Objet : Liste de discussion du groupe de travail Éducation et logiciels libres de l'April (liste à inscription publique)
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- From: "Philippe-Charles Nestel (Charlie)" <cnestel AT free.fr>
- To: educ AT april.org
- Subject: Re: [EDUC] Droit et tice à l'école [d oc inspection]
- Date: Mon, 29 Jun 2009 07:55:44 +0200
- Organization: april AT april.org
Yves a écrit :
Le dimanche 28 juin 2009 à 20:27 +0200, Philippe-Charles NestelTu rêves ? Dans le secondaire tu dépends de programmes qui peuvent être carrément obscurantistes.
(Charlie) a écrit :
Pour autant, je ne dirais pas la loi DADVSI a changé la donne dans un sens favorable aux enseignants si l'on considère que ce qui est favorable aux enseignants c'est ce qui est favorable à l'enseignement.J'ai peur de ne pas adhérer (par principe) à ce genre de raisonnement.
Je peux discuter avec les enseignants de ce qui est favorable à
l'exercice de leur métier, je ne peux pas discuter avec
l'«enseignement»!
Dans la mesure ou les enseignants ont le contrôle de leurs cours,
Par exemple, l'enseignement de la technologie en collège où l'informatique appelée TICE n'existe qu'en tant qu'outil. La discipline y est définie, à l'instar de la révolution industrielle du XIXème siècle, comme étant l'étude de/la science des objets techniques, avec une vision du monde dogmatique.
Un exemple : le nouveau programme de cinquième qui tourne autour de l'habitat et du génie civil. Jusque là rien à redire, c'est une thématique comme une autre. Là où les choses se corsent c'est dans l'obligation de passer par des concepts qui relèvent carrément d'un bréviaire : la croyance à la notion de fonctions d' usages censées répondre à des besoins (qu'on retrouve aussi bien chez les classiques comme Ricardo que chez Marx : "valeur d'usage") prenant la forme, par exemple dans l'habitat, de fonctions services traduites en termes de fonctions techniques : étanchéité, isolation, contreventement, matériaux, énergie, etc.
En réduisant l'être humain qu'à une somme de besoins dénué de désirs, cette approche est autistique. Ce programme ne peut réellement être opératoire que pour un seul cas de figure : le courant né avec le mouvement productiviste russe, le Bauhaus en Allemagne, Le Corbusier et la charte d'Athènes, que l'on a appelé le fonctionnalisme. Il débouche sur les grands ensembles et les barres que l'on dynamite aujourd'hui.
Très bien. Ayant travaillé dans mon jeune temps chez Georges Candilis qui fut le disciple de Le Corbusier (théoricien du logement comme machine à habiter) je file aux gamins un plan de F2 (ça entre dans une feuille A4) à l'échelle 1/50 de Candilis. Là le programme fonctionne impeccablement puisque le moindre détail, dans un minimum de surface habitable, fut pensé par Candilis. Chaque activité censée correspondre l'acte d'habiter est bien traduite par une fonction. C'est normal, il s'agissait d'un concours Habitat et son plan était un manifeste du fonctionnalisme.
Passons sur le fait que j'ai vu pleurer en plein cours Georges Candilis qui s'était rendu compte qu il s'était trompé en ayant cru au logement du plus grand nombre et avait contribué à détruire le tissu social...
Pour essayer de survivre dans l'exercice d'un métier où le programme scolaire est bâti sur une base stalinienne et/ou totalitaire, je décide de le traiter comme un courant culturel comme un autre, pour restituer une distanciation critique. Mon objectif étant par exemple que tous les mômes quel que soit leur niveau sachent se servir avec intelligence d'un moteur de recherches basé sur de l'indexation plein texte, être en mesure de construire un document de plusieurs pages structuré et référencé, je propose donc aux gamins un plan type...
Digression à propos des moteurs de recherche. Le modèle cognitif dominant dans l'éducation (et on l'a vu dans les posts précédents à propos de l'usage structuré du traitement de textes) étant la catégorisation arborescente, pratiquement tout le système éducatif reprend en coeur la notion de mot clé. Manque de pot, une requête sur une indexation plein texte de fonctionne pas avec des catégories sémantiques mais, soit par de la sérendipité et/ou par le choix d'occurrences nécessitant une approche lexicale où l'unité de sens occasionnelle sera déterminée par un contexte, pas par des catégories sémantiques.
De toutes les manières, les programmes ne recommandent même plus d'apprendre aux élèves l'usage d'un moteur de recherche puisqu'ils imposent de donner directement les URLs. Et ça s'appelle l'éducation aux TICE !
Inutile de dire que j'obtiens des résultats fantastiques. Chaque travail d'élève est un véritable cours digne de la préparation de cours d'un enseignant (mon objectif sous-jacent étant, en détournant le programme, d'apprendre à apprendre avec les "nouvelles technologies").
Pour autant, si tu vas sur le net, tu verras que le moindre mobilier de Le Corbusier en 1928 qui n'est pas sans évoquer ce que l'on peut trouver aujourd'hui chez Roche Bobois/Ikea, etc, porte une licence ultra-propriétaire.
Un enseignant ne construit donc pas, comme tu le sous-entends, un cours tout seul. Il le construit avec des matériaux dont il n'est pas l'auteur, mais qu'il peut mettre en correspondance.
Par exemple l'abstraction géométrique des peintures de Le Corbusier que l'on va retrouver dans son mobilier/Design et dans son architecture. C'est-à-dire que par delà l'idéologie fonctionnelle sous-jacente, que l'on peut critiquer en ce qu'elle est totalitaire, il y a tout de même une esthétique qui va marquer son époque et permet donc aux enfants de restituer du sens, en se situant dans une histoire.
Je ne peux parvenir à ce résultat, qu'en considérant que chaque travail relève de l'exception de la copie privée, chacun des documents étant différent. Si je souhaitais publier ces travaux d'élèves (avec leur accord), je passerais donc de l'exception de la copie privée à une diffusion publique/collective. Dans ce cas, ce serait assimilable à de la contrefaçon et sanctionnable selon les termes de la DADVSI à trois ans de prison et 300 000 Euros d'amende.
Avec l'exception pédagogique, aux Etats-Unis et/ou en Grande Bretagne, j'entrerais dans le cadre du fair use.
La seule chose dont je suis l'auteur c'est la méthode que j'utilise, pas les documents qui me permettent de construire un cours. En ce sens :
lspour que je puisse publier sous une licence libre, il faudrait que les images soient elles-mêmes sous une licence libre. Or l'image des objets relève des ayants droits quand bien même seraient-elles photographiées par un photographe ayant opté pour une licence libre.
peuvent être amener à réfléchir au bénéfice commun qu'apporte une
licence libre. L'«enseignement», qui décide pour lui? Les tenants de la
privatisation libérale ou ceux de l'école gratuite accessible à tous?
Je persiste à penser que c'est un des (rares) aspects positifs de cette
loi.
Si, effectivement, l'un des rares aspects positifs de la loi DADVSI en pérennisant le droit d'auteur des enseignants ouvrent la porte à la légitimité et à la légalisation des licences libres, ce n'est qu'à la seule condition que les documents produits soient libres de A à Z et/ou du domaine public.
En ce sens, la DADVSI est un frein à l'enseignement et limite considérablement la liberté pédagogique.
Amicalement,
Charlie
--
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