Accéder au contenu.
Menu Sympa

educ - Re: [EDUC] La bataille du domaine public...

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

Archives de la liste

Re: [EDUC] La bataille du domaine public...


Chronologique Discussions 
  • From: yannick <sevmek AT free.fr>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] La bataille du domaine public...
  • Date: Wed, 19 Aug 2009 06:25:15 +0200

Patrick a écrit :
> Le mardi 18 août 2009, d.michon a écrit :
>> Oui mais quelle différence ?
>> L'un comme l'autre participent chacun du précédent .
>>
>> Pour des navigants, des données météo n'ont pas vraiment besoin d'être
>> interprétées au delà de leur collecte et de leur divulgation.
>> Nous sommes tous formés avant de prendre le large ou les commandes ...
>> c'est pas sorcier.
>>
>> Quand au domaine public, qu'on nous explique pourquoi n'avoir pas
>> enveloppé tous le ponts, les monuments ou fioritures savantes des palais
>> qu'on ne dévoilerait qu'à des visiteurs payants ?
>
> Parce qu'il y a une propriété commune incarnée par l'Etat, qu'il administre
> et défend contre les indivialismes, qu'ils soient personnes morales ou
> physiques.
>
>> ce qui a contribué à un développement et à la renommée des civilisations.
>
> Rien que ça.
> Fournir les données météo gratuitement, en voilà une perspective de
> civilisation !
>

"Stratagème XXXVII
Une fausse démonstration signe la défaite

(devrait être le premier). Lorsque l’adversaire a raison, mais a, par
bonheur, utilisé une fausse démonstration, nous pouvons facilement la
réfuter et déclamer ensuite avoir réfuté en même temps toute la théorie.
Ce stratagème devrait être l’un des premiers à être exposés car il est,
somme toute, un argumentum ad hominem présenté comme un argumentum ad
rem. Si lui ou l’auditoire n’a plus aucune démonstration valable à
soumettre, nous avons alors triomphé. ../.."
Schopenhauer
http://fr.wikisource.org/wiki/L’Art_d’avoir_toujours_raison_-_Stratagème_XXXVII

J'ai du mal à croire que l'argumentation autour des données
météorologiques suffise à réfuter la thèse qu'un accès libre aux données
produites par l'État, ou plus généralement aux données accaparées grâce
à certaines lois pour le profit d'une entreprise ou d'un État, puisse
constituer un véritable changement à l'échelle de la civilisation.

Dans notre civilisation mercantile, les données météorologiques sont
stratégiques pour l'agriculture. La production agricole est si bien
rationalisée, que l'optimisation en fonction de la météo permet d'être
plus concurrentiel.
"pleinchamp.com propose également une météo locale haute précision : le
Service Expert Météo locale.
Cette météo professionnelle propose plus de 30 critères sur 627 zones
locales (de 4 à 11 zones climatiquement homogènes par département).
Ce service propose également un historique des observations, des images
radar de haute précision (5 km) avec un défilement quart d'heure par
quart d'heure sur 4 heures.
Enfin, le Service Expert Météo locale propose 8 outils d'aide à la
décision à partir des données météo, comme les plages horaires pour
effectuer ses traitements phytosanitaires dans les meilleures conditions
sur les 5 jours à venir."
http://www.pleinchamp.com/agriculture/meteo-agricole.html

Il en va de même pour l'usage qu'on peut faire des images satellites:
"Sur les images satellite, on observe des hétérogénéités dans les
parcelles qui vues du sol paraissent parfaitement homogènes. Bien sûr,
les images ne disent rien de l'origine de ces hétérogénéités :
profondeur et nature des sols ; déficit ou excès d'eau ; besoin
d'éléments fertilisants… mais, associées à des cartes de rendement, ou
des analyses de sols par exemple, elles aident au diagnostic des problèmes.
Mais encore faut-il que la prise de vue intervienne à certains stades
clés des cultures, sur une durée généralement courte de deux à trois
semaines. De plus, le temps de traitement de l'image doit être
suffisamment rapide pour fournir une information à jour aux
agriculteurs. Spot Image a donc développé un service dédié à
l'agriculture de précision permettant de fournir une couverture
optimisée sur les parcelles ciblées par combinaison d'images et dans des
délais très court (48h de l'acquisition au produit directement
exploitable dans la chaîne Farmstar)."
http://www.pleinchamp.com/article/detail.aspx?id=22738&page=1&local=false&pub_id=27416&menu_id=4

Il est mille autres exemples de données qui sont sources d'augmentation
de la productivité et donc de profit.

Mais cela va plus loin, on peut changer une civilisation en
s'appropriant des données:
"Une première jurisprudence Européenne vient du cas du Margousier indien
(Azadirachta indica) ou Neem (qui signifie « arbre libre » en Persan),
dont on tire l'huile de neem qui sert notamment à s'éclairer et se
chauffer. Cet arbre a été introduit en Afrique et Amérique, et en Asie,
mais c'est en Inde qu'on l'utilise le plus et depuis au moins 2000 ans
pour ses propriétés médicinales, cosmétiques, insecticides et
fongicides. 64 brevets concernant ses propriétés ont été déposés dans
les années 1990 par divers groupes privés. Les propriétés fongicides de
la graine ont donné lieu à une demande croissante qui a fait grimper les
prix, rendant les graines inaccessibles aux pauvres. La société civile
indienne s'est mobilisée et l’office européen des brevets a annulé un
brevet déposé par W.R. Grace sur l'usage fongicide du neem, au motif de
l’antériorité des savoirs traditionnels indiens concernant cette plante."
http://fr.wikipedia.org/wiki/Biopiraterie

On peut aussi, en utilisant des données rationalisée, interdire
l'innovation et même l'autonomie des petits contre les gros. Ainsi pour
l'agriculture française, on tue la biodiversité aux profit de quelques
gros semenciers:
"Le catalogue officiel des espèces et variétés

Pour échanger ou commercialiser des semences et plants, il faut que les
variétés soient inscrites au catalogue officiel des espèces et variétés.
Pour cette inscription, la variété doit actuellement subir une série de
tests afin de :

* vérifier son adéquation aux normes de Distinction, d’Homogénéité
et de Stabilité (tests DHS) ;
* évaluer l’amélioration par rapport aux variétés existantes (test
VAT : Valeur Agronomique et Technologique), lorsqu’il s’agit de plantes
de grandes cultures.

Description

Cependant, dans le cadre de variétés paysannes et de terroir,
l’expression des plantes en fonction du milieu et l’évolution des
lignées et populations sur les fermes rendent quasi impossible la
description suivant ces critères officiels DHS et VAT, ces variétés
étant souvent peu homogènes et peu stables pour préserver leurs
possibilités d’adaptation et d’évolution.

Coût d’inscription

D’autre part, le coût de l’inscription ( pour une variété de céréales :
plus de 6.000 € auxquels il faut ajouter le maintien au catalogue : plus
de 2.000 € pour les 10 premières années) empêche l’inscription des
variétés issues de sélections paysannes : celles-ci sont trop nombreuses
et concernent des volumes limités. Dans le cas des potagères et des
arbres fruitiers, un catalogue annexe de «Variétés anciennes pour
jardiniers amateurs » a été créé. Mais il est toujours interdit de
vendre ces anciennes variétés aux professionnels pour qui elles sont
pourtant d’un grand intérêt !

Il ne s’agit pas de contester l’intérêt de critères communément définis,
mais de les adapter, pour les variétés paysannes, aux réalités et aux
objectifs socialement et agronomiquement choisis.

Ou bien on conserve, ou bien on produit ; la loi semencière interdit de
faire les deux à la fois.

En France, celui qui conserve des ressources phytogénétiques n’a pas le
droit de les multiplier et d’en commercialiser la semence en vue d’une
utilisation pour l’agriculture et l’alimentation. Ou bien on conserve,
ou bien on produit ; la loi semencière interdit de faire les deux à la fois.
Résultat : plus personne ne s’intéresse à une activité qui coûte et ne
rapporte rien. Or les paysans ne peuvent produire que s’ils vendent leur
récolte. Quant aux semenciers, ils préfèrent déléguer la conservation de
la biodiversité à l’Etat qui l’enferme dans des frigos ou des banques de
gènes où elle dégénère par manque de crédits. Seuls quelques paysans et
associations d’amateurs s’épuisent à sauvegarder les variétés anciennes
malgré les contraintes réglementaires inadaptées aux réalités du vivant."
http://www.semencespaysannes.org/reglementation_en_faveur_biodiversite_10.php

Et j'ai encore bien d'autres exemples dans moults domaines, comme la
génétique, la pharmacopée...

Pour revenir au sujet de la liste, dans l'enseignements des arts au sens
large, on est bien embêté de voir que les droits d'auteurs s'étendent
encore plus vite que leur delai de prescription, au point qu'on peut se
demander s'il y aura encore du domaine publique.
"Le 14 février 2008, le commissaire Européen Charlie McCreevy, connu
notamment pour son engagement pour l'introduction des brevets logiciels
en Europe, se déclare favorable devant la presse à l'écriture d'une
nouvelle directive qui porterait la durée des droits sur les
interprétations de 50 à 95 ans, ce qui aurait pour effet de bloquer tout
accroissement du domaine public pendant les 45 ans à venir."
http://fr.wikipedia.org/wiki/Domaine_public_en_droit_de_la_propriété_intellectuelle_français

Aux USA, on a l'amendement Mickey:
"Cette loi a pour effet de geler les dates d'entrée dans le domaine
public des œuvres aux États-Unis. Ainsi, aucune des œuvres créées après
le 1er janvier 1923, et qui auraient dû entrer dans le domaine public en
1998, ne le seront avant 2019. Ce n'est aucunement rétroactif pour les
œuvres déjà dans le domaine public, mais ce l'est dans le sens que
toutes les œuvres produites depuis 1923 (basé sur la date de parution)
sont protégées (protection des droits d'auteur) de 20 ans supplémentaires.
Les deux lois ont reçu un fort soutien de la part de la Walt Disney
Company qui, à l'époque des deux lois, risquait de perdre ses droits sur
le personnage de Mickey Mouse. Elle a ainsi pu continuer à protéger
toutes les œuvres de sa société fondée en 1923."

On peut donc affirmer que:
* la culture,
* l'agriculture,
* et d'autres domaines
deviennent de plus en plus menacés par des intérêts privés et que le
champ des ressources libres d'accès au publique subit de larges attaques
pour le restreindre.

À mon sens, il s'agit bien là d'une question pour le moins de société et
même de civilisation. La liberté d'utiliser des informations, la liberté
de choisir ce qu'une information délimite (on parlera plus
volontiers de normes dans ce cas), sont menacées. Les conséquences sont
directes sur nos vies.

« Et ce que l’on faisait autrefois pour l’amour de Dieu, on le fait
maintenant pour l’amour de l’argent, c’est-à-dire pour l’amour de ce qui
donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne
conscience.»
Aurore, Nietzsche

Cordialement,
Yannick




Archives gérées par MHonArc 2.6.16.

Haut de le page