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educ - [EDUC] Mise au point indispensable

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

Archives de la liste

[EDUC] Mise au point indispensable


Chronologique Discussions 
  • From: Jérôme Martin <jeromemartin AT samizdat.net>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: [EDUC] Mise au point indispensable
  • Date: Sun, 15 Feb 2015 19:31:09 +0100

Bonsoir

J'envoie ce mail suite à l'échange de ce jour d'une violence qui me laisse très dubitatif. Je suis venu à l'April après 15 années de militantisme de la lutte contre le sida pour faire avancer les logiciels libres, notamment dans l'Education. J'ai mis un peu de temps à comprendre que le mode de discussion était ici non pas les réunions ou les contacts téléphoniques, mais bien la liste. Or, je suis mal à l'aise pour ce type de travail collectif là (question d'habitude), mais par ailleurs, je suis très gêné pour contribuer sur cette liste Educ en particulier, car je ne tiens vraiment pas à me retrouver sermonné par des gens qui se pensent au-dessus de moi, martèlent leurs conviction d'une position de surplomb, et refusent tout dialogue d'égal à égal. C'est au bout de plusieurs mois mon sentiment quant au fonctionnement de cette liste. La "discussion" de ce jour m'a convaincu d'adresser cette mise au point parce que pour ma part, je ne peux pas continuer ainsi :

- Charlie, "Fuck off" est une insulte, qui a recours à la galvaudée équation sexe = se faire baiser = méprisable, c'est-à-dire le bon vieux truc sexiste et machiste. Bien sûr, on peut lever le bras en chantant la Marseillaise et dire "liberté d'_expression_", mais au bout du compte, ce n'est que cela, une insulte, pas originale, tellement galvaudée que cela rajoute sans doute un petit plus de se donner le ton du martyr menacé dans sa liberté d'_expression_ quand on l'a prononcée,  mais une insulte quand même. Tu t'en glorifies en continuant dans l'argumentaire de la liberté d'_expression_ et en parlant de "totalitarisme" à propos de la correction politique. C'est ton droit, j'imagine, mais c'est mon droit de trouver cela bien minable ; des gens sont morts, réellement, et pas que début janvier, pour la liberté d'_expression_. Et tu t'appropries leur combat pour justifier ce qui n'est qu'une insulte de fin de banquet. C'est un peu comme si je justifiais un pet dans un dortoir en invoquant Jean Moulin.

- Par ailleurs, ton usage de la liberté d'_expression_ est avant tout destiné à invalider la parole de celles et ceux qui critiquent ton ton et l'usage d'insulte : "vous attentez à ma liberté d'_expression_, fermez-la". C'est une liberté d'_expression_ non partagée, dont tu es le seul possesseur. C'est super classique, élevé au rang d'art depuis les attentats de début janvier, ce n'en est pas moins insupportable. Très bien, tu es libre d'insulter, laisse d'autres libres de te dire qu'ils te trouvent violent, et que tu fais n'importe quoi en te réfugiant, genre Lamartine cheveux au vent, derrière des grands principes pour justifier de la violence.

- Plusieurs dizaines de personnes ont rejoint cette liste dans la suite de l'appel. J'ai du mal à imaginer, en partant de ma propre expérience plus ancienne de quelques semaines sur cette liste, en quoi un fil de discussion commençant par "Fuck off", où on critique avec virulence le travail fait par quelques autres, puisse être mobilisateur. Où on exprime ouvertement qu'ils sont des  complices de l'anti-parlementarisme, de la manipulation des masses, de la haine de la démocratie, de la montée du fascisme - rien que cela. Le spectacle est super mobilisateur pour le libre : au sein de l'April, il y a les héroïques démocrates et les méchants totalitaristes (qui sont tellement bêtes et manipulés qu'ils ne savent pas qu'ils le sont). C'est sûr que ce genre de conflit va Donc, on fait quoi. On continue les invectives en comptant le nombre de désabonnement, ou on gère des conflits de fond de façon respectueuse, politiquement correcte (qui n'a rien à voir avec la censure, qui est juste une exigence d'un débat pertinent et respectueux) en impliquant le maximum de personne) ? Cela ne veut pas dire éviter les conflits, c'est juste les affronter en pensant au groupe, pas à avoir raison à tout prix, y compris celui du ridicule et de la dégueulasserie. "Montée du fascisme", "Kollaboration" (ah, ah, ah ! une partie de ma famille n'est pas morte pour rien dans les camps : cela alimente ta liberté d'_expression_, c'est super drôle, super fin et tellement adapté à ce que tu dénonces, mais, chut, ne te faisons pas de critique sur cette dégueulasserie, hein, liberté d'_expression_, Charlie Hebdo et tout ça), "La seule attitude un minimum digne et politique eut été de dénoncer ce simulacre de concertation" : on peut manifester des désaccord avec des arguments (tu en as) et en évitant cette rhétorique boursouflée, inadaptée à l'objet de ta critique et totalement démotivante pour celles et ceux qui lisent les échanges (enfin celles et ceux qui vont jusqu'au bout).

- Depuis une semaine, nous évoquons cette consultation. Des propositions individuelles - comme celle de Rémi, comme la mienne - ont été signalées. Aucune de ces propositions n'a été émise au nom de l'April. Cela fait une semaine que nous en parlons. Je pourrai à la limite comprendre la violence du ton si des critiques avaient été émises sans recevoir de réponses, mais là on passe de silence radio de plusieurs à J'accuse en mode insulte et mépris, sans que rien ne justifie une telle explosion de colère. Ce n'est pas la première fois que je remarque ce genre de phénomène sur cette liste, mais qui est très inquiétant en matière de travail collectif : on se lance dans quelque chose à titre individuel qui a l'air de prendre, la liste sert de relais  et au bout de dix jours, on vous dit que c'est de la merde, que vous êtes des kollabo (rire) et complices de l'anti-parlementarime et qu'il aurait fallu faire ce communiqué de presse-là (la seule chose digne et politique, vous savez). Mais où étais-tu, les 8 jours précédents où des discussions avaient lieu ?  Occupé à autre chose, très bien. Mais là, ce week-end, tu as du temps et de l'énergie pour pondre un texte : donc, au lieu de nous dire dans des textes de dizaines de lignes qu'on est des merdes trahissant l'esprit du libre et menaçant la démocratie, propose-nous un texte, ou au moins lance une discussion constructive, un truc où tu t'exposes comme notre pair, pas comme un donneur de leçon détenteur de la vérité. On s'engueulera, parce que je ne suis pas sûr d'être d'accord avec toi (quand je lis que l'Assemblée nationale est le lieu de la démocratie, je pouffe, quand tu parles de manipulation des masses, j'ai du mal à cacher ma colère face à un tel mépris des autres - comme si l'esprit critique était réservé à quelques happy few, comme si les "masses" étaient connes), mais on arrivera peut-être à un texte de position de l'April sur cette concertation, compatible avec les initiatives individuelles prises ici et là. En tout cas plus sûrement qu'avec des fuck off adressé à tes co-militantEs.

- Enfin, peut-on en finir avec les arguments d'autorité, et là cela vaut pour tout le monde ?  "J'ai l'habitude des consultations de ce genre et je peux vous dire que..." . Et alors ? Celles et ceux qui ont un avis différent, quel qu'il soit, vous connaissez leurs expériences ? Il faut montrer son CV de militant pour être pris au sérieux, ou c'est la valeur des arguments qui compte ?

Quelle mobilisation est-elle possible ainsi ? C'est juste glaçant, paralysant, surtout quand on lit ces échanges, seul, chez soi. On vit déjà dans un monde bien merdique, fait de relations de violence. J'aimerais vraiment que les associations que je choisis ne reproduisent pas cette violence et que des conflits d'idées s'y expriment sans une telle volonté de rabaisser le travail des autres. Si je suis le seul, je ferai avec,  mais si ce n'est pas le cas, c'est peut-être aussi le moment de se signaler pour que d'autres échanges aient lieu sur cette liste que ceux auxquels j'assiste.

Je continue sur le fond la discussion dans le fil Fuck off dont je change le titre, parce que vraiment...

See you Sunshine

jérôme






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