Re: [EDUC] Comment Microsoft va prendre le contrôle de l'ensemble des collèges girondins.

[Laurent COOPER <laurent.cooper AT ac-grenoble.fr>]

Bonsoir

Le 10/03/2021 à 18:55, Bruno Desroches a écrit :

Belle façon de voir les choses, ta réponse me laisse... pantois.

Microsoft a un bel avenir devant lui à ce que je vois. Toute l'informatique de tous les lycées de Auvergne-Rhône-Alpes sont passés sous la coupe de windows avec Atos (dont le grand chez est maintenant gros ponte européen -> Thierry Breton et ami personnel du Grand Président de la Grande Région AURA...). Ca marche super bien ??? ah bon ! enchanté de l'apprendre.

Lire ça sur une liste de l'April fait froid dans le dos.

Il est magnifique le pays des bisounours.

B Desroches

Pour placer un peu le contexte, je vais juste dire d'où je parle. J'ai été responsable de développement de solution logiciel libre pour l'éducation nationale en tant qu'enseignant déchargé. J'ai déployé sur les académies d'abord de Lyon puis ensuite de Grenoble plusieurs milliers de serveurs sous linux, j'ai participé à leur maintenance pendant 17 ans, et j'ai été dans les cellules académiques qui géraient les réseaux locaux avec tout le package de solutions qui ont pu passer par là. J'ai fait partie de l'équipe qui a porté le passage vers Scribe de l'académie de Lyon au CRDP. Aujourd'hui, mon lycée est l'un des derniers de l'académie de Grenoble à ne pas utiliser la solution de la région, et le dernier à utiliser un serveur Linux.

C'est un sujet dont je parle en connaissance de cause.

Pour la région AURA (au départ Rhone Alpes), le problème n'a jamais été le passage à Windows mais la façon dont le marché avec ATOSS a été passé.

Pour avoir vécu les choses de l'intérieur, ce n'est pas un marché mais un appel d'offre concurrentiel. Une personne de la région dont je tairais le nom a déclaré un jour " ce que je vais faire, c'est super, personne l'a fait avant moi". Il y avait peut être des raisons. Le contrat avec ATOSS a transformé la région et les lycées en vache à lait. Ils ont du bien rigoler les commerciaux d'ATOSS à la signature. Service ultra minimum et tout le reste est facturé à l'acte.

Le problème est il windows ?

Dans l'académie de Lyon, les lycées étaient sous linux et sont passés à windows. Dans l'académie de Grenoble, on est passé de windows à windows. Dans les deux cas, ce fut une catastrophe au départ.

Je vous donne juste un exemple. Dans le contrat, ATOSS prenait en charge un nombre limité de logiciels. Le reste est facturé. Du coup, on ne prend que les logiciels les plus courants ? Et bien, le problème, c'est que les lycées, c'est aussi les lycées pro. Et le lycée de l'automobile, il a un logiciel pour les carosseries qu'il est le seul à utiliser. Normal. Et bien le lycée devait payer en plus pour ce logiciel, pas prévu.... Tout le contrat était aussi boiteux ! La version 2 est un peu moins délirante, mais c'est quand même encore un modèle du type d'appel d'offre à ne pas faire qu'on pourrait montrer en exemple du truc mal foutu dans les écoles d'administration. Les services académiques ont épuisés des heures en comité de pilotage, en rattrapage, en contact, pour essayer de résoudre les problèmes.

Bref, le problème n'est pas windows.

Les collèges de l'Isère ont perdu la tutelle académique au profit de la tutelle du conseil départemental. Le conseil départemental de l'Isère a embauché une équipe de techniciens et quelques encadrants, et tout est sous active directory. Après une phase d'ajustement sur les usages, je ne connais pas un seul collège de l'Isère qui soit mécontent.

Le problème est celui du pilotage et de la compétence.

Est ce que le passage à ATOSS a été pour autant mal vécu partout ?

Je connais très bien un grand lycée de Grenoble, avec des classes prépas, ou le réseau marchait ... mal. Quand il marchait. Quelques profs de prépas géraient les machines pour les prépas, un prof de physique avait installé un serveur et gérait les machines de "sa" salle, etc...

Ils ont fini par faire marchoter un truc en embauchant un AED qui avait un diplome de BTS informatique... il a pris une grande claque, fait ce qu'il pouvait, et il était régulièrement pris à parti par certains profs. Ambiance.

Dans le cas de ce lycée, le passage à ATOSS a été vécu comme une "libération"

À l'opposé, un lycée pro dans la même zone géographique a passé 6 mois sans pouvoir travailler par ce que les logiciels métiers indispensables ne marchaient pas. Ambiance. Là, le passage a ATOSS a été une catastrophe.

Bref, le paysage n'est pas si simple à définir, à évaluer. On a la remontée de ce qui ne marche pas. Et je le sais d'autant mieux que tout ce qui ne marchait pas atterrissait à un moment sur mon bureau.

Rien n'est simple.

Il n'y a pas le monde gentil des logiciels libres qui marchent tout seul sans problème et le monde méchant des logiciels privateurs ou rien ne marche.

Un exemple de migration au libre ratée ?

Ville de grenoble. Liste commune Front de Gauche / écologiste. On décide de passer les écoles sous linux. Le type qui est chargé de ça est l'un des plus brillants que je connaisse. Il monte une solution à base de Samba4, de Ansible et de Chef pour gérer l'ensemble. Problème : ses collègues ne comprennent rien à ce qu'il fait et se sentent dépassés. La tension monte, ils se prennent le choux, et ce spécialiste démissionne. Il n' aucun mal à trouver une place ailleurs, il est connu et reconnu.

Pour la ville de Grenoble ? 6 mois de travail perdu car personne n'est capable de reprendre son travail derrière lui. Inutile de dire que la promotion du libre derrière a été compliquée.

Rien n'est simple

L'association SambaEdu se bat a réussi à maintenir cette solution dans pas mal d'établissement avec succès. Par ce qu'ils proposent des choses. Le libre avance avec eux, comme avec AbulEdu par exemple.

Rien n'est simple, et désigner rapidement d'un doigt vengeur les méchants par ce que l'on est les gentils, c'est ce que font tous les sectaires et tous les fanatiques. Et ça ne sert pratiquement jamais une cause.

J'ai pu conserver mon lycée sous linux, mais je ne sais pas pour combien de temps. Par ce que j'aimerais avoir une vie de famille, par ce que ce travail dans le privé serait payé le double, par ce que je veillis.

J'ai participé à l'installation de plusieurs milliers de serveurs linux et j'en ai sans doute vu autant de désinstallé, dans des mouvements de va et vient toujours très complexes.

En espérant que ce partage d'expérience vous sera utile

Cordialement

Laurent