Re: [LibreAsso] Alliance ESS/LL : allons-y

[Frédéric Cuignet Royer <fcuignet AT me.com>]

Bonsoir

Je me (re)présente, j'ai été 4 ans coordinateur à la Chambre régionale de l'économie sociale d'alsace avant de devenir conseiller d'éducation populaire et de jeunesse à jeunesse et sports. Je ne suis donc pas du tout un "libriste" d'origine mais je trouve ce débat et la fertilisation possible entre les deux mondes passionnante.

J'ai eu l'occasion à l'occasion de la discussion sur le questionnaire et la réflexion sur une éventuelle "framakey asso" qu'il y avait eu aussi l'occasion d'apporter mon expérience des relations avec les porteurs de projets dans l'ess et les associations

Donc

- concernant le périmètre de libre association, pour moi, l'ess est d'abord une démarche de construction collective, qu'elle soit associative, mutualiste ou coopérative et la forme juridique est en partie accessoire.

- on pourrait beaucoup débattre, comme c'est le cas dans l'ess sur les frontières, les théories, les modes d'action, les querelles sont aussi byzantines que les débats sur les licences...

Pour moi il il y a deux fondamentaux :

- l'ess est une démarche collective de transformation sociale. Là ou l'éducation populaire agit par la culture et l'action politique, elle agit plutôt sur un mode économique.

- par son rapport à la lucrativité, l'ess vise non à l'accumulation du capital mais à la satisfaction des besoins. En ce sens, elle réinterroge la propriété, notamment des moyens de production. Le libre le fait aussi si j'ai bien tout lu.

Depuis les années 80, l'ess s'est développée dans 3 axes : mieux la connaitre (et donc disposer de statistiques fiables, développer la recherche ...) , mieux la reconnaitre (labellisation, institutionnalisation des relations avec les collectivités, création des CRES , chartes, ...) et l'appui technique au développement (outils financiers, méthodologie, nouvelles formes juridiques ...)

concernant les liens à développer je suggèrerais

- une analyse des textes fondamentaux de l'un et de l'autre pour en faire une synthèse et en profiter pour faire se rencontrer des "institutionnels" et formaliser cette proximité

- rechercher des expériences intéressantes, valorisables et essaimables des collaborations possibles ex un réseau qui tourne sur du libre, des outils métiers libres comme la forge éduc pop

Ensuite, pour parler franchement, les poids lourds de l'ESS (banques coopératives, mutuelles) ont une relation compliquée avec l'informatique et ce qui tourne autour. C'est un pilier de leur activité et elles sont des acteurs du monde logiciel également, et a priori pas forcément conquis par le libre. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas forcément envisager simplement leur conversion. Il y a aussi à mon avis un manque d'interlocuteur côté libre capable de répondre à leurs attentes le jour où elles s'y intéresseront.

Pour ma part je pense qu'il y a des choses à faire côté associations, mais se posent plusieurs problèmes : l'hétérogénéité (pleins d'assos différentes et de monde qui y participe) et la relation avec les pouvoirs publics qui dictent une grande partie des choix informatiques (financements,développement de quantités d'applications métiers souvent fermées ou basées sur du propriétaire, mais pas toujours).

Il manque dans ce cadre la capacité de la communauté des développeurs à se concentrer, à l'image de la forge éduc pop sur ce qui pourrait aider concrétement des assos. Les foyers ruraux, par ex, ont développé en interne une application de gestion comptable (à partir de filemaker, donc propriétaire). 

Pour ma part je vois plusieurs champs à creuser

- Vincent citait terres de lien, c'est un excellent exemple (je suis trésorier de la future antenne lorraine), pour d'une part la démarche d'appropriation citoyenne mais aussi parce que je pense qu'on pourrait développer plein de chose du côté des micro dons, du financement P2P, de la finance solidaire pour concurrencer

certaines des initiatives purement commerciales et / ou fermées qui apparaissent (ex kiva, babyloan ...) qui peuvent présenter des aspects intéressants mais pas forcément en étant de l'ESS .

- il pourrait y avoir des choses autour des amaps (associations pour le maintien de l'agriculture paysanne): des solutions libres de gestion des contrats et de la com ... s'inspirer de ce qui se chercher côté culture (avec le même principe pour des amacca), pourquoi par un circuit court de solutions informatiques libres autour d'un GULL ? Mais cela ne serait pas très simple .

- tout ce qui est réseautage / réseaux sociaux et leur appropriation par l'ess pour se développer : actuellement, l'ess est en partie à la traine sur ce sujet. Une offre de service du libre sur ces questions serait une bonne chose, mais le chantier est titanesque.

Pour finir, je crois aussi qu'il faut particulièrement réfléchir à la com et au message que l'on fait passer. Trop souvent, le premier contact d'un évangéliste du libre avec une asso tourne au dialogue de sourds, parce que il y a plein de choses à se dire avant.

Le 5 avr. 2010 à 21:34, Bastien Sibille a écrit :

Bonsoir tout le monde,

Il y a six mois, j'ai lancé un appel pour une alliance entre les secteurs de l'économie sociale et solidaire et du logiciel libre. J'y décrivais en quoi les valeurs des acteurs de l'économie sociale et solidaire et des développeurs de logiciels libres sont convergentes et expliquais les enjeux stratégiques de leur rapprochement. Cet appel a rencontré un écho important et, dans l'ensemble, favorable. Il est aujourd'hui temps de le mettre en oeuvre – c'est à cette mise en oeuvre que je vous invite à vous associer dans ce mail. Certes l'objet de Libre Association ne s'étend pas à toute l'économie sociale et solidaire, mais parce qu'elle vise le secteur associatif, elle doit à mon avis prendre toute sa place dans ce débat.

Le secteur de l'économie sociale et solidaire est en pleine mutation, à la fois sous l'effet de l'_expression_ de mouvements internes et parce que la crise du capitalisme financier l'a placé sur le devant de la scène économique. Dans cette recomposition, le secteur de l'économie sociale et solidaire est amené à réfléchir aux outils dont il dispose, et notamment à ses outils informatiques. Il est impératif que, dans cette réflexion, la voie du libre soit entendue.

Deux pistes me semblent devoir être creusées :

- celle de la place des entreprises du libre dans l'économie sociale et solidaire. De nombreuses entreprises du logiciel libre sont des Scop, des Scic ou des associations : elles ont évidemment toute leur place dans l'économie sociale. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Développer du libre est en soi un positionnement solidaire et socialement responsable : défendons l'intégration de certaines entreprises qui produisent du libre dans l'économie sociale et solidaire même si elles n'ont pas pris la forme associative ou coopérative. Cette intégration doit être pensée avec soin : toutes les entreprises qui font du libre ne le font pas de la même manière. Il y a des critères juridiques et économiques à définir. Il y a également des critères techniques à concevoir : placer du code sous GPLv3 n'est pas suffisant pour assurer qu'il soit effectivement libre. Encore faut-il que la documentation soit complète, que la construction et les langages choisis permettent effectivement à la communauté de se saisir du code. Il y a donc un important travail de définition des entreprises du libre que nous pourrions dire « solidaires ». Ce travail me semble intéressant pour le secteur du libre lui-même.

- celle de la place des entreprises d'économie sociale et solidaire dans les communautés du libre. Dans la mesure où les valeurs sont convergentes, demandons nous en quoi et comment le secteur de l'économie sociale et solidaire peut s'impliquer substantiellement dans les logiciels libres, en tant qu'utilisateur et que producteur des logiciels. Cette question est au cœur de nombreuses initiatives qui visent à recenser les besoins logiciels du secteur de l'économie sociale et solidaire, à produire du code libre qui réponde à ces besoins, à mutualiser les logiciels produits ainsi que les expériences de migration etc... Toutes ces initiatives sont intéressantes, mais elles restent souvent aux marges de l'économie sociale et solidaire – il faut réfléchir aux moyens à mettre en place pour que le libre soit beaucoup plus largement utilisé.

Dans la réflexion que nous conduisons afin de mettre en oeuvre la convergence entre l'ESS et les LL, toute apport d'idées/expériences/volontés/expertises est précieux. N'hésitez pas à les exprimer.

Librement, 

Bastien Sibille

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