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educ - Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard

Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)

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Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard


Chronologique Discussions 
  • From: Michel Briand <michel.briand AT telecom-bretagne.eu>
  • To: educ AT april.org
  • Subject: Re: [EDUC] [presse] Elargir l'enseignement de l'informatique : un enjeu national, par Pierre Corvol et Michel Cosnard
  • Date: Thu, 19 Nov 2009 09:11:44 +0100
  • Organization: Telecom Bretagne

Personnellement j'ai enseigné l'informatique selon les "modèles de programmation" dans une approche "apprendre en marchant".

Cette approche qui était aussi celle de Logo a été développée dans le cours créé par Abelson et Sussman au MIT
dans une lignée d'enseignants qui ont toujours promu le libre au MIT. Le langage support Scheme est libre comme les contenus pédagogiques mis en ligne et réutilisables. Et ce n'est pas un hasard si ces établissement ont également été les premiers à promouvoir les contenus de cours réutilisables (initiative Opencourseware)

Je pense qu'il y a  place pour plusieurs approches pédagogiques et plusieurs façons d'enseigner l'informatique. Et l'approche constructiviste mettant l'accent sur les compétences compte tout autant d'enseignants attachés au libre que d'autres écoles .

Aujourd'hui, mais ce n'est qu'un opinion et une pratique  je pense que l'approche par les compétences permet davantage d'expliquer les objectifs attendus, de nous confronter à la complexité du réel.

Et je pense que l'approche proposée pour le programme de seconde laissera de côté toute une partie des jeunes moins habiles avec les concepts.
C'est un choix de société sur lequel j'exprime mon désaccord mais ce n'est qu'une opinion parmi d'autres.

 




Philippe-Charles Nestel (Charlie) a écrit :
d.michon a écrit :
La problématique est elle savoir ce qu'est l'informatique ou d'imposer un modèle de définition autour de l'informatique ?
Ni l'un, ni l'autre mon général.

L'enjeu politique, en terme d'enseignement, de matière, dans le système éducatif n'est pas tant pour nous de donner une définition ou d'imposer un modèle que de prendre en compte l'existence des modèles et définitions et observer quels lobbies et groupes d'intérêts les portent.

L'enjeu du débat n'est pas de savoir si philosophiquement l'informatique à l'école (école prise dans son sens générique) doit être abordée exclusivement en tant qu'outils, compétences d'usage et de savoirs être, que de se poser à un moment donné la question : pourquoi les lobbies propriétaires défendent-ils cette position ?

L'enjeu du débat n'est pas de savoir si philosophiquement un programme informatique, un firmware, sont des éléments d'un bloc fonctionnel que l'on peut globalement traiter par une analyse systémique en termes d'entrée/sortie que de se poser une seule fois la question : pourquoi les lobbies de l'informatiques propriétaire ne souhaitent pas que l'on n'enseigne plus la séparation entre matériel et logiciel dans les programmes scolaires.

etc.

Cela ,étant dit, rien n'interdit de retracer l'histoire de l'informatique, de tracer son épistémologie, d'analyser les conséquences sociétales de la révolution numérique, d'ouvrir un débat philosophique en s'appuyant sur des données factuelles.

Mais le pire serait que chacun vienne donner son opinion, sans tenir compte des réalités sociales et incarnées de l'école, comme si, sur la liste principale de l'April certains d'entre nous pourraient prendre position pour la brevetabilité des logiciels qu'il aurait développé l'hypothèse que les logiciels revêtent un caractère technique.

Pour l'enseignement de l'informatique à l'école on est exactement dans le même cas de figure : la totalité des lobbies propriétaires et pédagogistes y sont opposés.



Ou serions désormais en présence d'une surenchère tournant autour du discours du bien fondé ou non de la pédagogie ?

Ce que tu appelles "surenchère" ne date pas d'aujourd'hui mais de la vague de fond qui déferla sur l'école contre la vision de Claude Allègre-Philippe Meirieu qualifiée à cette époque de "pédagogisme" et qui déboucha sur le socile commun des connaissances, le B2i, la rhétorique des compétences imposée par les Conseils européens de Stockholm (2001) et de Barcelone (2002).
Pas plus que les mots technocrates, technostructure, ne remettent en cause la technique ou la technologie, la dénonciation du pédagogisme n'est pas une remise en cause des pédagogies.




Si j'ai choisi d'abandonner les systèmes propriétaires et de participer à l'essor des LL ayant travaillé tout aussi bien dans l'industrie qu'en prenant plus tard mes fonctions d'enseignant c'est pour m'affranchir de l'univoque et gagner en intelligence par le pluralisme et l'effort mutualisé et aboutir à l'efficacité de nos systèmes, d'en faire profiter mes pairs ou mes élèves.

Faut il rappeler :
Que l'on parlait également de cybernétique en lieu et place de communication et traitement des données ?
Que le concept de robotique n'avait pas attendu l'essor de l'informatique pour se développer ?
Que les boîte d'automation des années 50 avaient supplanté de gros systèmes sur- buggués ?
Qu'on avait persisté 20 ans plus tard à vendre en connaissance de cause et pour des sommes colossales des super-calculateurs dont les systèmes n'avaient été ni finis ou développés, ni testés, alors qu'une simple trieuse digne du métier à tisser pneumatique rendait les services attendus pour un coût 10 à 100 fois moindre, sans escompter le préjudice porté au malheureuses entreprises bernées ?
Certes. Pour autant, à partir de quel moment dates-tu la séparation irrémédiable, sur le plan de l'ingénierie, entre le matériel et les produits logiciels ?
Pour ma part, je te propose 1960 quand IBM imposa l'octet pour fabriquer les premières machines compatibles qui permettaient de les programmer sans être physiquement présent.

Dans ce cadre, tous les items du B2i qui renvoyaient à la connaissance de la distinction entre matériel et logiciels, entre système d'exploitation et applications au sein des logiciels, de la distinction entre donnée et instruction, de format de données, etc, ont purement et simplement été rayées du B2i au prétexte qu'il s'agissait de connaissances et non pas de compétences. Toutes les notions d'informatique des programmes de technologie en collège ont purement et simplement été rayées des programmes et la technologie y a été définie comme étant l'étude des objets techniques. Ce qui nous ramène à enseigner (sans moyens mais c'est un autre débat) la vision du XIXème siècle.



Un jour ou l'autre nous nous sommes aperçus de la supercherie monolithique et nous nous disons que notre intellect est également capable de jugement pourvu qu'on ne nous prive pas des éléments et des données pour fonder notre pensée.
Un jour au l'autre nous avons oeuvré à la toile en permettant l'expansion des connaissances et des communications.
A l'époque où je donnais des cours d'ethnométhodologie à la fac de Paris 8 au département Informatique, la plupart des étudiants du "bocal" bossaient sur des interfaces permettant des requêtes pour des hypertextes en réseaux. Je ne vais pas ici retracer cette histoire. Toujours est-il que c'est le système mis en place au CERN qui, par sa simplicité, s'est imposé et pris le nom de web en hommage à Vannevar Bush.
Jamais, à ma connaissance, dans toute l'histoire de l'humanité, on assista à une telle accélération entre le moment où une technologie est projetée dans un laboratoire et celui où elle recouvre des centaines de millions d'utilisateurs.

OUI, je te l'accorde, avec les hypertextes puis les moteurs de recherche basés sur les indexeurs plein texte nous sommes entrés dans une révolution épistémologique. Désormais le modèle arborescent, celui des tables des matières et de René Descartes qui consiste à décomposer chaque difficulté jusqu'au plus simple élément et engendra les systèmes de classements et de nomenclatures en usage dans les sciences, n'est plus le modèle cognitif le plus efficient.

Pour autant, le système d'hypertextes projeté par Ted Nelson avant l'arrivée du web se heurtait déjà au statut juridique des documents.

Aujourd'hui les enjeux qui touchent à la neutralité du réseau, à l'accès aux ressources, aux licences sont devenus centraux.

En ce qui concerne l'éducation, il est totalement illusoire de croire que l'on peut uniquement se battre pour les logiciels libres sans pour autant se battre pour les cultures libres.


Participer à la liste c'est sans doute pour ma part chercher à favoriser un concept de développement libre et mutualisé pour le retransmettre au plus jeunes.

Certes. J'entends bien. Et ton désir de transmission est tout à ton honneur. Mais force est de constater que, contrairement à d'autres associations comme l'EPI par exemple dont l'objet premier n'est pas le logiciel libre mais qui soutient le logiciel libre, l'April n'a pas de ligne politique claire en matière d'éducation. Et certains de ses membres, pris dans une logique de sens commun coupée de la connaissance du terrain, peuvent même défendre des positions qui sont celles de nos adversaires.
Par exemple, en dénonçant la rhétorique des compétences, le pédagogisme, je secoue le cocotier ; d'où ta réaction amicale.


Pour ces raisons les affabulations qu je tiens pour politiciennes et de quelques côtés ou tendances qu'elle soient autour du mot "pédagogisme" est éminemment plus insultante que liée à la nécessité de critique de la raison pure.
Pas plus que le financement par l'hébergement gratuite et l'assistance technique gratuite par la société Microsoft au site Café pédagogique dont l'un des fondateurs et responsable TICE - Bruno Devauchelle - est l'un des plus farouches opposants à un enseignement de l'informatique dans le secondaire.


En modérant nos expressions nous ne nous priverons pas de la capacité à accueillir des perspectives à venir en notre future absence naturelle pour avancer devant la montagne des prérequis de l'informatique - robotique - cybernétique ou "informagique" sans qu'elle devienne dépourvue du bon sens.

Le pédagogisme ou l'enseignement du vide (lu et approuvé par moi)

"Il y a lieu de distinguer le “pédagogisme” de la pédagogie. La proximité des
termes pourrait faire croire que l'appellation péjorative en “isme”, utilisée pour désigner
les avatars d'une “nouvelle pédagogie”, conduit à disqualifier toute pratique et toute ré-
flexion pédagogique ainsi que les méthodes dites actives. Ce serait évidemment un con-
tresens. La pédagogie est l'ensemble des méthodes et des pratiques, objet ou
non d'une théorisation, qui cherchent à faciliter et assurer la transmission des
savoirs. L'initiative pédagogique est le fait de l'enseignant, quel qu'il soit, et elle
fait partie intégrante de son métier. Un enseignant est donc par définition un
pédagogue, c'est-à-dire, celui qui conduit (ago) l'enfant (ped) vers le savoir. Mais tous
les enseignants ne sont pas pour autant des “pédagogistes”.

L'_expression_ péjorative de “pédagogisme” désigne les réflexions théoriques qui se
développent en faisant abstraction de la spécificité de l'enseignement de chaque disci-
pline, et en insistant sur des démarches générales, non sur les contenus de l'enseigne-
ment. Cette dénomination a quelque chose d'artificiel dans la mesure où elle regroupe
des œuvres et des penseurs différents, mais elle se présente comme un outil conceptuel
utile car elle désigne tout de même une sensibilité commune dont il est possible de dé-
gager quelques éléments caractéristiques."

http://appy.ecole.free.fr/actualites/pedagogisme.pdf

Je rajouterais ceci : les principaux courants de cette nébuleuse (dont le Café pédagogique) ont des points de vue qui entrent en convergence (quand ils ne sont pas soutenus financièrement ou en termes de logistique) par Microsoft, Dassault Systèmes, etc, à tel point que les programmes scolaires répondent à leur attente (sans oublier l'irruption du lobbye de l'industrie du divertissement (Cf. L'hadopi dans le B2i, etc).

A chaque fois, il s'agit d'éduquer, de pédagogie, de compétences, etc.



Or bien entendu, paradoxalement nous avons tous été confrontés à un discours prônant l'absolutisme au nom de la transparence.

C'est à mon sens aux antipodes de la philosophie et du concept de développement des logiciels libres.
Le logiciel libre ne peut en aucune manière prôner tel ou tel usage (qui limiterait les logiciels au seul degré de liberté zéro : droit d'utiliser librement le logiciel) contrairement aux lobbies de l'industrie propriétaire qui ne diffusent que les fichiers binaires. Les droits d'étudier librement le logiciel, c'est-à-dire d'accéder à son code-source et de le modifier, impliquent implicitement le droit d'étudier les programmes, c'est-à-dire l'informatique, ce que dénient les lobbies pédagogistes associés aux lobbyes propriétaires qui veulent, s'en tenir aux seuls usages et aux seuls outils, dans une logique prescrite.



La chaine de la recherche et du développement ne tient pas en une unicité d'un produit, mais bien au contraire de savoir se mettre au service et à l'écoute de l'utilisateur, d'entendre l'avis d'un alpha ou bêta testeur comme les attentes de l'utilisateur :
On ne développe pas dans son coin sans chercher à mettre un jour ou l'autre en lumière les fruits de son travail ... ou alors il y a comme un blème.
Pas de développeur sans critiques ou observations, pas de recherches ou de découvertes sans écoute de celui par qui il est possible d'affiner son raisonnement.
Pas de consécration de cette évolution sans accepter le point de vue d'autrui qu'il soient nos pairs, nos supérieurs, ou du tout venant .

Bien sûr. Je partage ton point de vue.


L'évolution des civilisations ou des technologies n'a pas attendu la chaire professorale pour découvrir, inventer, communiquer et transmettre les savoirs et savoir faire à ses descendants.

Certes. Mais le mot technologie lui-même ne date que du XVIIIème siècle et la première chaire de technologie de la révolution française. On se doit de restituer les mots dans leur contexte historique : la mise en place de division sociale capitaliste du travail (à la même époque le mot technique apparaît pour désigner un savoir-faire, avant on parlait d'art de).
Mais c'est un autre débat. :-)


Tout juste peut être pour systématiser les connaissances.
Mais en tout cas pas pour s'accaparer du discours ou de la casuistique de l'éducation et du contexte des apprentissages.

Manquer de pédagogie c'est aussi prétendre rompre avec ceux qui nous ont permis de découvrir l'art d'enseigner, tout simplement parce c'est l'autre qui apprend.
NON. Ma pratique personnelle témoigne qu'il n'y a pas d'art univoque et universel d'enseigner. Chaque être humain étant différent, on ne peut pas réellement imposer de modèle pédagogique comme le font les programmes scolaires, notamment en technologie, contre l'avis de tous les syndicats sans exception (ce qui ne s'est jamais produit dans toute l'histoire de l'éducation).
Pour autant la didactique, l'épistémologie m'intéressent en ce qu'elles permettent de réfléchir sur les notions.

Autant l'état éducateur que souhait mettre en place Robespierre durant la Révolution était pré-totalitaire, autant les principes de l'instruction publique opposé à une école fondée sur l'éducation, s'appuyaient sur la raison, le respect de l'intimité et de la sphère privée de chacun.
Je me range donc du côté de Condorcet et aux principes de notre école de la République.




Bien entendu on nous répondra que s'il n'y a pas d'élèves, au sens d'apprenant ou peut être de consommateurs, il n'y a pas d'enseignants, mais sans doute au sens de vendeurs de programmes officiels.

Sincèrement

Didier

Apprenant est un concept canadien qui s'est substitué pour faire moins provocateur à celui de client. Effectivement je préfère le mot élève et je considère que les enseignants ne doivent pas se transformer en prestataires de services au service de clients.

Amicalement,
Charlie




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