Re: [Diversite] 28% de femmes dans l'informatique proprio ?

[François Poulain <fpoulain AT metrodore.fr>]

Le Wed, 29 Jun 2011 13:03:22 +0200,
Estelle Eulriet <estelle.eulriet AT gmail.com> a écrit :

> Peux-tu indiquer ces typologies de métiers du monde du libre ?

Je dirais, principalement, développement logiciel et administration
système ; ce parce que, rappelons le, la méthode fait appel à de
l'auto-déclaration. Ça donnerait probablement des résultats très
différents si on prenait la typologie des membres d'entreprises du
libre. Mais je n'ai pas de chiffre sous la main. Et FLOSSPOLS ne semble
pas avoir caractérisé son échantillon de test.

> > Je te rassure, je n'ai lu ni dans FLOSSPOLS ni dans NFS que tout ça
> > c'était
> la faute à François Poulain ... :-) tu peux déculpabiliser tranquille.

Personnellement j'ai l'esprit tranquille.

Mais les libristes sont très clairement jugés coupables dans cette
étude, ce qui ne participe pas à détendre le climat. Dans le résumé,
on peut lire : « It [Ghosh et al] showed that just about 1.5% of F/LOSS
community members were female at that time, compared with 28% in
proprietary software (NSF 2004). We set out to find reasons behind this
bias ». Donc l'hypothèse est faite d'une raison intrinsèque qu'il faut
rechercher, comme je le dénonce. Plus loin : « These factors [excluding
womem from FLOSS] are nearly all underwritten by a central cultural
dynamic within F/LOSS ». Plus loin : « Women are actively (if
unconsciously) excluded rather than passively disinterested. » Plus
loin : « Women are treated as either alien Other » ; etc.

La charge est lourde, tu le concèderas. Si elle est mal orientée, c'est
dommage. Est-ce à dire que ces accusations n'ont pas lieu d'être dans
le libre ? Non, assurément ! Mais il n'y a là rien de spécifique au
libre, assurément. Le libre est composé par des personnes, sujettes
comme toutes à une forme de fait social.

Et si (par rapport au propriétaire) le libre était le mouvement le plus
susceptible d'accueillir les gens de sorte qu'ils se sentent à l'aise
(ce que je pense qu'il est, ou pas, ça dépend des projets), tu
concéderas qu'une telle accusation, particulièrement spécifique, fait
l'effet d'une accusation injuste, dont la portée générale n'est pas
maîtrisée par les gens qui la professent.

> Par contre, indépendamment des chiffres qui proprio ou pas ne sont pas
> satisfaisants, je trouve que la communauté libre est un peu plus
> "fautive" que les autres au vu des valeurs qu'elle défend; alors que
> côté proprio, je ne m'attends pas à avoir d'éthique donc le
> conformisme au patriarcat (qui n'est pas un mythe - et vu les
> réalités en général dans la société, on n'est pas à 5% près) ou tout
> autre système qui serait établi ne m'étonne pas.

Pourtant, si tu peux trouver de nombreuses éthiques au sein des nombreux
projets libres, ce sera rarement une éthique de la sollicitude. Les
valeurs défendues de façon général par le libre sont des valeurs
plutôt individualistes (émancipation, possibilité de contrôle, liberté
de partage et de communauté) qui ont toujours été défendues comme
socle nécessaire (mais pas plus) aux autres libertés. Je parlerais
plutôt de lutte contre les formes d'exclusion actives, pour les
qualifier (typiquement : pourquoi interdire la copie dans un monde
d'abondance ? Pourquoi empêcher les gens d'avoir le contrôle de leur
machine ? etc.).

Après, selon les divers groupes, rien n'empêche de trouver des projets
ayant des objets sociaux luttant activement contre les formes
d'exclusions passives (vis à vis du genre, de la pauvreté, de la
connaissance, etc.). Mais il n'y a là rien de vraiment intrinsèque au
libre, en dehors du fait qu'il le permet et que probablement seul
le libre garanti la possibilité de le faire. :)

Une fois qu'on aura entendu ça, les actions à entreprendre pour
améliorer la situation seront peut être différentes. Enfin j'espère.

François

-- 
François Poulain <fpoulain AT metrodore.fr>

L'athéisme n'est pas une thérapie mais une santé mentale recouvrée.
-+- Michel Onfray, Traité d'athéologie -+-