Re: [EDUC] TICE/COMPETENCES et obscurantisme (was : TIC et enseignement : docs en vrac)

[cnestel AT free.fr]

----- "François Poulain" <fpoulain AT metrodore.fr> a écrit :

> De: "François Poulain" <fpoulain AT metrodore.fr>
> À: educ AT april.org
> Envoyé: Vendredi 11 Décembre 2009 20h00:14 GMT +01:00 Amsterdam / Berlin / 
> Berne / Rome / Stockholm / Vienne
> Objet: Re: [EDUC] TICE/COMPETENCES et obscurantisme  (was : TIC et 
> enseignement : docs en vrac)
>
> Le Thu, 10 Dec 2009 23:06:38 +0100,
> "Philippe-Charles Nestel (Charlie)" <cnestel AT free.fr> a écrit :
> 
> > Le danger avec les compétences c'est qu'elles ne permettent pas de 
> > s'adapter à des contextes hétérogènes. La jeune fille suivait des 
> > procédures que nous utilisions en classe.
> > 
> > Toutes les réformes en cours, notamment en informatique, visent à 
> > interdire l'enseignement des connaissances au seul profit de
> > compétences d'usage. Il faut bien comprendre qu'il y a là un énorme
> > danger pour le logiciel libre qui ne peut être réduit au seul degré
> > zéro de liberté : le droit d'utiliser librement.
> 
> Je pense ne pas trop m'avancer si j'affirme que tous les libristes
> sont très attachés au développement individuel ; et celui ci est
> nécessaire pour beaucoup plus que le seul logiciel libre. Personnellement, 
> je pense que l'éducation doit être une des premières responsabilités qui
> justifie un État. Et je ne peux que constater avec catastrophe à quel
> point l'éducation nationale ne joue plus son rôle ; pour moi elle
> n'est plus républicaine depuis longtemps.



L'école dite de la République a été fondée sur les principes d'une 
instruction publique contre l'Etat éducateur. Voir à ce propos les Cinq 
mémoires sut l'instruction publique de Condorcet :

"L'éducation publique doit se borner à l'instruction (...) Parce qu'une 
éducation publique deviendrait contraire à l'indépendance des opinions.".
http://skhole.fr/condorcet-extraits-des-cinq-m%C3%A9moires-sur-l-instruction-publique

Pour les fondateurs des principes de l'école de la République, il s'agissait 
avant tout de séparer la sphère publique de la sphère privée (postulat sur 
lequel sera bâtie ultérieurement la laïcité), considérant que l'éducation 
relevait principalement de la sphère privée. Condorcet condamna donc l'Etat 
éducateur, le qualifiant de Sparte, le mot totalitaire n'existant pas encore.
L'idée même d'un Etat éducateur et/ou d'une éducation qui justifierait un 
Etat est donc une idée TOTALITAIRE, non seulement antinomique avec les 
principes de l'Ecole de la République, mais également antinomique avec toute 
axiomatique LIBRISTE.

En quoi cela ?

Par exemple lorsque nous combattons l'informatique dite de confiance que nous 
qualifions d'informatique déloyale qui constitue une intrusion dans notre vie 
privée et/ou lorsque nous militons pour le partage des connaissances, nous 
militons à la fois pour la préservation de la vie privée et de l'espace 
public.

Ce qui se trame en arrière plan avec l'Etat Educateur, c'est une éducation au 
savoir-être, une atteinte aux libertés d'opinion et de pensée. 

Regarde certains items du B2i qualifiés de "compétences"...

Peux-tu me dire comment valider la compétence du B2i "Je sais utiliser un 
carnet d’adresses ou un annuaire pour choisir un destinataire" sans entrer 
dans la sphère privée de l'enfant ? Quel message sous-jacent lui parvient-il 
? Celui de lui apprendre qu'un courrier électronique relève de la sphère 
privée et un forum de la sphère publique, ou celui de lui faire comprendre 
qu'une instanciation représentant l'Etat peut observer et valider comment il 
gère son courrier électronique ?

Le débat reste ouvert.

Hier, l'un des fondateurs de la Ligue Odebi faisait observer à Jérémie Nestel 
de Libre Accès que dans certaines écoles on habituait les élèves à des 
dispositifs de contrôle biométriques...

Utiliser le terme éducation par facilité de langage est une chose, en 
répandre l'idéologie jusque dans une association Libriste en est une autre. 
Seule l'instruction publique est libérale (dans le sens non péjoratif du 
terme) en ce qu'elle se limite à une transmission des connaissances dans un 
ordre des raisons que d'aucuns qualifient de didactique, sans entrer dans le 
fantasme totalitaire de construire un homme nouveau. 

Michel Delord qui fut le premier enseignant de l'April qui milita pour que 
l'on constitue au sein de l'association un groupe de travail sur l'éducation 
a écrit cette phrase de Mussolini sur la home page de son blog :

"La transformation de l'instruction publique en éducation nationale est la 
plus fasciste de mes réformes"  (Mussolini)".
http://michel.delord.free.fr/

Ceci, non pas bien sûr pour te traiter de fasciste ce qui serait totalement 
déplacé mais juste pour signifier qu'il faut nous méfier des évidences. La 
catastrophe dans laquelle plonge actuellement l'éducation nationale vient en 
grande partie de réformes visant à transformer l'instruction publique en 
éducation et les savoirs par des compétences.

Au moment où l'April s'est fixé comme priorité l'éducation, je ne 
souhaiterais pas qu'entre dans le bureau de l'April, sans débat public, 
quelqu'un qui a exprimé sur une liste d'animateurs du groupe éducation une 
opposition radicale à l'instruction publique.

Les choses doivent être un minimum éclaircies.



Charlie