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educ - Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard


Chronologique Discussions 
  • From: "Philippe-Charles Nestel (Charlie)" <cnestel AT free.fr>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard
  • Date: Thu, 19 Nov 2009 23:16:18 +0100
  • Organization: april AT april.org

Michel Briand a écrit :
Personnellement j'ai enseigné l'informatique selon les "modèles de programmation" dans une approche "apprendre en marchant".

Michel,

Tu raisonnes par induction en t'appuyant sur ton expérience personnelle d'enseignement de l'nformatique dans un contexte d'enseignement supérieur, pour promouvoir une approche par compétences, alors même que les thuréfaires de la rhétorique des compétences se sont toujours opposés à l'enseignement de l'informatique dans le secondaire, notamment en collège.

Parlons-nous réellement de la même chose ?

Tu cites par exemple le Logo :
Cette approche qui était aussi celle de Logo a été développée dans le cours créé par Abelson et Sussman au MIT dans une lignée d'enseignants qui ont toujours promu le libre au MIT. Le langage support Scheme est libre comme les contenus pédagogiques mis en ligne et réutilisables. Et ce n'est pas un hasard si ces établissement ont également été les premiers à promouvoir les contenus de cours réutilisables (initiative Opencourseware)
Ca tombe bien. Je connais personnellement Harald Wertz qui s'était énormément investi lors des prémisses du plan IPT pour le développement du Logo dans les écoles. Harald Wertz qui fut l'un des fondateurs du département informatique de
l'université Paris 8 et créateur avec Patrick Greussay de l'un des tous premiers LISP libres est lui-même passé par le MIT.
Vas donc lui parler de Geneviève Jacquinot (c'est avec elle que Bruno Devauchelle co-fondateur du Café pédagogique et farouche opposant de l'enseignement de l'informatique a d'ailleurs fait sa thèse) et de tous les acteurs qui dans les prémisses du plan IPT ont saboté le développement du Logo !!!

Alors faudrait savoir de quoi on parle exactement.

Le Logo n'est donc pas le bon exemple. Car précisément le Logo était un moyen de développer une introduction à la programmation. Et quand tu dis qu'il y a de la place pour plusieurs approches pédagogiques (ce que je partage de toute mon âme) :

Je pense qu'il y a place pour plusieurs approches pédagogiques et plusieurs façons d'enseigner l'informatique.
... tu te trompes complètement de cible, puisque précisément le lobbye pếdagogiste s'oppose à l'enseignement de l'informatique en collège et au lycée. Son point de vue n'est donc pas celui de la pluralité puisque ce lobbye impose une seule et unique vision pédagogique : l'informatique comme outil (le B2i).
Explique-moi donc pourquoi le Café pédagogique qui offre un forum sur la suite bureautique de Microsoft s'interdit d'ouvrir un forum sur OpenOffice ?

C'est ça la pluralité ?

De quoi parlons-nous exactement ?

Et l'approche constructiviste mettant l'accent sur les compétences compte tout autant d'enseignants attachés au libre que d'autres écoles .
Michel, qu'est-ce que ça vient faire ici l'approche dite constructiviste ?
Te sais-tu donc pas que les théories pédagogiques, aussi brillantes soient-elles, sont en réalité des idéologies qui permettent de légitimer des pratiques sociales d'exclusion ?

Prenons Piaget et sa théorie de l'intelligence concrète ?

Sais-tu à quoi servi Piaget durant des années ?

A orienter des centaines de milliers de mômes des milieux populaires vers les CET en fin de cinquième sous prétexte d'intelligence dite concrète opposée à l'intelligence dite abstraite. Cela ne signifie pas que tout ce que disait Piaget était inintéressant, mais qu'on utilisait Piaget pour légitimer une pratique sociale.

Et le jour où l'on avait plus besoin d'ouvriers spécialisés sur les chaînes de production taylorisées, véritable bagne des temps modernes, le jour où l'on avait plus besoin d'orienter des mômes en fin de cinquième : on n'a plus entendu parler de Piaget, on est passé à une autre théorie pédagogique celle de Meirieu et de Claude Allègre...

Alors, se réferer à un truc qui s'appelle approche constructiviste pour légitimer une rhétorique des compétences qui casse progressivement toutes les connaissances et accroît la fracture scolaire n'a pour moi aucun sens, quand bien même cette approche pourrait être des plus brillantes.

Ce que toi tu fais et que je pourrais sans doute totalement partager n'a rien à voir avec le désastre que l'on est en train de mettre en place. Ouvre les yeux.
Aujourd'hui, mais ce n'est qu'un opinion et une pratique je pense que l'approche par les compétences permet davantage d'expliquer les objectifs attendus, de nous confronter à la complexité du réel.

L'obligation d'une approche par "compétences" ne trouve pas son origine comme tu le crois dans une pédagogie de type constructiviste (qui n'est au mieux qu'un alibi) mais dans les décisions des Conseils européens de Stockholm (2001) et de Barcelone (2002).

Vrai ou faux ?

Et c'est ce que dénoncent aujourd'hui des chercheurs en sciences de l'éducation comme Bernard Charlot, Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex, qui font le constat (ouf il était temps !) que "les compétences à acquérir finissent par effacer les savoirs qui permettent de les mettre en oeuvre".

Et ce qui me dérange c'est d'être obligé de m'appuyer sur des "spécialistes" en sciences de l'éducation pour étayer mes propos alors même que nous devrions pas avoir besoin de nous référer à des spécialistes pour dénoncer la barbarie ambiante.

Alors que disent-ils ?
Qu'énoncent-ils ?

1. Que l'institution imprégnée d'un fatalisme s'appuyant sur la théorie des dons ou du "handicap socioculturel" des jeunes du milieu populaire, diffuse des pédagogies "de basse intensité" fondées notamment sur l'adaptation aux élèves et la faiblesse des exigences qui empêchent de chercher des solutions pour faire accéder réellement tous les jeunes à des savoirs formateurs.

2. L'invasion de la rhétorique des "compétences" dans la totalité de l'univers scolaire n'a pas clarifié la recherche des moyens pour lutter contre la construction par certains élèves de postures intellectuelles qui constituent plus d'obstacles que de passerelles à l'acquisition d'une culture commune.

3. La compétence à acquérir finit par effacer les savoirs qui permettent de la mettre en oeuvre. Car la notion de compétence hésite entre une acception comportementaliste (savoir faire dans une situation donnée) et une acception plus large centrée sur le potentiel intellectuel nécessaire à la réalisation d'une tâche.

4. Les compétences du socle commun risquent fort d'entretenir les élèves les plus en difficulté dans des postures décrites ci-dessus et de se présenter davantage comme un obstacle à la connaissance que comme un outil de facilitation.

etc.
Et je pense que l'approche proposée pour le programme de seconde laissera de côté toute une partie des jeunes moins habiles avec les concepts.
C'est un choix de société sur lequel j'exprime mon désaccord mais ce n'est qu'une opinion parmi d'autres.

C'est un autre débat. Si tu veux parler de l'introduction de l'algorithmie dans le programme de seconde, certains mathématiciens qui furent parmi les tous premiers adhérents de l'April, je pense ici à Michel Delord qui fonda avec l'académicien Jean-Pierre Demailly le GRIP - le Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes - pensent exactement l'inverse de toi. Ils pensent queb c'est encore un moyen d'introduire des outils au détriment des cours de mathématiques.

En ce qui me concerne, je suis totalement partagé entre ton point de vue et celui de Demailly, car en réalité vous avez raison par certains aspects tous les deux.

Bien à toi,
Avec mon respect
et surtout mon amitié

Charlie







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