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educ - Re: [EDUC] Un ordinateur prêté à tous les élèves du primaire et du secondaire

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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Re: [EDUC] Un ordinateur prêté à tous les élèves du primaire et du secondaire


Chronologique Discussions 
  • From: Étienne ANDRÉ <etienne AT intendancezone.net>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] Un ordinateur prêté à tous les élèves du primaire et du secondaire
  • Date: Sat, 6 Jun 2020 13:10:27 +0200 (CEST)

Re,

> De: "JC Salmon - Collège de Cluses" <coclu AT orange.fr>

> > Le 6 juin 2020 à 10:17, Étienne ANDRÉ <etienne AT intendancezone.net>
> > a écrit :

> > Ma conviction en revanche, c'est que le niveau des élèves baisse
> > inexorablement avec l'augmentation du parc de vidéoprojecteurs
> > dans les salles et le nombre de milliers de photocopies par élèves
> > et par an. Arriveront sur le marché du travail, en pleine crise
> > économique post-Covid, des centaines de milliers de gamins qui ne
> > savent tout simplement pas tenir un crayon pour écrire trois mots
> > !
>
> Une "conviction" demanderait d'être un peu plus étayée.
>
> À mon avis, on ne peut absolument pas faire un lien aussi direct
> entre le vidéoprojecteur et le niveau des élèves,
> ni même avec le nombre de photocopies.
> C'est tout au plus une corrélation, ce qui ne donne aucun argument
> sur les causes.
>
> L'évolution de la société qui fait que les élèves n'écrivent plus est
> bien plus ancienne et complexe que ce que tu dis.
>
> Et je suis d'accord avec toi, la proportion des élèves qui tiennent
> mal leur stylo est importante, et de plus en plus importante.

Au-delà de ma provocation à deux sous, je suis sidéré de ce tropisme
généralisé chez tous les pédago que je fréquente au quotidien (des profs aux
chefs d'établissement en passant par les CPE), qui consiste à éviter à tout
prix de demander à un élève d'écrire. J'ai forgé en vingt ans d'observation
dans une vingtaine d'établissements (un comptable d'EPLE ça brasse du monde
!) la conviction que, pour bon nombre de profs de mes établissements,
l'impression d'avoir fourni un travail est d'abord établie par le nombre de
photocopies distribuées en cours. Alors que je me rappelle avoir, moi, écrit
des choses sur un cahier au lieu d'y insérer des pages à peine parcourues. Et
permettez-moi d'être formel sur le fait qu'une information que l'on a
recopiée de sa main est enregistrée avec une toute autre qualité de
mémorisation que n'importe quel autre procédé.

Tout matériel permettant d'éviter la prise de notes aux élèves sera considéré
comme "essentiel, prioritaire, moderne, innovant". Je signale régulièrement
que je dois être totalement incompétent et que mes diplômes n'ont aucune
valeur, ayant fait mes études dans des école, collège, lycée, université qui
n'auraient pas imaginé disposer d'un vidéoprojecteur. En six ans j'ai fini la
généralisation de l'équipement de chaque salle de cours de mon lycée en
projos ; c'est drôle mais les résultats au bac n'ont pas bougé.

Lire aussi n'est pas une option : à l'annonce du confinement en réunion de
crise, j'ai indiqué qu'il nous restait trois heures pour vider le CDI et
mettre un maximum de bouquins entre les mains des élèves, mais personne n'a
paru trouver que cela représentait le plus petit intérêt.

Donc j'ai délibérément lancé la discussion en [Mode vieux con], mais en
acteur de l'éducation je suis angoissé par la destruction systématique et
enthousiaste de ce qui consistait le socle de l'apprentissage et de
l'acculturation des jeunes depuis, mhhh depuis la Renaissance peut-être :
lire, écrire.

> > Accessoirement, mais c'est secondaire de mon point de vue, nous
> > courons un risque de destruction finale de l'école comme lieu où
> > l'on regroupe des enfants pour qu'ils y acquièrent des savoirs.
> > L'Ooggle leur apprend bien plus de choses.
>
> Je ne suis pas d'accord avec cet avis qui manque de nuances.
> l'Ooggle comme tu l'appelles est déjà assez divers,
> et les jeunes sont assez monomaniaques : ils connaissent snapchat et
> instagram, mais ne savent pas utiliser un mail ou faire une recherche.

Les GAFAM sous leurs divers avatars leur enseignent ce qu'ils savent, ce
qu'ils veulent savoir. Sur mes 1200 élèves, prépas compris, en trouverais-je
douze capables de me citer une information acquise dans la semaine écoulée à
la lecture d'un journal, d'un magazine ? Probablement pas. L'école vient
imposer aux enfants un savoir qu'ils n'auraient généralement pas spontanément
été chercher : pfff trop la louze.

> et il ne faut pas oublier les 40% d'élèves qui ont complètement perdu
> le lien avec l'école

Le ministre parle d'un zéro de moins je crois, mais peu importe.

40 % de gamins qui haïssent cet endroit où on leur demande de travailler, qui
ne venaient à l'école que par obligation, ou pour toper les potes. Pour
lesquels le travail scolaire est généralement mesuré selon la plus stricte
nécessité de la note qu'il faut bien obtenir en fin de trimestre : là y en a
plus, et les diplômes sont dans la pochette-surprise. Leur avenir, à ceux-là,
a bien des chances d'être à la hauteur de leurs efforts. La grandeur des
nations vient de l'instruction ? On va dégringoler, les amis.

> Non, l'école ne pourra pas être remplacée si facilement par du
> numérique pur.

L'école pourrait être remplacée par une grotesque farce numérique consistant
à faire semblant de s'intéresser à ces gamins pas motivés pour apprendre ni
pour travailler. Expérimenté avec un succès foudroyant au Mexique, au Sénégal
: pas cher, énormément de déchet mais c'est que des enfants de pauvres, pas
grave. Au final la meilleure préparation possible au beau métier de Amazon
Mechanical Turk...

Pour recentrer tout ça sur le logiciel libre, on ne prend pas le chemin de
donner aux générations suivantes les moyens de maîtriser la technologie, mais
l'inverse vient de faire un pas de géant.

--
Étienne ANDRÉ
http://www.intendancezone.net
Tél direct 01 48 99 99 22



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