Re: [EDUC] Accompagnement du changement [was message de présentation (gendarmerie]

["d.michon" <d.michon AT laposte.net>]

Tout à fait d'accord
Comme tu le dis cela aurait dû être un acte d'intelligence qui méritait un pacte d'accompagnement autour du décodage des solutions libres et des possibilités de l'outil plutôt que de s'en arrêter à déprécier des habitudes de travail en prétendant que "comme ça, c'est moins cher".

Mais dans le cas précis de l'équipement et de  l'arbitrage administratif, je me demande si le passage à Linux de ces administrations n'a pas été plus un soucis d'économie de bout de chandelle que de mettre à profit la souplesse et des compétence opérationnelle d'un Os et de solutions compétentes .
Parce que déboulonner avec Win des fichiers codés ... déjà que c'est pas donné sous Linux.

C'est bien le manque de formation plus que la désinformation qui a mis à profit la "peur ancestrale" du saff autour de l'angoisse d'un nouveau saut dans le vide au lieu de cette sensation d'infinitude de la vie libriste qui pour nous, nous est familière, et de tirer à nouveau les décisions vers la rassurante chape de plomb du monde propriétaire pour faire passer les accords M$-EN .

J'ai toujours entendu pour ma part, lors des présentations des solutions et des ressources libres dans des équipes pédagogiques, des propos à la fois angoissés et gênés mais aussi incrédules qui, sur le mode  narquois, disaient en quelque sorte :
"Mais si on ne nous dit plus ce qui est interdit ni ce qu'il faut payer comment on va faire pour savoir si c'est autorisé ?".

Sans parler des personnes peu respectueuses du contrat tacite ou implicite, comme on le sent, de coopération et de travaux mutualisés de toute une communauté autour des logiciels libres et qui se disent qu'après tout ils pourraient tirer profit du boulot de tous sans informer les co-participant ou les co-développeurs de leurs intentions d'accaparement, tout comme ceux qui en continuent d'en profiter sans donner de retour ou d'encouragement à ceux qui ont mis leur sources en libre disposition.
Toute une tradition et une éthique du Net qui est tombée à l'eau dans ces temps de crise et de retombées d'actes décisionnaires qui travaillent à la "va-vite".

Didier Michon


Le 23/08/2016 à 06:37, Laurent COOPER a écrit :

Bonjour à tous.

Une précision qui s'impose avant toute lecture. Je ne jette la pierre à
personne. Si vous en arriviez à penser autrement, cela signifierait que
je me suis mal sorti de l'exercice écrit qui supprime l'intonation
verbale et le langage corporel, omettant les inflexions et les attitudes.

Je reste, après des années d'utilisation, persuadé que le logiciel libre
reste une des solutions les plus rationnelles et les meilleures pour le
développement de la technique. Malgré un certain nombre de défauts
aussi, dont j'espère avoir conscience.

Ce n'est cependant pas cela qui me motive à écrire aujourd'hui ce
message. C'est plutôt l'attitude que j'ai pu constater  de beaucoup de
libristes dans mon entourage qui font du tort au logiciel libre en
croyant le défendre.

L'exemple que je donnais au sujet de la gendarmerie est pour moi assez
parlant. On a imposé à un grand nombre de personne une bascule sans les
accompagner, sans prendre en compte leur avis et ça n'a pas vraiment
fait progresser autour.

Pourquoi ? Par ce que notre résistance au changement est énorme.

Je vais illustrer cela avec un autre domaine où l'on peut trouver du
raisonnement, du militantisme, et des difficultés.

Je vous propose de lire un article qui prend une dizaine de minutes à lire :
http://www.mercialfred.com/topos/alimentation

Un très bon topo condensé sur notre alimentation. C'est bien écrit, la
suite des éléments est très bien exposé.

Pourquoi je vous parle de ça ?

Cela fait maintenant trois années que je suis devenu végétarien. Pas par
dégout de la viande. Pas pour des raisons médicales. Mais après avoir
pris toutes les informations en ma possession, il m'est apparu que :
* au niveau environnemental, la consommation de viande est une catastrophe
* au niveau éthique, c'était une bien meilleure solution compte tenu de
la façon dont la viande est produite.

Je pourrais passer une ou deux heures à vous expliquer pourquoi j'ai
fait ce choix. Pourquoi les idées reçues sur le sujet sont fausses (non,
je n'ai pas de difficulté à m'alimenter correctement, je ne perds ni mes
cheveux ni mes dents, je n'ai pas moins de force, mes dernières analyses
de sang sont impeccables et je ne suis pas dans une secte).

Je disais donc, je peux vous apporter tout un argumentaire sur le sujet.

Et après cela, combien d'entre vous deviendront végétarien ?

Je suis sur que la plupart d'entre vous auraient des arguments, des
réfutations, des oppositions. Pourtant, d'un point de vue logique, ils
seraient tous réfutables.

Mais on ne parle pas que de logique. On parle d'humain.

Avec des habitudes, des visions du monde, des peurs aussi (surtout ?)

Alors, que croyez vous qu'ils se passe lorsque l'on parle de logiciel
libre autour de nous ?

Vous avez déjà vu des végétariens pur et dur à un repas ?

"je mange pas de cadavre. Je suis végétarien". (j'utilise pas M$,
microsoft c'est de la merde. Vous avez reconnu le parallèle ?)

Même sans cela, la réaction de certaines personnes quand ils ont à table
un végétarien. Ils se sentent parfois remis en cause sans même qu'un mot
soit dit et en deviennent agressifs.

Dois je pour autant penser que tous les non végétariens sont des
imbéciles ? Ou qu'il suffirait que l'on impose à la population d'être
végétarienne ?

Au quotidien, lorsque je dois accompagner le passage à LO dans un
établissement scolaire, je vois bien les résistances. Certains
utilisateurs disent "La région veut nous refourguer LO pour ne plus
avoir à payer les licences Microsoft. Mais c'est mal foutu ce truc"
Sous entendu, gratuit = pas bien

Mais si on prend le temps de vraiment discuter et que l'on connait un
peu les personnes, on en vient au bout d'un moment au coeur du problème
que l'on pourrait résumer ainsi

"Je suis déjà pas à l'aise avec Word. Pourtant, ça fait des années que
je l'utilise au quotidien. J'ai que mes petites habitudes et je suis pas
très fort en informatique. Si on me change mon outil, je vais être perdu
et j'ai peur de ne plus être à la hauteur".

L'argument du prix est souvent un prétexte. Par ce que dire à quelqu'un
qu'on se sent en position de faiblesse, peu de personnes en sont capables.

Du coup l'argument du prix devient ce que l'on appelle une
rationalisation. Une façon de trouver une échappatoire pour éviter
quelque chose qui serait trop couteux psychologiquement. On rentre dans
le domaine de la dissonnace cognitive. Pour ceux qui ne connaissent pas,
je vous recommande ce petit article

https://thefruitmachine.wordpress.com/2014/10/23/dissonance-cognitive-et-paradoxe-de-la-viande/

La conclusion est la suivante :
---
Affronter de face ces croyances est plutôt risqué voire
contre-productif. Il faut éviter d’augmenter la dissonance cognitive
chez notre interlocuteur.
Instaurer un dialogue qui puisse déclencher un questionnement puis une
prise de conscience semble à priori la meilleure solution, à condition
de faire preuve de patience et de respect vis-à vis de leur mode de vie
actuel.
C’est un combat de longue haleine.
La meilleure option reste de chercher à les inspirer par notre façon d’être.
---

Je crois que l'accompagnement au changement est rarement assez pris en
compte. Je crois que les libristes sont souvent dans le rationnel et
qu'ils sont persuadés que la justesse de leur raisonnement devrait être
éclairante pour les autres.

Il y a quelques mois, une amie m'a dit "je t'aime bien comme végétarien,
par ce que t'es un végétarien pas chiant". C'est marrant, mais depuis,
elle a beaucoup réduit sa consommation de viande.

J'espère que ces quelques lignes nourriront la réflexion sur la façon
dont nous pouvons promouvoir le logiciel libre. Sur les combats positifs
que nous pouvons mener.

En espérant être utile

Laurent

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