Re: [EDUC] [Info] quelle formation au TIC ?

["Philippe-Charles Nestel (Charlie)" <cnestel AT free.fr>]

Michel Briand a écrit :
> J'entends bien ton raisonnement et je ne suis pas partisan d'une approche outils 
> mais d'apprendre en marchant
> en reliant outils, usages ET théorie
>   

Merci d'avoir répondu. Tout à l'heure, j'avais omis de dire qu'il était 
important que l'April développe son propre point de vue qui peut être 
sensiblement différent de celui de l'EPI ; sous réserve, comme disait le 
président Mao de savoir qui sont nos ennemis, qui sont nos ennemis, et 
de ne pas transformer des contradictions au sein du peuple, en antagonismes.

Cela étant dit, encore une fois, je partage ton point de vue.

J'observe d'ailleurs que la position de l'EPI et du groupe ITIC de 
l'Asti, dans le dernier compte-rendu, se limite au lycée.

Quid du collège ?
Quid des lycées professionnels ?


> peut-etre suis je pessimiste mais  .. je ne vois pas comment l'enseignement 
> préconisé pourrait "passer" en lycée professionnel
>   
La position de l'EPI n'est pas une position de principes, ce que nous, 
nous pouvons/devons faire.
C'est une position politique (dans le sens noble du terme) qui s'inscrit 
dans une réalité de rapports de forces au sein de l'Education.

En gros :

Tous les programmes scolaires scientifiques et technologiques sont 
d'abord soumis aux Avis de l'Académie des sciences et technologies, puis 
ça passe au ministère. Jusqu'à présent, l'Académie des sciences et 
technologies a toujours considéré que l'informatique à l'école pouvait 
se décomposer en deux aspects :

- l'informatique en tant qu'outil
- l'informatique en tant que science.

Pour ce qui concerne les enseignements techniques/technologiques (donc 
la technologie en collège, mais également les lycées professionnels), 
l'Académie des technologies sollicitée dans un Avis au premier ministre 
recommanda  l'usage de l'outil informatique en spécifiant noir sur blanc 
que la programmation et/ou la science informatique n'y trouvait pas sa 
place.

De plus, la culture de l'inspection générale STI (Sciences et techniques 
industrielles) est avant tout une culture de "l'objet technique". 
L'informatique, n'est pas un Objet Technique. Elle a donc du mal à 
appréhender son aspect technologique. Elle peut même se montrer hostile 
à tout enseignement de l'informatique compte tenu que toutes les 
filières STI perdent des postes. Les sciences et techniques 
industrielles sont donc sur la défensive.

Lorsque Xavier Darcos demanda l'avis de l'Académie des sciences pour une 
réforme de l'enseignement des sciences au lycée, quelques 
mathématiciens-informaticiens en profitèrent pour dire que cela faisait 
des décennies que l'on manipulait les TICE dans l'éducation, sans jamais 
en apprendre les concepts. C'est sur ces académiciens que s'appuya 
l'ASTI/EPI, pensant enfin ouvrir une brèche, pour la création d'un 
module informatique dans le pôle sciences des lycées.
Gaudemar chargé de concevoir les grandes lignes de cette réforme déclara 
que l'informatique était la fille des mathématiques.

Dans le même temps, du côté de l'enseignement professionnel : 
suppression des BEP, quant au pôle technologie de la réforme des lycées 
il fut réduit à modules (dont  1 de sport !!!).

La position de l'EPI est donc une posture tactique et pragmatique.

Encore une fois, rien ne nous interdit de la soutenir tout en 
développant notre propre point de vue.


> je le vois même très difficilement dans tous les secondes
> je m'interroge sur comment avoir d'un coup les milliers d'enseignants sur un tel 
> programme
>   
Pour le moment, il ne s'agit que de modifier le programme de 
mathématiques de seconde en y introduisant les algorithmes.
Quant à la mise en place de milliers d'enseignants, si les voeux de 
l'EPI sont exhaussés on peut tout de même se dire que d'autres pays, y 
compris moins développés, y sont parvenus.


> et au delà du danger réel de rejet d'une autre abstraction par les élèves
>
> c'est surtout un enseignement qui je pense ne va concerner que des filières
> et risque de prolonger une logique de fracture sociale et numérique déjà 
> lourde
>   
L'argumentaire avancé pour l'introduction de l'algorithmie en seconde 
par le ministère est basé sur le même type de discours : trop d'élèves 
en échec en maths, enseigner les maths autrement grâce à l'outil 
informatique, etc. C'est pourquoi certains profs de maths y voient en 
réalité une baisse de niveau.
Aussi, si je ne te connaissais pas, je me méfierais de ton discours. 
Toutes les politiques qui visent à détruire un peu plus l'école 
s'appuient sur la fracture sociale, numérique, etc.

La véritable fracture numérique n'est pas celle des instruments, entre 
celui qui des beaux quartiers qui vient à l'école avec son ipod et celui 
de banlieues qui vient avec un téléphone portable meilleur marché. La 
véritable fracture numérique c'est celle du savoir.


> Et cela c'est une responsabilité importante des auteurs
> a laquelle je ne peux pas apporter mon soutien ..
>
> Et puis c'est tellement dommage de ne pas s'appuyer sur l'attrait des jeunes 
> pour ces outils pour développer un esprit de curiosité, un intérêt  pour les 
> sciences que beaucoup ont perdu.
>   
Sans vouloir généraliser (je ne peux m'appuyer que sur ma propre 
expérience), je ne vois aucune différence entre l'intérêt pour 
l'informatique que développent certains mômes de banlieue et le même 
intérêt suscité par des mômes de milieux dits privilégiés.
Pour autant, tous les mômes ne manifestent pas le même intérêt.
Je souhaiterais seulement que l'école puisse répondre, dans un premier 
temps, à ceux qui ont soif d'apprendre.


> apprendre à faire une machine libre comme le proposent les petits 
> debrouillards
> savoir organiser son réseau, choisir les logiciels qui tournent sur sa machine
>  est aussi important à mon avis que le tri en n log n
>   

Je suis 100% d'accord avec toi.


Amicalement,
Charlie