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trad-gnu - Re: [TRAD GNU] Traduction rms-hack.html

Objet : Liste de travail pour la traduction de la philosophie GNU (liste à inscription publique)

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Re: [TRAD GNU] Traduction rms-hack.html


Chronologique Discussions 
  • From: "Marc Chauvet" <marc.chauvet AT gmail.com>
  • To: trad-gnu AT april.org
  • Subject: Re: [TRAD GNU] Traduction rms-hack.html
  • Date: Sun, 15 Jun 2008 16:53:58 +0200
  • Domainkey-signature: a=rsa-sha1; c=nofws; d=gmail.com; s=gamma; h=message-id:date:from:to:subject:in-reply-to:mime-version :content-type:references; b=RH2E/bY3U5g4Xn73J8j3sDgtTSImcdrdjypsRsV9sFp2SulIX8n3/pG4tvuBT9rCMs 2HJENQegCfUgYntMpIYometYGR+2YVDyP+N1gYkR7iG4qoW+Upavpvv2zkSN8MTjheIo ulMG4IV8r9+kdXCZMkIv3VPjNvjXLU1psEFhE=

Le 14 juin 2008 19:12, Cédric Corazza <cedric.corazza AT wanadoo.fr> a écrit :
Cédric Corazza a écrit :
Je ferai une relecture ce weekend.
Bonjour,

J'ai fini la relecture. Le document mis en forme se trouvera dans quelques minutes sur la page http://www.april.org/groupes/trad-gnu/work/documents/etat_traduction.html dans la section à relire


Bonjour,

Voici quelques propositions de modifications supplémentaires à la version online (qui est la version relue de Cédric) :

L30 : je mettrais un "?" plutôt qu'un "."
-de communautés développent les différentes pratiques de la technologie. Ai-je
+de communautés développent les différentes pratiques de la technologie ? Ai-je

L46 : conjuguaison
-TV : Que veux dire le mot (...)
+TV : Que veut dire le mot (...)

L67 : verbe à l'infinitif -> participe passé
-administrateurs. Aussi, nous ne leur en avons pas donner les moyens.
+administrateurs. Aussi, nous ne leur en avons pas donné les moyens.

L74 : proposition de changement de style
-(...)c'est une erreur de dénommer ces restrictions comme
+(...)c'est une erreur de dénommer ces restrictions comme étant

L88 : majuscule
-TV : il semble que (...)
+TV : Il semble que (...)

L110 : proposition de changement de style
-raison, mais il est vrai que compter sur des gens pour respecter notre liberté,
+raison, mais il est vrai que compter sur le fait que des gens respectent notre liberté

L152 : question non terminée par un "?"
-d'une nouvelle idée que l'on pourrait suggérer. Cette idée a des milliers
+d'une nouvelle idée que l'on pourrait suggérer ? Cette idée a des milliers

L155 : proposition de changement de style
-TV: La question à propos de l'esthétique du hacker&nbsp;: comme vous l'expliquiez, il n'y
+TV : Une question à propos de l'esthétique du hacker&nbsp;: comme vous l'expliquiez, il n'y

L180 : proposition de changement de style
-des changements locaux que j'ai de bonnes raisons de croire bons. Remarquez, que
+des changements locaux que j'ai de bonnes raisons de croire bons. Remarquez que

L184 : proposition de changement de style
-TV : Y a-t-il quelque chose que la numérisation offre pour l'élaboration de
+TV : Y a-t-il quelque chose que la numérisation offre pour l'élaboration d'une

L186 : proposition changement ponctuation
-ne pourraient pas offrir, ou, numérisation ne voudrait-elle signifier
+ne pourraient pas offrir, ou numérisation ne voudrait-elle signifier

L189 : le travail collaboratif & l'amélioration continue sont plus aisés
-Les ordinateurs et le Web rendent plus aisé le travail collaboratif et
+Les ordinateurs et le Web rendent plus aisés le travail collaboratif et

L191 : accent manquant
-plus vrai dans le futur car les gens developpent de meilleures façons d'y arriver.
+plus vrai dans le futur car les gens développent de meilleures façons d'y arriver.

L195 : espace superflue
-(...)d'un point de vue historique et philosophique , il semble que
+(...)d'un point de vue historique et philosophique, il semble que

L205 : le verbe focaliser étant transitif, j'ai essayé de trouver un COD + j'ai retiré le "s" à harmonie dans l'idée qu'on ne peut pas en avoir plusieurs ...
-TV : Je ne veux pas réellement focaliser sur l'opposition public/commercial,
-mais si nous disons que nous avons besoin d'harmonies, de valeurs et de systèmes
+TV : Je ne veux pas réellement focaliser notre échange sur l'opposition public/commercial,
+mais si nous disons que nous avons besoin d'harmonie, de valeurs et de systèmes

L212 : majuscule manquante
-RMS : j'approuverais. Une personne peut appartenir à une communauté et travailler
+RMS : J'approuverais. Une personne peut appartenir à une communauté et travailler

L229 : majuscule manquante & coquille
-TV : et en plus, comme vous le savez, la commnauté et la recherche
+TV : Et en plus, comme vous le savez, la communauté et la recherche

L260 : majuscule manquante
-RMS : je ne pense pas qu'il y ait un rapport.</p>
+RMS : Je ne pense pas qu'il y ait un rapport.</p>

L314 : majuscule manquante
-TV : et plus encore, peut on voir ces problèmes en terme de communauté&nbsp;? Si je me
+TV : Et plus encore, peut-on voir ces problèmes en terme de communauté&nbsp;? Si je me

L336 : accord sujet (les gens) - verbe
-partage la connaissance avec le monde entier.</p>
+partagent la connaissance avec le monde entier.</p>

L341 : accord sujet (vous) - verbe
-invoquer des professeurs tels Bouddha ou Jésus comme exemples de vie éthique.</p>
+invoquez des professeurs tels Bouddha ou Jésus comme exemples de vie éthique.</p>

L377 : le "une nouvelle fois" devrait s'appliquer à la lecture (si j'en crois la version EN) et là, je me suis posé la question si ça ne s'appliquait pas au fait que TV était frappé une nouvelle fois par ...
-TV : En lisant &laquo;&nbsp;Les hackers&nbsp;&raquo; de Steven Levy, une nouvelle fois, j'ai été frappé par
+TV : En lisant une nouvelle fois &laquo;&nbsp;Les hackers&nbsp;&raquo; de Steven Levy, j'ai été frappé par

L400 : espace superflue
-Dod ( Department of Defense), mais ils ne sont pas allés plus loin dans la
+Dod (Department of Defense), mais ils ne sont pas allés plus loin dans la

L418 : Il y avait deux "cela" dans la proposition, qui font chacun référence à un objet différent.
-que cela soit accessible à chacun fait partie de cela, encourager l'esprit de
+que celle-ci soit accessible à chacun fait partie de cela, encourager l'esprit de

L445 : coquille dans le mot "hacking" + remplacement des angliscismes "assumer" & "assomptions"
-RMS : Ici, vous semblez assumer que le haking n'est ni éthique ni le monde réel.
-Je suis en désaccord avec ces deux assomptions. Ainsi, quelques parties du
+RMS : Ici, vous semblez postuler que le hacking n'est ni éthique ni le monde réel.
+Je suis en désaccord avec ces deux assertions. Ainsi, quelques parties du

L477 : Sens bizarre (copier-coller de la page wikipédia mal intégré dans la phrase ?)
-<li id="note9">Quadrille&nbsp;: danse de bal en vogue du début du XIXe lors de la première guerre mondiale.</li>
+<li id="note9">Quadrille&nbsp;: danse de bal en vogue du début du XIXe jusqu'à la première guerre mondiale.</li>

Je vous joins la version résultante.

Cordialement
Marc
Éthique et communauté du hacker : un entretien avec Richard M. Stallman

Éthique et communauté du hacker : un entretien avec Richard M. Stallman, 2002

par Richard Stallman

Publié en finnois dans Tere Vadén & Richard M. Stallman : Koodi vapaaksi - Hakkerietiikan vaativuus, Tampere University Press. 2002, sivut 62-80.

Hackerisme

Tere Vadén (TV) : Un des traits les plus frappants de votre approche des problèmes de la technologie, des logiciels et du reste, est que vous considérez l'aspect éthique et social plus important que de possibles avantages techniques. Alors que, peut-être, cela devrait être la norme, il n'en est malheureusement pas ainsi. Le principal problème semble être celui de communauté : quels genres de communautés développent les différentes pratiques de la technologie ? Ai-je raison de croire que vous pensez les problèmes éthiques en terme de communautés ?

Richard M. Stallman (RMS) : Oui. La voie qui m'amena à conclure quelles sont les libertés essentielles à l'utilisation d'un logiciel, et quels types de licences sont acceptables, fut de me demander si elles devaient interférer avec les modalités d'usage d'un logiciel nécessaires pour avoir une commnunauté viable.

TV : L'idée de logiciel libre est née de vos expériences au M.I.T. et de la manière dont cette communauté fut infiltrée, et dans un certain sens détruite, par des intérêts commerciaux.

RMS : Oui, c'est correct. Les hackers aimaient réellement la liberté de partager et modifier les logiciels : c'était la base de notre communauté insouciante.

TV : Que veut dire le mot « hacker » pour vous, personnellement ?

RMS : C'est quelqu'un qui aime l'intelligence espiègle, particulièrement en programmation mais d'autre médiums sont aussi possibles. Au XIVe siècle, Guillaume de Machaut écrivit un palindrome 1 musical en trois parties. Cela sonnait bien, également : j'ai dû m'y faire la main une fois car je me rappelle encore une des parties. Je pense que c'était un bon hack 2. J'ai entendu quelque part que J. S. Bach fit quelque chose de similaire. Une arène possible pour l'intelligence espiègle est de déjouer la sécurité. Les hackers n'ont jamais eu beaucoup de respect pour les freins bureaucratiques. Si l'ordinateur restait inoccupé parce que l'administrateur ne les laissait pas l'utiliser, ils s'arrangeaient parfois pour contourner l'obstacle et s'en servir quand même. Si cela demandait de l'astuce, c'était amusant en soi, tout autant que de rendre possible une autre bricole (par exemple, un travail utile) sur l'ordinateur plutôt que de se tourner les pouces. Mais tous les hackers ne déjouaient pas la sécurité, beaucoup ne furent jamais intéressés par cela. Sur l'I.T.S. 3, le système opératoire développé par les hackers du Laboratoire d'I.A. 4, nous avons rendu inutile le contournement de sécurité : nous n'avions simplement pas mis en œuvre de sécurité dans le système. Les hackers avaient réalisé que la sécurité serait un mécanisme de domination de la part des administrateurs. Aussi, nous ne leur en avons pas donné les moyens.

TV : Et au sujet des concepts de liberté et de communauté ? Il y a cette idée que la liberté de distribuer idées, pensées, recettes et logiciels crée le meilleur type de communauté, du moins meilleur que celui basé sur des limitations commerciales de distribution et de partage.

RMS : Je pense que c'est une erreur de dénommer ces restrictions comme étant « commerciales », car cela se rapporte aux motifs des restrictions. Les mêmes restrictions imposées pour des intentions différentes feraient les mêmes dégâts. Ce qui importe, ce sont les restrictions, pas les raisons. Un logiciel commercial peut être libre ou pas, tout comme un logiciel non-commercial peut être libre ou pas. Cela ne dépend que de la licence.

TV : Comment définiriez-vous la distinction entre les sphères publiques (communautaires, basées sur la liberté) et commerciales ?

RMS : Comparer libre avec commercial revient à comparer le bonheur et le pourpre. Cela n'a pas de sens, car il ne répondent pas à la même question. Ce ne sont pas des alternatives. La comparaison significative est entre le logiciel libre et non-libre.

TV : Il semble que la distinction entre « open source » et « logiciel libre » est que le mouvement « open source » justifie en fin de compte l'idée d'une base utilitariste : l'open source est la meilleure façon de produire des logiciels fonctionnels, tandis que la justification définitive du logiciel libre est le non-intéressement, le non-utilitarisme, la liberté est inviolable. Est-ce une interprétation correcte ?

RMS : Plus ou moins. Je dirais que la liberté a sa propre valeur, tout comme un logiciel puissant et fiable.

TV : Mais n'y a-t-il là pas un problème ? Un des calculs utilitaristes de « l'open source » est qu'il est plus rentable (dans le sens de faire plus d'argent ou de faire de meilleurs logiciels) d'utiliser une licence « open source » qu'une licence libre. Une société comme Apple ou Nokia adaptera l'open source juqu'à un certain point, précisément le point où le rendre plus libre conduirait à une perte de rentabilité.

RMS : Je suis d'accord qu'il est mauvais que ces décisions (à propos de votre liberté et de la mienne) soient prises par le développeur de logiciel pour son profit, tout comme la décision que nous avons, vous et moi, la liberté de parole, ne devrait pas être prise par un tiers quelconque dans son seul intérêt. Je ne vais pas condamner quelqu'un qui fait la bonne chose pour une mauvaise raison, mais il est vrai que compter sur le fait que des gens respectent notre liberté parce que c'est rentable pour eux, n'est pas un système fiable pour protéger notre liberté. C'est la raison pour laquelle nous devons réduire le pouvoir politique du commerce.

TV : Un argument qu'une entreprise utilisera, bien entendu, est que le profit créé bénéficiera finalement à toute la Société. Que répondrez-vous à cela ?

RMS : Que c'est une affirmation sans fondement. Un programme non-libre ne peut profiter qu'à ceux qui ne valorisent pas leur liberté, et sert ainsi de tentation pour que les personnes abandonnent leur liberté. C'est nocif pour la Société.

TV : Il y a ici aussi cette question d'individu/privé opposé à public/communautaire. Il est souvent dans l'intérêt de l'individu de faire quelque chose menaçant la communauté, menaçant la liberté.

RMS : Je sais. C'est pourquoi nous devons penser le bon et le mauvais pour prendre nos décisions, c'est aussi pourquoi les sociétés ont l'idée de punir les actes nuisant à la collectivité.

TV : Maintenant, quelqu'un comme Torvalds (et nous n'avons pas nécessairement à utiliser de nom, ici), partagerait probablement votre enthousiasme à propos de « hackerisme » 5 dans le sens d'habileté espiègle, et transposerait cette habileté espiègle à l'art de faire de l'argent et apprécier la belle vie. C'est actuellement ce qu'il laisse entendre dans un livre récent appelé « L'éthique du hacker » (« The Hacker ethics »).

RMS : C'est vrai. Le simple fait que quelqu'un aime hacker ne veut pas dire qu'il ait un engagement moral à traiter les autres correctement. Quelques hackers sont concernés par l'éthique, je le suis par exemple, mais cela ne fait pas partie du fait d'être hacker, c'est un trait séparé. Certains collectionneurs de timbres sont très concernés par l'éthique alors que d'autres non. C'est la même chose pour les hackers. Je suis d'accord avec la personne qui a dit qu'il n'y avait pas d'éthique du hacker, mais plutôt une esthétique du hacker.

TV : Maintenant, si l'on veut éviter les conséquences négatives du commerce orienté profit, il semble que l'on doive donner à l'individu une bonne raison de ne pas chercher uniquement son propre intérêt. Et que cette chose, cette raison, devrait être dans la sphère publique.

RMS : Bien sûr. Mais pourquoi traitez-vous cela comme s'il s'agissait d'une nouvelle idée que l'on pourrait suggérer ? Cette idée a des milliers d'années. C'est la pensée même de l'éthique.

TV : Une question à propos de l'esthétique du hacker : comme vous l'expliquiez, il n'y a pas d'éthique du hacker particulière, car un hacker peut agir éthiquement ou non, rien dans le « hackerism » n'oblige à un comportement éthique.

RMS : Le hacking n'est pas au départ une question d'éthique. C'est une idée sur ce qui donne un sens à la vie. Mais il peut être vrai que le hacking peut amener un nombre significatif de hackers à penser la question éthique d'une certaine manière. Je ne voudrais pas complètement rejeter les relations entre hacking et visions sur l'éthique. Bien que quelqu'un ait dit qu'il était plus question d'esthétique que d'éthique, je pense qu'esthétique n'est pas, non plus, le bon mot. Une esthétique est une idée de la beauté. C'est une pensée de ce qui est émouvant et expressif. Y a-t-il un mot pour cela ? Je peux penser à « la voie du hacker » (the hacker way), mais cela sonne plutôt pompeux et new-age.

Communauté

TV : Maintenant, cela amène plusieurs questions à l'esprit. Pour la première, on pourrait peut-être s'intéresser à une société idéale ou pousser plus loin, mais laissons cela pour le moment.

RMS : J'aborde ces questions d'une manière incrémentale. Je ne pense pas pouvoir essayer de concevoir une société idéale et être sûr de la conclusion. Les essais pour proposer une société relativement différente de celles que nous connaissons tendent souvent à être désastreusement imparfaits. Donc, à la place, je propose des changements locaux que j'ai de bonnes raisons de croire bons. Remarquez que je n'ai pas imaginé seul la communauté du logiciel libre : si je l'avais fait, je ne serais pas aussi sûr que c'est une bonne idée. Je l'ai su pour l'avoir essayé.

TV : Y a-t-il quelque chose que la numérisation offre pour l'élaboration d'une communauté, quelque chose que les autres médiums (comme les livres imprimés) ne pourraient pas offrir, ou numérisation ne voudrait-elle signifier qu'efficience des moyens d'existence ?

RMS : Les ordinateurs et le Web rendent plus aisés le travail collaboratif et l'amélioration continue des publications. Je pense que cela deviendra encore plus vrai dans le futur car les gens développent de meilleures façons d'y arriver. La mentalité de marque (NDT : commerciale) pourrait être précisément calculée pour nous priver de ce bénéfice de l'Internet.

TV : Maintenant, d'un point de vue historique et philosophique, il semble que plus d'une bonne invention ou d'avancée technologique soient le résultat d'une intensification du colonialisme.

RMS : En général, la technologie est une bonne chose, et nous ne devrions pas l'empêcher. La technologie tend à créer des changements culturels. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, et nous ne devrions pas la condamner définitivement. Il n'y a que quelques points specifiques du changement culturel auxquels nous devons nous opposer.

TV : Je ne veux pas réellement focaliser notre échange sur l'opposition public/commercial, mais si nous disons que nous avons besoin d'harmonie, de valeurs et de systèmes communautaires qui atténuent l'égoïsme individuel, et si nous disons que le monde commercial a systématiquement tendance à promouvoir l'égoïsme, je pense donc que nous devons conclure qu'il y a une distinction cruciale entre le communautaire et le commercial.

RMS : J'approuverais. Une personne peut appartenir à une communauté et travailler en entreprise en même temps. Néanmoins, il y a un conflit fondamental entre l'attitude communautaire et celle commerciale. Je ne dirais pas que le communautaire est bon et le commercial mauvais. Cela n'a pas de sens de vouloir éliminer l'attitude commerciale, car il ne s'agit que d'égoïsme et ce dernier est vital. Les gens doivent être égoïstes jusqu'à un certain point, de même qu'ils doivent être altruistes jusqu'à un certain point. Abolir l'égoïsme n'aurait pas de sens, même si cela était possible.

TV : Je veux dire, de bien des manières on peut dire que les communautés sont basées sur le commercial, de nos jours, dans les pays post-industriels, c'est-à-dire que les gens sont ensemble, travaillent, communiquent, etc. essentiellement pour des raisons commerciales.

RMS : C'est un type de communauté plutôt faible et inefficace, qui n'en mérite guère le nom.

TV : Et en plus, comme vous le savez, la communauté et la recherche universitaires sont aussi très liées aux intérets économiques des états-nations et des entreprises.

RMS : Les universités doivent résister à leur détournement vers des fins commerciales, dans l'intérêt de leur intégrité. Elle ont échoué à résister. Les gens seront toujours en partie égoïstes : pour se préserver de l'égoïsme d'une société gloutonne, nous avons besoin d'institutions altruistes et de gouvernements démocratiques pour contrebalancer l'égoïsme et le surveiller. Le problème aujourd'hui est que l'égoïsme organisé prend le pas sur la société, écartant les autres institutions pensées pour l'observer.

TV : Mais arrive le contre argument : une économie de marché libre cherchant le profit maximum est la seule manière de produire des communautés démocratiques riches et fonctionnelles.

RMS : La communauté du logiciel libre montre, comme les coopératives en Suède le montrèrent, que ce n'est pas vrai. Il y a d'autres moyens de produire de la richesse. Mais au-delà de cela, produire de la richesse n'est pas la raison d'être, ni une fin en soi d'une bonne société. Il n'y a aucun besoin de diriger tous les aspects de la vie vers une maximisation de la richesse totale. L'idée de sacrifier toute chose pour produire (sans parler du partage !) est exactement ce qui ne va pas dans l'O.M.C. 6. Pour ce qui est de produire des communautés fonctionnelles et démocratiques, autoriser le commerce à dominer non seulement ne le permet pas, mais est carrément antagoniste à cela.

TV : Si l'éthique s'applique à chacun, et si l'éthique est basée sur la communauté, cela veut-il dire qu'il y a une communauté idéale à laquelle chacun devrait appartenir ?

RMS : Je ne pense pas qu'il y ait un rapport.

Copyleft 7

TV : Le concept de copyleft est un outil intelligent dans un but communautaire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la démarche qui vous mena à cette idée ?

RMS : J'avais vu de simple notices de la forme « copie identique autorisée sous réserve que cette notice soit préservée », et étudié une extension pour gérer aussi les modifications.

TV : Prenons un exemple ici. Je peux voir qu'un développeur de logiciel libre peut être capable de vivre en réalisant des logiciels libres car les gens paieront pour le logiciel, les manuels, le bonheur de faire partie de la communauté et ainsi de suite. Je ne pense pas que cela soit impossible. La même chose vaut pour certains musiciens, scientifiques et ainsi de suite. Mais qu'en est-il d'un écrivain, d'un poète ou d'un musicien qui travaille dans le champ d'un langage limité : disons, le finnois. Faire du logiciel, du poème ou de la musique libre ne sera pas une option viable, car la communauté est trop petite pour défendre ce genre d'activité.

RMS : Le système actuel joue un aussi mauvais rôle dans le soutien de ces activités. Le remplacer par rien ne rendrait pas les choses pires pour ces gens. Quoiqu'il en soit, je pense que des méthodes volontaristes de soutien pourraient faire un aussi bon travail que le système présent approximatif.

TV : Cela semble conduire à une sorte d'américanisation ou d'anglicisation.

RMS : Vous ne pouvez pas être sérieux, n'est ce pas ? N'avez-vous pas réalisé que l'ensemble media-copyright alimente l'américanisation de la culture dans le monde ? Déconnecter cet ensemble ferait beaucoup pour améliorer la situation.

TV : Je ne faisais que penser le fait que dans un champ linguistique réduit quelque chose comme le copyright (droit d'auteur) fait un bon travail pour la création.

RMS : Pas si bon malgré tout. Combien d'écrivains finlandais vivent des droits d'auteur aujourd'hui ? Notez que je ne défends pas la simple et totale abolition du droit d'auteur pour toutes sortes de travaux. Écoutez mon discours : Droit d'auteur et mondialisation.

Mondialisation

TV : Vous avez effleuré certains problèmes de la mondialisation dans plusieurs entretiens récents. L'un d'entre eux est que les lois concernant les droits d'auteur ont mis les pays du tiers monde dans une situation défavorable. Pensez-vous que ces pays ne devaient pas suivre les lois sur le droit d'auteur ?

RMS : Les États-Unis ne reconnaissaient pas les lois étrangères quand ils étaient dans un pays en développement. Aussi pourquoi pas les autres ? Bien sûr, nous en connaissons les raisons : cela fait partie du système de domination économique que les propriétaires des entreprises les plus riches ont imposé au reste du monde.

TV : Et plus encore, peut-on voir ces problèmes en terme de communauté ? Si je me rappelle bien, vous avez dit que la mondialisation au sens économique ne semblait pas être un bon moyen pour promouvoir ou répartir le bien-être.

RMS : Il n'y a rien de mauvais dans la mondialisation dans l'abstrait. Ce qui rend la forme actuelle de la mondialisation si mauvaise n'est pas son aspect global. C'est que le systéme O.M.C./F.M.I. 8 subordonne tous les autres intérêts à celui des affaires. Les lois de protection environnementale, la santé publique, les droits des travailleurs et le standard général du niveau de vie sont régulièrement écartés. Le résultat est un transfert important de la richesse du peuple vers les propriétaires des entreprises. Paradoxalement, cela paraît aussi être accompagné d'une réduction de la croissance. La meilleure manière de comprendre la mondialisation d'aujourd'hui, c'est comme un système de transfert de pouvoir des gouvernements démocratiques vers les affaires, lequel n'est global qu'accidentellement. L'élimination des barrières commerciales pourrait être une bonne chose si elle était accompagnée de standards globaux du travail, de l'environnement, de la santé, de salaire minimal (même si non-uniforme) et des impôts. Si cela était appliqué mondialement avec la même énergie que mettent les États-Unis à presser les pays d'utiliser le copyright, nous pourrions avoir des échanges mondiaux, des usines propres et de hauts salaires. La communauté mondiale du logiciel libre est un exemple de mondialisation bénéfique : les gens partagent la connaissance avec le monde entier.

Éthique

TV : Comment un « travail » éthique est-il le mieux réalisé ? On dirait que vous invoquez des professeurs tels Bouddha ou Jésus comme exemples de vie éthique.

RMS : Je n'évoque jamais Jésus. Je ne suis pas chrétien et n'admire pas spécialement Jésus. J'admire Bouddha un peu plus, mais je n'évoque aucun professeur ou héros en tant qu'autorité, seulement peut-être à titre d'exemple.

TV : Il est aussi clair que l'un des aspects les plus fascinants et influents de votre travail est que vous vivez comme vous le professez. Est-ce une décision consciente dans le sens ou vous pensez que l'éthique est une chose qui peut être apprise par l'exemple ?

RMS : Pas du tout. J'écris sur mes idées éthiques, je voudrais faire plus et mieux si je le pouvais. Bien sûr, il est nécessaire de vivre en conformité avec ses principes, ou alors on est hypocrite et les gens le voient.

TV : Si nous disons que les motifs d'un comportement éthique doivent être montrés dans la sphère publique, disons par le biais d'un contrat social ou quelque chose de similaire, et si dans le même temps nous remarquons que la sphère économique et commerciale est conduite par des principes de type profit maximum, nous devons donc avoir une sorte de séparation entre le monde public et le monde commercial.

RMS : Je ne suis pas ce raisonnement, je ne vois pas de séparation. L'éthique s'applique à chacun, et tout l'intérêt de l'éthique est que, si des choses que vous auriez souhaité faire égoïstement sont mauvaises, vous ne devriez pas les faire.

TV : … et donc, le monde commercial serait quelque chose qui, par necessité, corrompt presque l'idée de liberté.

RMS : Les affaires ont cette tendance. Les entreprises dispensent un mécanisme qui distille l'égoïsme hors des gens lesquels, en tant qu'individus, sont en partie égoïstes mais ont aussi une éthique limitant cet égoïsme. Le résultat est un égoïsme qui souvent ne peut être maîtrisé par une éthique. Changer cela demanderait de faire passer le pouvoir du commerce mondial aux gouvernements.

TV : En lisant une nouvelle fois « Les hackers » de Steven Levy, j'ai été frappé par un problème : les hackers tels que dépeints dans le livre sont pour la plupart concernés par l'éthique du hacker tant que cela concerne « des outils pour faire des outils ».

RMS : Je ne le pense pas. Un bon nombre de nos programmes étaient des outils pour faire des programmes, mais peu étaient des « outils pour faire des outils ». Pourquoi beaucoup d'entre eux étaient des outils ? Car les hackers écrivant des logiciels ont des idées pour améliorer les façons de le faire. Ce que font les hackers sur ordinateur est programmer, aussi sont-ils passionnés par tout ce qui rend la programmation plus facile. Si un hacker fait du quadrille 9, il sera passionné par tout ce qui sera utile dans un ordinateur pour le quadrille. Il pourrait écrire un programme aidant les gens à apprendre le quadrille. Cela est réellement arrivé. Peu de hackers pratiquent le quadrille, mais tous programment. Donc certains sont intéressés par écrire des programmes de quadrille mais beaucoup sont intéressés par des programmes pouvant être utilisés pendant la programmation.

TV : Levy n'est pas très dur à ce sujet, mais le manque de scrupules avec lequel les premiers hackers du M.I.T. ont accepté les fonds du ministère de la défense (Department of Defense) est un point à souligner.

RMS : Quelques hackers, à l'époque, n'étaient pas à l'aise au sujet des fonds du Dod (Department of Defense), mais ils ne sont pas allés plus loin dans la rébellion (en démissionnant, disons !). J'étais en désaccord avec eux, je ne pense pas qu'il était mauvais d'accepter ces fonds, je ne le pensais pas à l'époque. Les fonds d'entreprises sont bien plus dangereux. Aussi, je n'emploierais pas « manque de scrupules » pour avoir accepté ces fonds.

TV : Cela rappelle la « rationalité instrumentale » dont parlait l'école de critique théorique de Francfort : la rationalité appartenant aux outils mais pas aux buts.

RMS : Toutes sortes d'ingénieurs sont connus pour cela. Je ne suis pas sûr que ce soit plus vrai pour les hackers que les autres.

TV : Aussi, cela m'amène à la question : Si l'éthique concerne les buts et le contenu, quel est exactement la société ou la communauté défendue par le logiciel libre ?

RMS : Mon but est que nous nous aidions mutuellement à mieux vivre ensemble. L'amélioration de la connaissance humaine fait partie de cela, faire en sorte que celle-ci soit accessible à chacun fait partie de cela, encourager l'esprit de coopération fait partie de cela. Ces buts s'appliquent à différentes parties de la vie, mais dans le champ du logiciel, ils dirigent chacun vers le logiciel libre.

TV : Quand et comment vous êtes vous rendu compte que l'attitude « outils pour faire des outils » n'est pas suffisante ?

RMS : Que simplement des outils, sans penser à leur utilisation, en est une (attitude) où j'ai pioché cette idée dans mon adolescence, je pense. C'était bien connu dans les années 60, il n'y avait pas spécialement à chercher pour que cela vienne à l'esprit. Je pense à la chanson de Tom Lehrer « Werner von Braun » :

I send rockets up, but where they come down is not my department, says Werner von Braun

J'envoie des fusées, mais où elles tombent N'est pas mon rayon, dit Werner von Braun.

Beaucoup de gens ont entendu cette chanson.

TV : Et, peut-être plus intéressant, comment combinez-vous les deux, le hacking qui est intense et intéressant, et le travail éthique du monde réel, qui est souvent ténu et ennuyeux ?

RMS : Ici, vous semblez postuler que le hacking n'est ni éthique ni le monde réel. Je suis en désaccord avec ces deux assertions. Ainsi, quelques parties du développement et de l'édition d'un programme fonctionnel sont ténues : elles ne sont pas vraiment ennuyeuses, elles sont frustrantes. Mais des milliers de hackers dans la communauté du logiciel libre réalisent ces tâches afin de sortir des logiciels libres fonctionnels et fiables.

TV : Je pense que c'est assez commun dans les champs tels que l'ordinateur, la physique, les mathématiques, la philosophie, où l'austérité et la pureté du formalisme donne un plaisir intense de forme « non-terrestre ». Y a-t-il un lien ? Doit-il y en voir un ? Et comment reliez-vous les deux ?

RMS : Y a-t-il un lien entre le plaisir des pures mathématiques et le reste de la vie ? Non, je vois peu de connexions et pourquoi en faudrait-il une ? J'adore les danses populaires, autant que les mathématiques pures. Il n'y a que peu de liens entre ces plaisirs et le reste de ce que je fais. Pourquoi devrait-il en être ainsi ? Ils sont tous deux innocents. Y a-t-il un « trou » que je doive « combler » ?

Notes du traducteur

  1. Palindrome : Mot ou groupe de mots pouvant être lus de gauche à droite et vice versa.
  2. Hack : bidouille, bricole ingénieuse.
  3. Incompatible Timesharing System (ITS) : Système incompatible à temps partagé nommé ainsi par les hackers en opposition avec le CTSS (Compatible Time Sharing System), autre système d'exploitation utilisé au M.I.T.
  4. A.I. lab. : Artificial Intelligency Lab. / Laboratoire d'intelligence artificielle.
  5. Hackerisme : acte de hacker, faire un hack.
  6. O.M.C.  Organisation Mondiale du Commerce, en anglais, World Trade Organization (W.T.O.).
  7. Copyleft : terme inventé en opposition à copyright (droit d'auteur), parfois traduit par « gauche d'auteur ».
  8. F.M.I. : Fond Monétaire International, en anglais, International Monetary Fund (I.M.F.).
  9. Quadrille : danse de bal en vogue du début du XIXe jusqu'à la première guerre mondiale.

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Dernière mise-à-jour : $Date: 2007-05-02 00:23:59 $

Traduction : Claude le Paih.
Révision : trad-gnu AT april.org

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