Personnellement j'ai enseigné
l'informatique selon les "modèles de programmation" dans une approche
"apprendre en marchant".
Cette approche qui était aussi celle de Logo a été développée dans le
cours créé par Abelson et Sussman au MIT dans une lignée d'enseignants qui ont
toujours promu le libre au MIT.
Le langage support Scheme est libre comme les contenus pédagogiques mis
en ligne et réutilisables. Et ce n'est pas un hasard si ces
établissement ont également été les premiers à promouvoir les contenus
de cours réutilisables (initiative Opencourseware)
Je pense qu'il y a place pour plusieurs approches pédagogiques et
plusieurs façons d'enseigner l'informatique. Et l'approche
constructiviste mettant l'accent sur les compétences compte tout autant
d'enseignants attachés au libre que d'autres écoles .
Aujourd'hui, mais ce n'est qu'un opinion et une pratique je pense que
l'approche par les compétences permet davantage d'expliquer les
objectifs attendus, de nous confronter à la complexité du réel.
Et je pense que l'approche proposée pour le programme de seconde
laissera de côté toute une partie des jeunes moins habiles avec les
concepts.
C'est un choix de société sur lequel j'exprime mon désaccord mais ce
n'est qu'une opinion parmi d'autres.
Philippe-Charles Nestel (Charlie) a écrit :
d.michon a
écrit :
La problématique est elle savoir ce qu'est
l'informatique ou d'imposer un modèle de définition autour de
l'informatique ?
Ni l'un, ni l'autre mon général.
L'enjeu politique, en terme d'enseignement, de matière, dans le système
éducatif n'est pas tant pour nous de donner une définition ou d'imposer
un modèle que de prendre en compte l'existence des modèles et
définitions et observer quels lobbies et groupes d'intérêts les
portent.
L'enjeu du débat n'est pas de savoir si philosophiquement
l'informatique à l'école (école prise dans son sens générique) doit
être abordée exclusivement en tant qu'outils, compétences d'usage et de
savoirs être, que de se poser à un moment donné la question : pourquoi
les lobbies propriétaires défendent-ils cette position ?
L'enjeu du débat n'est pas de savoir si philosophiquement un programme
informatique, un firmware, sont des éléments d'un bloc fonctionnel que
l'on peut globalement traiter par une analyse systémique en termes
d'entrée/sortie que de se poser une seule fois la question : pourquoi
les lobbies de l'informatiques propriétaire ne souhaitent pas que l'on
n'enseigne plus la séparation entre matériel et logiciel dans les
programmes scolaires.
etc.
Cela ,étant dit, rien n'interdit de retracer l'histoire de
l'informatique, de tracer son épistémologie, d'analyser les
conséquences sociétales de la révolution numérique, d'ouvrir un débat
philosophique en s'appuyant sur des données factuelles.
Mais le pire serait que chacun vienne donner son opinion, sans tenir
compte des réalités sociales et incarnées de l'école, comme si, sur la
liste principale de l'April certains d'entre nous pourraient prendre
position pour la brevetabilité des logiciels qu'il aurait développé
l'hypothèse que les logiciels revêtent un caractère technique.
Pour l'enseignement de l'informatique à l'école on est exactement dans
le même cas de figure : la totalité des lobbies propriétaires et
pédagogistes y sont opposés.
Ou serions désormais en présence d'une surenchère tournant autour du
discours du bien fondé ou non de la pédagogie ?
Ce que tu appelles "surenchère" ne date pas d'aujourd'hui mais de la
vague de fond qui déferla sur l'école contre la vision de Claude
Allègre-Philippe Meirieu qualifiée à cette époque de "pédagogisme" et
qui déboucha sur le socile commun des connaissances, le B2i, la
rhétorique des compétences imposée par les Conseils européens de
Stockholm (2001) et de Barcelone (2002).
Pas plus que les mots technocrates, technostructure, ne remettent en
cause la technique ou la technologie, la dénonciation du pédagogisme
n'est pas une remise en cause des pédagogies.
Si j'ai choisi d'abandonner les systèmes propriétaires et de participer
à l'essor des LL ayant travaillé tout aussi bien dans l'industrie qu'en
prenant plus tard mes fonctions d'enseignant c'est pour m'affranchir de
l'univoque et gagner en intelligence par le pluralisme et l'effort
mutualisé et aboutir à l'efficacité de nos systèmes, d'en faire
profiter mes pairs ou mes élèves.
Faut il rappeler :
Que l'on parlait également de cybernétique en lieu et place de
communication et traitement des données ?
Que le concept de robotique n'avait pas attendu l'essor de
l'informatique pour se développer ?
Que les boîte d'automation des années 50 avaient supplanté de gros
systèmes sur- buggués ?
Qu'on avait persisté 20 ans plus tard à vendre en connaissance de cause
et pour des sommes colossales des super-calculateurs dont les systèmes
n'avaient été ni finis ou développés, ni testés, alors qu'une simple
trieuse digne du métier à tisser pneumatique rendait les services
attendus pour un coût 10 à 100 fois moindre, sans escompter le
préjudice porté au malheureuses entreprises bernées ?
Certes. Pour autant, à partir de quel moment dates-tu la séparation
irrémédiable, sur le plan de l'ingénierie, entre le matériel et les
produits logiciels ?
Pour ma part, je te propose 1960 quand IBM imposa l'octet pour
fabriquer les premières machines compatibles qui permettaient de les
programmer sans être physiquement présent.
Dans ce cadre, tous les items du B2i qui renvoyaient à la connaissance
de la distinction entre matériel et logiciels, entre système
d'exploitation et applications au sein des logiciels, de la distinction
entre donnée et instruction, de format de données, etc, ont purement et
simplement été rayées du B2i au prétexte qu'il s'agissait de
connaissances et non pas de compétences. Toutes les notions
d'informatique des programmes de technologie en collège ont purement et
simplement été rayées des programmes et la technologie y a été définie
comme étant l'étude des objets techniques. Ce qui nous ramène à
enseigner (sans moyens mais c'est un autre débat) la vision du XIXème
siècle.
Un jour ou l'autre nous nous sommes aperçus de la supercherie
monolithique et nous nous disons que notre intellect est également
capable de jugement pourvu qu'on ne nous prive pas des éléments et des
données pour fonder notre pensée.
Un jour au l'autre nous avons oeuvré à la toile en permettant
l'expansion des connaissances et des communications.
A l'époque où je donnais des cours d'ethnométhodologie à la fac de
Paris 8 au département Informatique, la plupart des étudiants du
"bocal" bossaient sur des interfaces permettant des requêtes pour des
hypertextes en réseaux. Je ne vais pas ici retracer cette histoire.
Toujours est-il que c'est le système mis en place au CERN qui, par sa
simplicité, s'est imposé et pris le nom de web en hommage à Vannevar
Bush.
Jamais, à ma connaissance, dans toute l'histoire de l'humanité, on
assista à une telle accélération entre le moment où une technologie est
projetée dans un laboratoire et celui où elle recouvre des centaines de
millions d'utilisateurs.
OUI, je te l'accorde, avec les hypertextes puis les moteurs de
recherche basés sur les indexeurs plein texte nous sommes entrés dans
une révolution épistémologique. Désormais le modèle arborescent, celui
des tables des matières et de René Descartes qui consiste à décomposer
chaque difficulté jusqu'au plus simple élément et engendra les systèmes
de classements et de nomenclatures en usage dans les sciences, n'est
plus le modèle cognitif le plus efficient.
Pour autant, le système d'hypertextes projeté par Ted Nelson avant
l'arrivée du web se heurtait déjà au statut juridique des documents.
Aujourd'hui les enjeux qui touchent à la neutralité du réseau, à
l'accès aux ressources, aux licences sont devenus centraux.
En ce qui concerne l'éducation, il est totalement illusoire de croire
que l'on peut uniquement se battre pour les logiciels libres sans pour
autant se battre pour les cultures libres.
Participer à la liste c'est sans doute pour ma part chercher à
favoriser un concept de développement libre et mutualisé pour le
retransmettre au plus jeunes.
Certes. J'entends bien. Et ton désir de transmission est tout à ton
honneur. Mais force est de constater que, contrairement à d'autres
associations comme l'EPI par exemple dont l'objet premier n'est pas le
logiciel libre mais qui soutient le logiciel libre, l'April n'a pas de
ligne politique claire en matière d'éducation. Et certains de ses
membres, pris dans une logique de sens commun coupée de la connaissance
du terrain, peuvent même défendre des positions qui sont celles de nos
adversaires.
Par exemple, en dénonçant la rhétorique des compétences, le
pédagogisme, je secoue le cocotier ; d'où ta réaction amicale.
Pour ces raisons les affabulations qu je
tiens pour politiciennes et de quelques côtés ou tendances qu'elle
soient autour du mot "pédagogisme" est éminemment plus insultante que
liée à la nécessité de critique de la raison pure.
Pas plus que le financement par l'hébergement gratuite et l'assistance
technique gratuite par la société Microsoft au site Café pédagogique
dont l'un des fondateurs et responsable TICE - Bruno Devauchelle - est
l'un des plus farouches opposants à un enseignement de l'informatique
dans le secondaire.
En modérant nos expressions nous ne nous priverons pas de la capacité à
accueillir des perspectives à venir en notre future absence naturelle
pour avancer devant la montagne des prérequis de l'informatique -
robotique - cybernétique ou "informagique" sans qu'elle devienne
dépourvue du bon sens.
Le pédagogisme ou l'enseignement du vide (lu et approuvé par moi)
"Il y a lieu de distinguer le “pédagogisme” de la pédagogie. La
proximité des
termes pourrait faire croire que l'appellation péjorative en “isme”,
utilisée pour désigner
les avatars d'une “nouvelle pédagogie”, conduit à disqualifier toute
pratique et toute ré-
flexion pédagogique ainsi que les méthodes dites actives. Ce serait
évidemment un con-
tresens. La pédagogie est l'ensemble des méthodes et des pratiques,
objet ou
non d'une théorisation, qui cherchent à faciliter et assurer la
transmission des
savoirs. L'initiative pédagogique est le fait de l'enseignant, quel
qu'il soit, et elle
fait partie intégrante de son métier. Un enseignant est donc par
définition un
pédagogue, c'est-à-dire, celui qui conduit (ago) l'enfant (ped) vers le
savoir. Mais tous
les enseignants ne sont pas pour autant des “pédagogistes”.
L'_expression_ péjorative de “pédagogisme” désigne les réflexions
théoriques qui se
développent en faisant abstraction de la spécificité de l'enseignement
de chaque disci-
pline, et en insistant sur des démarches générales, non sur les
contenus de l'enseigne-
ment. Cette dénomination a quelque chose d'artificiel dans la mesure où
elle regroupe
des œuvres et des penseurs différents, mais elle se présente comme un
outil conceptuel
utile car elle désigne tout de même une sensibilité commune dont il est
possible de dé-
gager quelques éléments caractéristiques."
http://appy.ecole.free.fr/actualites/pedagogisme.pdf
Je rajouterais ceci : les principaux courants de cette nébuleuse (dont
le Café pédagogique) ont des points de vue qui entrent en convergence
(quand ils ne sont pas soutenus financièrement ou en termes de
logistique) par Microsoft, Dassault Systèmes, etc, à tel point que les
programmes scolaires répondent à leur attente (sans oublier l'irruption
du lobbye de l'industrie du divertissement (Cf. L'hadopi dans le B2i,
etc).
A chaque fois, il s'agit d'éduquer, de pédagogie, de compétences, etc.
Or bien entendu, paradoxalement nous avons tous été confrontés à un
discours prônant l'absolutisme au nom de la transparence.
C'est à mon sens aux antipodes de la philosophie et du concept de
développement des logiciels libres.
Le logiciel libre ne peut en aucune manière prôner tel ou tel usage
(qui limiterait les logiciels au seul degré de liberté zéro : droit
d'utiliser librement le logiciel) contrairement aux lobbies de
l'industrie propriétaire qui ne diffusent que les fichiers binaires.
Les droits d'étudier librement le logiciel, c'est-à-dire d'accéder à
son code-source et de le modifier, impliquent implicitement le droit
d'étudier les programmes, c'est-à-dire l'informatique, ce que dénient
les lobbies pédagogistes associés aux lobbyes propriétaires qui
veulent, s'en tenir aux seuls usages et aux seuls outils, dans une
logique prescrite.
La chaine de la recherche et du développement ne tient pas en une
unicité d'un produit, mais bien au contraire de savoir se mettre au
service et à l'écoute de l'utilisateur, d'entendre l'avis d'un alpha ou
bêta testeur comme les attentes de l'utilisateur :
On ne développe pas dans son coin sans chercher à mettre un jour ou
l'autre en lumière les fruits de son travail ... ou alors il y a comme
un blème.
Pas de développeur sans critiques ou observations, pas de recherches ou
de découvertes sans écoute de celui par qui il est possible d'affiner
son raisonnement.
Pas de consécration de cette évolution sans accepter le point de vue
d'autrui qu'il soient nos pairs, nos supérieurs, ou du tout venant .
Bien sûr. Je partage ton point de vue.
L'évolution des civilisations ou des technologies n'a pas attendu la
chaire professorale pour découvrir, inventer, communiquer et
transmettre les savoirs et savoir faire à ses descendants.
Certes. Mais le mot technologie lui-même ne date que du XVIIIème siècle
et la première chaire de technologie de la révolution française. On se
doit de restituer les mots dans leur contexte historique : la mise en
place de division sociale capitaliste du travail (à la même époque le
mot technique apparaît pour désigner un savoir-faire, avant on parlait
d'art de).
Mais c'est un autre débat. :-)
Tout juste peut être pour systématiser les
connaissances.
Mais en tout cas pas pour s'accaparer du discours ou de la casuistique
de l'éducation et du contexte des apprentissages.
Manquer de pédagogie c'est aussi prétendre rompre avec ceux qui nous
ont permis de découvrir l'art d'enseigner, tout simplement parce c'est
l'autre qui apprend.
NON. Ma pratique personnelle témoigne qu'il n'y a pas d'art univoque et
universel d'enseigner. Chaque être humain étant différent, on ne peut
pas réellement imposer de modèle pédagogique comme le font les
programmes scolaires, notamment en technologie, contre l'avis de tous
les syndicats sans exception (ce qui ne s'est jamais produit dans toute
l'histoire de l'éducation).
Pour autant la didactique, l'épistémologie m'intéressent en ce qu'elles
permettent de réfléchir sur les notions.
Autant l'état éducateur que souhait mettre en place Robespierre durant
la Révolution était pré-totalitaire, autant les principes de
l'instruction publique opposé à une école fondée sur l'éducation,
s'appuyaient sur la raison, le respect de l'intimité et de la sphère
privée de chacun.
Je me range donc du côté de Condorcet et aux principes de notre école
de la République.
Bien entendu on nous répondra que s'il n'y a pas d'élèves, au sens
d'apprenant ou peut être de consommateurs, il n'y a pas d'enseignants,
mais sans doute au sens de vendeurs de programmes officiels.
Sincèrement
Didier
Apprenant est un concept canadien qui s'est substitué pour faire moins
provocateur à celui de client. Effectivement je préfère le mot élève et
je considère que les enseignants ne doivent pas se transformer en
prestataires de services au service de clients.
Amicalement,
Charlie
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