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educ - Re: [EDUC] J'ai entendu une horreur

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

Archives de la liste

Re: [EDUC] J'ai entendu une horreur


Chronologique Discussions 
  • From: Amar Trabelsi <amartrabelsi AT gmail.com>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] J'ai entendu une horreur
  • Date: Tue, 26 Jan 2016 01:27:28 +0100

Salut,

Je me permets d'intervenir dans la discussion pour relater mon expérience d'enseignant.
Je suis prof des écoles sur Paris depuis 10 ans et utilisateur de systèmes et de logiciels libres depuis 7 ans. J'ai découvert linux (version ubuntu) et depuis impossible pour mou de revenir à microsoft et toutes ses galères techniques, ses verrous, ses appels à la dépense.

J'ai halluciné de découvrir à quel point chaque fois que j'avais opté pour du libre (microsoft pour ubuntu, word pour open office etc.) au-delà des principes que je satisfaisais, je gagnais en sérénité technique. Les forums et l'esprit de coopération que j'ai rencontrés m'ont sorti très souvent des ornières dans lesquelles je m'étais parfois embourbé. J'étais enthousiaste politiquement de me rendre compte dans la pratique quotidienne que l'esprit de coopération et la gratuité pouvaient faire mieux (pour moi et mes besoins en tout cas) que des trusts mondiaux gigantesques.

J'entends les mises en garde de Laurent Cooper ainsi que le débat autour et les réponses de William.

Je pense néanmoins que la déferlante et l'offensive des multinationales sur l'école est enfin (un enfin que je regrette) visible depuis peu et la signature avec microsoft n'est pas anodine. Certes il s'agit d'un document de dimension ministérielle et pour ces raisons il sait utiliser toute la langue de bois nécessaire pour masquer les intentions réelles du trust et devancer ses détracteurs. Mais à quoi nous attendions-nous? A ce que le texte officiel mentionne explicitement l'intention de fermer le champ des outils utilisés aux systèmes et logiciels propriétaires? Que l'accord mentionne explicitement que ce qui intéresse la firme c'est habituer des générations entières de nos mômes à leurs interfaces de façon à ce qu'ils ne puissent pas en sortir ou pire n'en ressentent même pas le besoin - pour moi avant open office le traitement de texte non seulement se résumait à word voire pire était word et ne pouvait être autre chose, j'avais fait toutes mes études avec (les salles infos de la fac ne proposaient pas autre chose et mon début de carrière de prof aussi (mise en page, trucs et astuces tout se faisait dans le langage de word et publisher). Si bien qu'il m'a fallu un long temps de reconversion technique, j'aime bien l'informatique et j'aime y passer du temps mais mes collègues de l'époque moins et sont restés cramponnés aux logiciels de microsoft.

Revenons-en à l'offensive citée. Jusque l'an dernier et ce fameux grand plan numérique, la nécessité de se mettre à niveau sur le plan numérique se limitait à des incantations, des voeux pieux, accompagnés d'un peu de matoss; pour les écoles parisiennes en tout cas où la très grosse partie du fric pour ne pas dire tout est mis dans la salle informatique soit une quinzaine de pc équipés de windows, avec une suite logicielle très pauvre et qu'il nous était impossible d'enrichir puisque le tout est verrouillé par un mot de passe administrateur dont ils ont même élevé le niveau car avant j'ajoutais les polices que je voulais (des centaines) et l'an dernier il a fallu que j'attende une semaine pour qu'un gars de la société vienne le faire (ridicule!!!). C'est une société qui gère tout les pc, le réseau, l'imprimante etc. Dans mon écoles les postes ont 2 ans et sont déjà tous vérolés, font des mises à jour intempestives, redémarrent, bougent... si bien que plus personne n'y vient avec sa classe et la salle info est devenue une salle des maîtres bis car seuls les enseignants la fréquentent pour imprimer, corriger un doc etc. Bon le seul avantage dans tout ça c'est que pour limiter la dépense (un windows par poste, un antivirus etc ça fait cher surtout quand on sait qu'il y a 15 postes dans notre école une parmi plus de 600 juste pour Paris... faites les comptes le traitement de texte c'était libre office. Et j'ai vu les gamins (plus souples que nous eux) entrer tranquillement dans ce logiciel, se l'approprier, grandir avec etc... je me souviens d'une gamine de CE2 me montrer quelques astuces et raccourcis de mise en forme car du haut de ses 8 ans à l'époque elle avait plus d'expérience que moi en logiciel libre eh ouais plus de 2 ans pour elle contre 3 mois pour moi. Pour moi c'est aussi pour venir contrer "ces mauvaises habitudes" que microsoft mène l'offensive... eh oui des mômes plus souples (au bon comme au mauvais sens du terme) qui conçoivent qu'un texte puisse exister en dehors de word... pas bon pour le business.

Les changements qui s'accélèrent et qui sont les signes de cette déferlante qui ne font que commencer dans mon école et dans mon réseau d'école (2 collèges un peu moins de 10 élémentaires) sont les suivants (ça c'est pas de l'analyse mais un catalogue des nouveautés faciles à lister car avant y'avait rien):
- des iPads (z'avez beau asséner à vos supérieurs qu'annoncer des ateliers tablettes serait le terme neutre plus approprié sur les docs officiels envoyés aux enseignants comme sur les affiches balancées aux gamins "iPad" revient comme un boomerang) proposés à gogo. Mes collègues en voulaient, on en a reçu juste pour notre école pilote déjà 22 et 22 autres devraient arriver incessamment sous peu (faites les comptes et vous verrez que le mot déferlante n'est pas exagéré). A nous de dire si on veut dans nos classes, combien etc. si on préfère les faire tourner ou moitié moitié.
- des formations proposées pour ne pas dire imposées (elles sont hors temps scolaire; on nous dit oralement qu'elles sont obligatoires mais sur les docs officiels à l'écrit ce ne sont que des invitations... pour cause leur caractère obligatoire n'a aucune base légale); sur ces invitations le jargon mercantile est décomplexé, on présente la possibilité de créer un réseau social AVEC FACEBOOK, on annonce une présentation des possibilités qu'offre google drive etc.
- comble du chantage, et de la tentative de conversion forcée à leurs sous produits bling bling, les iPads livrés sont dans une malette sécurisée verrouillée par un code qui ne sera donné aux enseignants qu'une fois la présentation des possibilités offertes par les tablettes aura été faite aux profs... par qui?

On peut sans aucun doute voir là l'effet d'un lobbying qui porte ses fruits mais puisqu'il faut aussi apprendre à se regarder en face comme nous invite Laurent (et j'adhère aussi à ce point de méthode) je vais le faire pour l'école, j'y vois le symptôme d'un corps éducatif déboussolé,qui a du mal au-delà des initiatives par-ci par-là à proposer quelque chose de consistant et qui voit comme une aubaine l'arrivée de ce tourbillon de numérique et de ces pacotilles dont les contenus masqueront le vide de projet réel; c'est encore plus vrai chez no chefs et sous-chefs (conseillers pédagogiques, inspecteurs d'éducation etc.) qui n'évoquent rien d'autre que des quantités de matoss (tablettes, webcams...) et d'installation (wi-fi) sans jamais indiquer au service de quoi cet attirail coûteux doit se ranger.

Bien évidemment je n'ai pas d'idée d'envergure à opposer à cette déferlante sans précédent (pour moi en tout cas) qui nous tombe dessus depuis la rentrée de septembre... mais je me dis qu'il y a toujours moyen d'agir au moins localement. Avec un pote collègue (on a tout les 2 des CM2) on récupère auprès des parents du matoss informatique pour recomposer des ordis pour nos classes qui seront bien sûr sur linux. On a commencé mais c'est dur, y'a toujours une incompatibilité matérielle quelque part... mais le pire réside dans la mise en ligne des quelques pc recomposés, les proxy (c'est la connexion de l'école) semble nous empoisonner la vie. On prend les disques durs pour tout installer chez nous mais réinstallés en classe ça coince pas possibilité de mettre dropbox et beaucoup d'autres logiciels qui nous sont indispensables, firefox persiste à se mettre en affichage archaïque. Je pourrais m'approcher des ateliers du type celui de la cité des sciences mais ça ne servirait à rien puisque c'est avec les proxy (il me semble) que le souci se manifeste.Dommage car si on avait le doigté technique on proposerait nos services aux autres collègues de la circonscription (une vingtaine d'écoles) pour leur montrer qu'avec du matoss de récup on peut faire mieux (parfois) en tout cas plus ouvert et moins coûteux qu'avec leur matoss bling bling.


Voilà ma contribution au débat... et c'est aussi un appel du pied à qui pourrait venir jeter un oeil dans mon école dans le quartier de Ménilmontant Paris 20è.

Comparativement.

Amar 


Le 25 janvier 2016 à 21:14, William Gambazza <wgambazza AT yahoo.fr> a écrit :
Le 25/01/2016 19:00, Laurent COOPER a écrit :
> Bonjour

Bonsoir,


> Ce n'est pas pour autant que je les taxerais d'ennemi, ou qu'ils
> représentent "le mal". Un tel discours s'est prouvé par le passé bien
> contre productif.

d'accord avec l'aspect sémantique

> * Ce n'est pas un marché. Personne n'a déboursé le moindre centime. L'EN
> n'a rien payé, les collectivités n'ont rien payé, et elle n'ont rien à
> payer.

C'est bien là tout l'astuce

> * Ce n'est pas un accord d'exclusivité. Cet accord n'empèche aucune
> autre société, aucune association, de signer un autre accord de partenariat.

"N'empêche pas " certes mais qui a l'envergure pour en faire autant ?
Suivez mon regard ..... ce ne sera guère mieux

> * Microsoft propose des outils pour le monde éducatif. Personne n'est
> obligé de les utiliser. Ni les collectivités, ni les enseignants.
> * Le ministère n'a aucune prérogative dans la prescription des outils
> utilisés dans une salle de classe. Ils relèvent de la liberté
> pédagogique de l'enseignant.

Certes. Enfin ..... encore pour l'instant .... mais sans imposer
ouvertement il y a bien d'autres méthodes d'arriver à ses fins. Le
ministère nous l'a maintes fois montré
Car à travers les formations qui vont être distillées (et ne doutes pas
qu'elles seront pourvues en enseignants si ce n'est volontaires au moins
désignés) les outils estampillés de la marque vont peu à peu passer
encore un peu plus dans les usages et s'imposer.
Les formateurs de certaines disciplines dans certaines académies seront
(sont déjà ?) tenus de s'y former. Certains reçoivent déjà des tablettes
des deux marques et doivent s'en dépatouiller.
Que crois-tu qu'ils proposeront lors de leur formations ? Si ce n'est
tous, en tout cas une partie.
Ne crois-tu pas qu'au moins il faudrait que les outils Libres y soit
tout autant mentionné et promus ?


> * Dans un établissement scolaire, l'achat du matériel et la maintenance
> sont à la charge de la collectivité de rattachement. Par contre, le
> choix des outils pédagogiques relève toujours du libre choix de
> l'établissement et des équipes pédagogiques.

Dans les écrits peut-être mais dans les faits, ces choix sont guidés par
des prescriptions et des usages que Microsoft, via son partenariat va
renforcer dans SA direction.


> Revenons à cet accord. Microsoft propose des ressources. Pourquoi ?
>
> D'aucuns y voient volontiers un complot. Je pense qu'il y a là une
> décontextualisation. C'est oublier que Microsoft est une société
> américaine.

Je ne pense pas qu'ici grand monde l'oublie



> Il est bon de rappeler qu'aux Etats Unis, par tradition, l'état est
> faible. L'éducation est fortement aidé, par les sociétés, les
> fondations, les mécènes. Cela fait partie du paysage habituel.
> Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Mais il faut en tenir compte.

D'accord avec toi mais nous sommes en France et il s'agit bien de
Microsoft France  (branche de l'autre) qui a signé le partenariat.

> Tous ces courriers extrêmement agressif me font un peu peur. Je trouve
> qu'ils manifestent parfois un certains extrémisme.

J'en conviens. Mais je ne crois pas qu'il faille y voir une réelle
agressivité au sens premier du termes mais plutôt une façon d'expurger
un ras-le-bol de voir l'inertie du ministère et du gouvernement dans un
sens quand il n'y en a aucune dans l'autre.
(bon, ok parler de sens suggère qu'il y opposition frontale et j'en
conviens ce n'est pas forcément une bonne image, mea culpa, j'avais pas
mieux)

> "se comporter suivant une éthique, c'est être morale. Vouloir que les
> autres en fasse autant, c'est être moraliste".

Celle-là, je la garde ;-)
Mais ne crois-tu pas qu'il faille pour autant agir, comme tu le dis dans
ta 2nde citation, afin que ce en quoi on croit puisse être mis en place ?


> Au quotidien, j'utilise des outils libres. Je ne veux pas les imposer
> par la force aux autres.

Quand a-t-il été question ici de passage en force ? De toutes façons,
quel moyen aurions-nous ici pour le tenter ? Si c'était le cas, ce
serait fait depuis longtemps puisque tu taxe certains d'extrémisme (je
sais le mot est un peu fort, pardonne-moi) ne crois-tu pas ?


> Oui, je ne me battrais pas contre le logiciel propriétaire. Je me
> battrais pour le logiciel libre. Je ne me battrais pas contre Microsoft.
> Je me battrais pour les distributions linux.

Je pense vraiment que c'est l'attitude de la plupart des membres de
cette liste. Et parfois cela inclue de se positionner ouvertement contre
les actions de Microsoft. Ce n'est pas forcément pareil que de s'opposer
à Microsoft.
Chacun est de toutes façons libre de son choix dans la sphère privée.
Mais ici il est question de la sphère publique.
En réaction à ce partenariat, quelqu'un a proposé l'analogie avec un
éditeur de manuels : il y aurait eu, sans trop de doutes, une levée de
boucliers de la profession immédiate mais là, tout le monde semble s'en
réjouir à l'idée de la promo ainsi obtenue. La plupart n''envisage même
pas les conséquences que cela peut induire à moyen et long termes.


> Rappelez vous que Microsoft, ce n'est pas Sauron dans sa tour avec une
> armée d'orcs. Microsoft, ce sont des milliers de personnes dont la
> plupart sont fières du travail qu'elles réalisent. Beaucoup pensent
> sincèrement faire un travail utile pour la société. Ils sont nombreux à
> avoir des enfants.

Et grand bien leur fasse. En chine aussi beaucoup de gens travaillent,
ont des enfants et sont même parfois (souvent?) fiers du travail qu'ils
réalisent. Dirais-tu que leur modèle ne mérite pas quelques critiques ?

> Qui sommes nous pour les juger ?
Il ne s'agit pas de juger les développeurs et la masse des salariés de
l'entreprise mais plutôt les choix stratégiques (car n'en doutes pas un
instant s'agissant d'une entreprise, qui plus est américaine, cela n'est
qu'une partie de leur stratégie de développement) des dirigeants.



> Le libre existe depuis bien longtemps. Le projet GNU date de 1983. À
> l'époque, Microsoft était une société naine, sur qui beaucoup n'auraient
> pas investi un kopeck. Pourquoi le libre n'a pas plus pris ? Ne sommes
> nous pas, nous, acteurs du libre, responsable de ce retard ? Face à un
> partenariat comme celui de microsoft, sommes nous capable de proposer
> une offre libre cohérente ? De proposer un accompagnement des
> enseignants via des MOOC de formation à LibreOffice ? De proposer un
> poste de travail libre suivi et cohérent ? N'avons nous pas, acteur du
> libre, un problème avec cette armée mexicaine où tout le monde est chef
> ? Il est plus facile de blamer un ennemi qui serait responsable de tout
> que de faire l'examen de ses failles.

Microsoft a réussi surtout parce qu'il s'agit d'une entreprise qui a usé
habillement de marketing et a su développer son activité. Personne ne
peut le nier ni même sa grande part dans la démocratisation de
l'informatique. Le projet GNU n'a pas la même visée et se développe
justement plus selon ta 2ème citation. Mais cela prend du temps. Cela
dit RedHat se porte plutôt bien semble-t-il ?

> Pourrions nous arrêter de blâmer Microsoft et nous concentrer sur ce que
> nous pourrions faire pour vraiment apporter des solutions efficaces aux
> établissements scolaires ?

Là je suis d'accord, et je n'ai pas de solutions/propositions à apporter
pour le moment, mais je trouve aussi que cette liste manque un peu
d'actions. Je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps à y consacrer
actuellement.

> Voilà, c'est pour toute ces raisons que malgré mon attachement à
> l'APRIL, malgré mes signatures à tous les appels contre les brevets
> logiciels, je n'ai pas signé la dernière pétition de l'APRIL. Par ce que
> je la crois contre productive.

C'est ton droit et il n'y a aucun souci avec cela de mon point de vue.
En espérant t'avoir répondu de façon claire.

Tout aussi librement ;-)
William

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