Re: [EDUC] TICE/COMPETENCES et obscurantisme

[Patrice Pillot <patrice.pillot AT teletopie.net>]

Bastien a écrit :
> Mais prenons un exemple simple : savoir ajouter un champ dans une base
> de données (ou un contact dans un carnet d'adresser).  Formulé de cette
> manière, il s'agit d'une compétence, mais on voit tout de suite quelles
> connaissances elle sollicite (sur ce qu'est un tableau, un champ, etc.)

Mais le problème c'est justement que ces connaissances ne figurent pas
dans les programmes et qu'aucun créneau horaire n'est prévu pour
qu'elles soient enseignées !

> Alors, doit-on enseigner seulement les connaissances ?  Le passage par
> les « compétences » n'est-il pas une manière de s'assurer que certaines
> connaissances sont acquises ?

Personne n'a jamais prétendu le contraire ! Ce qui est mis en question
ici est d'une part la validité du procédé mis en place qui sous couvert
de vérifier des compétences évacue l'acquisition de connaissances avec
d'autre part le projet implicite de faire en sorte que ces connaissances
ne soient jamais acquises et que l'élève ne soit jamais autonome et
maître de ces choix.

> Ce n'est pas parce qu'un concept est mal formulé qu'il faut attaquer
> tout ce que ce concept sert à désigner.

L'attaque ne porte pas contre _tout_ ce que ce concept sert à désigner
mais par l'usage (patent ! regarde les programmes et les instructions
officielles) qui est fait de ce concept par ceux qui en sont les
principaux instigateurs !

> Je trouve qu'il y a un contraste étonnant entre le flou de ces concepts
> (toute connaissance étant partiellement formulable comme une compétence
> et inversement) et la nette opposition entre ceux qui défendent les unes
> contre les autres...  

Il y aurait sans doute à dire sur le flou que tu évoques mais je laisse
ça à d'autres. Mais surtout il n'y a pas d'opposition entre ceux qui
défendent « l'acquisition de compétences » et ceux qui défendent «
l'acquisition de connaissances ». L'opposition se situe entre ceux qui
mettent en place des enseignements (qui n'en sont pas, en fait) dans
lesquels il n'est pas appris à l'élève à être autonome et à comprendre
et maîtriser les notions fondamentales d'une discipline donnée mais où
cet élève est simplement évalué sur sa capacité à reproduire des actions
préalablement « répétées » (le fameux élève /presse-bouton/, je pense
que tu vois bien ce que je veux dire) et ceux qui, sans contester
l'intérêt qu'il peut y avoir à vérifier que l'élève est à même
d'accomplir avec succès certaines actions, posent que, d'une part, il
n'est pas de compétence qui ne repose sur des connaissances et,
conséquement que préalablement, il faut s'assurer que ses connaissances
sont bien transmise à l'élève.

Permet-moi de prendre un exemple dans les mathématiques. Tous les élèves
apprennent les formules qui permettent de calculer les aires et les
périmètres des figures géométriques. On a ici un apprentissage de
connaissances fondamentales. L'acquisition de ces connaissances est
souvent vérifiée en deux passes, toutes aussi utiles : d'abord sous la
forme de question de cours (« donner la formule... ») qui permettent de
s'assurer de la mémorisation de ces connaissances, puis sous forme de
problèmes (les fameux champs dont il faut calculer la surface et le
rendement ...;-)) qui vont permettre de vérifier que l'élève sait
réinvestir les connaissances de bases.

Ramené à l'exemple du courrier électronique, on est dans le cas (comme
pour tous les items actuels du B2i) où les connaissances fondamentales
n'étant pas dispensées, on apprend à l'élève que pour mesurer la surface
d'un pré rectangulaire (spécifier le destinataire d'un courrier
électronique) dont on ne lui dit même pas qu'il est rectangulaire
(puisqu'on est toujours dans le « cas pratique ») on multiplie la
longueur par la largeur (on ouvre la fenêtre truc avec l'item bidule du
menu machin et on clique là). Le jour où l'élève doit mesurer la surface
d'un pré circulaire (on est passé de Eudora à Thunderbird), l'élève est
planté !

Encore une fois personne ne critique l'idée que des compétences puissent
être utilement évaluées et encore moins qu'on puisse organiser
intelligement un enseignemet sur ce constat d'évidence, comme l'a
indiqué un intervenant, mais ce qui est critiqué c'est qu'au prétexte
d'évaluation de compétences un mouvement inquiétant est en train
d'évacuer purement et simplement la nécessité d'acquérir des
connaissances : dans le meilleur des cas l'enseignement devient purement
utilitariste (pourquoi s'ennuyer à suivre des cours d'histoire et de
géo, ça ne sert à rien dans la vie professionnelle, pourquoi comprendre
comment interagissent (au moins de manière générale) les composants
matériels et logiciels d'un ordinateur, tout le monde utilise Windows et
quand tout le monde a besoin d'envoyer un courriel, tout le monde
utilise le même item bidule du menu machin et tout le monde clique là)
et dans le pire des cas on finit avec une société d'abrutis parfaits.

Cordialement,

pp