en date : Faut-il épurer la fonction publique enseignante ? - Paul Devin, Club de Mediapart).

Or, les réseaux antisociaux sont immanquablement impliqués dans les phénomènes de violence (parfois extrême !) auxquels "nous assistons". On peut le déplorer, on peut s'indigner et s'attrister tout en continuant de participer à tout cela,  comme si de rien n'était, comme si son propre usage de tels outils n'étaient pas profondément problématiques. Ou bien, on ouvrir les yeux et agir !

Internet sans les GAFAM, c'est possible. (Vive les chatons !)

La une du figaro Magazine met en lumière cette folle "logique" qui nous conduit inéluctablement vers l'abîme de la violence. Et, il est fort probable que cela ne soit que le début, car il y a bien pire à craindre dans les mois qui viennent au rythme où cela va...

Les GAFAM par la QDN © Quadrature du net

Il s'agit donc de s'organiser pour résister, lutter et construire ensemble des alternatives... Elles existent ! Et un mouvement qui peut nous aider : le mouvement des logiciels libres.

Vous connaissez Framasoft ou la Quadrature du net. Ce sont des acteurs reconnu du monde des logiciels libres. D'ailleurs, les enseignant·es y ont largement recouru lors du 1er confinement, les outils "privés" du Ministère étant totalement défaillant !

Or, il existe une immense galaxie constitue de personnes et même de sociétés qui œuvrent, partout à travers le monde, à inventer, développer, améliorer, maintenir, diffuser et populariser des outils et logiciels libres, respectueux des utilisateur·trices et des libertés.

Dans la situation dans laquelle nous sommes plongé·es, seuls le recours à des outils/logiciels libres et non marchants (des communs numériques en somme) peuvent garantir nos libertés et nos droits. Ce sont les seuls à nous assurer de la non-exploitation des données au détriment des utilisateur·trices.

Pour peu que l’on construise cette prise de conscience ensemble (il n'est jamais trop tard et dans un cas comme celui-ci, on en mesure à la fois l'enjeu et l'urgence) et qu'ensuite nous agissions ensemble, collectivement, alors il est possible de faire autrement.

Exemple relativement récent : le début de mouvement bascule de WhatsApp vers Signal a mis en lumière la possibilité de la chose et la fragilité des GAFAM face à leurs utilisateur·trices. Facebook a été en grande difficulté et a été partiellement contraint de reculer quant à ses velléités. (même si...)

Les luttes et les mouvements sociaux visant l'émancipation, la justice sociale et environnementale ne gagneront que libéré·es des chaînes des GAFAM et des réseaux antisociaux. Y avoir recours, on le voit, c'est structurellement s'empêcher de véritablement gagner de droits, des libertés.

Avec l'épisode du Figaro Magazine, nous assistons précisément, mécaniquement à ce qu'il s'est produit et qui a précédé l'envahissement du capitole aux États-Unis... La mécanique à l'œuvre est identique et elle fonctionne d'autant mieux que la plupart des personnes concernées (c'est à dire nous toutes e tous ou presque) ne mesurent pas ou trop peu, la nocivité extrême des GAFAM. Pire, elles et ils pensent pouvoir y résister individuellement ou prétendent "n'avoir rien à cacher". Comme si la vie privée et le libre arbitre devaient être aboli·es.

C'est donc, en premier lieu, à une prise de conscience individuelle et collective, qu'il nous faut travailler, discuter, élaborer et partager. Elle devra nécessairement s'accompagner d'une volonté commune de rompre avec les GAFAM. Ensuite, elle pourra se traduire par une mise en œuvre politique ferme et ambitieuse pour nos libertés, pour nos droits et contre les GAFAM et leur monde.

Il y a des premières choses simples (et efficaces) à faire pour commencer...

  • utiliser un moteur de recherche respectueux de vos données (DuckDuckGo ou Startpage) et ne plus utiliser Google, Bing et autres moteurs de recherche qui utilisent vos données,
  • utiliser un navigateur libre (Firefox par exemple) et toujours installer des extensions (Privacy badger, Facebook container, Ublock Origin, etc)
  • collectivement, s'organiser pour quitter WhatsApp pour Signal par exemple et quitter Facebook et se retrouver sur Diaspora, etc.
  • fermer le plus vite possible sa messagerie Gmail ou hotmail et payer quelques euros par an et bénéficier d'une adresse mail personnelle respectueuse de vos données (se rendre ici pour trouver un hébergeur respectueux)

Défendons-nous et vivons les valeurs que sont la liberté, l'égalité et la solidarité.

C'est ce que font les enseignant·es, les AESH et tous les personnels au sein de l'École Publique, gratuite et laïque comme de l'Université publique, seules institutions éducatives en France à être indépendantes des pouvoirs religieux, économiques et politiques.

Défendons nos services publics et les communs, défendons une presse et une information libres et indépendantes et conséquemment, quittons les GAFAM.

Julien Cristofoli

enseignant, militant pédagogique et syndical, libriste.

Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France (CC BY-NC-SA 3.0 FR)

P.S : Pour vous aider à quitter les GAFAM, rendez-vous ici : https://www.chatons.org/

Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires © Chatons.org

Le Club est l'espace de libre _expression_ des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

Le 13/11/2021 à 12:40, ben (via pedagogie-solidaire Mailing List) a écrit :
Bonjour,
L'article en pdf.
https://nuage.gresille.org/index.php/s/c7pr2AgxexgScSY

Le 13/11/2021 à 12:38, olivier.vincent (via pedagogie-solidaire Mailing List) a écrit :
Bonjour Laurence,

Dossier effrayant qui traduit l'état d'esprit qui règne au ministère. Nous sommes face à un discours autoritaire et une politique de "maintien de l'ordre" inédite : Blanquer et Darmanin étant les deux faces de la même médaille. Il faudrait d'ailleurs faire la chronologie des propos, actions, dispositifs dans l'EN qui témoignent des mises au pas de certains collègues ou de chercheurs, des remises en cause des libertés pédagogiques et académiques. Dans l'itw, le passage sur les INSPE est indigne. J'espère que le réseau national des INSPE va réagir. Triste époque...

Bien à vous,
Olivier




De : Laurence CHAUSSAT <(via pedagogie-solidaire Mailing List) <pedagogie-solidaire AT framalistes.org>>
À : pedagogie-solidaire AT framalistes.org
Sujet : Re: [pedagogie-solidaire] L’article du Figaro sur l’école
Date : 13/11/2021 00:06:42 Europe/Paris

Bonsoir, Mme de Cock,
Je découvre grâce à vous cet article du Figaro Magazine.

Je suis consternée en particulier par l'affirmation concernant l'attitude de professeurs "justifiant" l'assassinat de Samuel Paty.
Rien que cela mériterait une plainte au pénal. Prof bashing un peu plus élevé que la moyenne, quand même.

En ce qui concerne les manuels, ce n'est pas la première intervention en ce sens. Mais vue la précipitation dans laquelle se sont fait les changements de programme ces dernières annees et la réactivité demandée aux éditeurs et aux équipes disciplinaires, il me semble que rajouter une étape validation par les conseils régionaux n'est pas à redouter.
La perspective fait frémir. Faisons cependant confiance aux professeurs pour user de leur liberté pédagogique.

Merci de votre vigilance.
Bonne journée,
Laurence Chaussat



Le ven. 12 nov. 2021 à 19:06, laurence De Cock <pedagogie-solidaire AT framalistes.org> a écrit :


    Bonjour tout le monde,
    Je vous invite à lire attentivement cet article (c’est une épreuve
    je vous préviens). Je ne l’appréhende pas du tout au même niveau «
    d’importance nulle » que toutes les vomissures de Valeurs
    Actuelles ou autre. Cette fois, il y a clairement un appel à
    surveiller les universités, les enseignants et, chose inédite, les
    manuels scolaires.
    L’interview de Souad Ayada, présidente du Conseil Supérieur des
    programmes (émissaire de Blanquer) est édifiante. Elle suggère un
    conditionnement du financement des manuels par les collectivités
    territoriales à un contrôle de leur contenu. C’est du jamais vu.
    Un palier est franchi.
    Bien à vous
    Laurence, désespérée





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